Que faire des 32 TWh de surplus d’électricité d’Hydro-Québec?
François Normand|Publié le 05 octobre 2020Ces dernières années, Hydro-Québec a surtout écoulé ses surplus d’électricité en les exportant aux États-Unis.
Le Québec doit amorcer une réflexion en profondeur sur la manière de disposer le plus efficacement possible des surplus d’énergie d’Hydro-Québec (les volumes d’électricité annuelle disponible) qui sont actuellement estimés à environ 32 térawattheures (TWh).
Voilà la principale conclusion d’une étude qui sera lancée officiellement le 13 octobre par la Chaire en gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal («Les surplus électriques en 2020»), qui a été réalisée par Christophe Bouchet, consultant en stratégies énergétiques, et Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire et spécialiste en énergie.
Précisément, ces surplus de 32 TWh représentent l’électricité que le Québec peut produire au-delà de la production qui permet de répondre à la demande des entreprises et des citoyens québécois, tout en respectant ses contrats d’exportation d’énergie à long terme.
(Source tableau: HEC Montréal)
Les deux auteurs soulignent qu’il ne faut pas confondre ces surplus avec l’électricité dite patrimoniale non utilisée —que l’on appelle parfois les «surplus» d’Hydro-Québec Production. Le producteur d’énergie y a accès, mais il n’en a pas besoin «pour satisfaire les besoins des Québécois», écrivent-ils.
Ces dernières années, Hydro-Québec a principalement écoulé ses surplus d’électricité en les exportant surtout aux États-Unis.
En 2019, la société a réalisé des exportations nettes d’électricité totalisant un volume de 33,7 TWh, dont presque la moitié en Nouvelle-Angleterre, devant l’État de New York, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick.
Ce volume d’exportations est en partie constitué de contrats à long terme (par exemple, avec le Vermont, pour une livraison d’environ 1,3 TWh par année jusqu’en 2038) et de ventes sur les marchés à court terme, et ce, pour combler des besoins immédiats sur les réseaux voisins, par exemple pour la climatisation durant l’été.
Christophe Bouchet et Pierre-Olivier Pineau affirment qu’Hydro-Québec doit continuer à exporter une partie de ses surplus d’électricité renouvelable chez nos voisins américains, d’autant plus que des États comme New York et le Massachusetts renforcent leurs actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) afin de lutter contre les changements climatiques.
Deux scénarios pour le Québec
Par contre, les auteurs de l’étude soulignent deux autres possibilités pour écouler les surplus d’Hydro-Québec.
Il y a d’abord l’électrification de l’économie québécoise, à commencer par le transport léger (voitures électriques, autobus, REM) et la conversion du chauffage résidentiel et commercial (bâtiments).
Christophe Bouchet et Pierre-Olivier Pineau donnent l’exemple d’un projet potentiel, soit 2 millions de véhicules électriques en circulation, qui représenterait près de 35% du parc automobile au Québec.
Dans son plan d’approvisionnement 2020-2029, Hydro-Québec Distribution (HQD) évalue qu’il y aura environ 635 000 voitures électriques en circulation au Québec en 2029, avec une consommation annuelle associée de 1,9 TWh.
L’autre possibilité pour écouler les surplus d’électricité est de développer de nouveaux marchés au Québec.
HQD a déjà identifié trois marchés locaux dans son plan d’approvisionnement 2020-2029: les centres de données, le secteur des chaînes de bloc, et la culture en serre. Selon l’étude de HEC Montréal, la production d’hydrogène renouvelable est aussi un secteur à considérer.
Pour les centres de données, les auteurs donnent l’exemple de l’ajout potentiel de 20 nouveaux centres de données installés au Québec, qui pourraient consommer pour 5 TWh d’énergie par année, sur la base d’une puissance installée de 30 mégawatts par établissement.
Dans son plan d’approvisionnement, HQD estime que les centres de données au Québec pourraient consommer 3,1 TWh de plus en 2029 comparativement à leur consommation actuelle.
Malgré ces trois possibilités pour écouler les surplus d’électricité, une inconnue demeure: leur disponibilité à terme.
Christophe Bouchet et Pierre-Olivier Pineau estiment que ces surplus devraient «se maintenir à court terme», mais que des «incertitudes» demeurent à long terme, notamment en raison de facteurs hydrauliques, économiques, politiques et réglementaires.