Si le volet culturel lié à l’or comme l’achat de bijoux perd de la vitesse, la demande des banques centrales, elle, ne risque pas de s’estomper, soutient Stéphane Rochon. (Photo: Adobe Stock)
Le prix de l’or bat des records presque sur une base hebdomadaire depuis quelques mois. Mais à environ 2650 $ US l’once, est-ce encore le temps d’y investir une partie de son portefeuille ?
Stéphane Rochon, directeur général et stratège des actions à BMO, affirme qu’il est très optimiste quant à ce métal depuis 18 mois et ne perçoit pas de facteur qui pourrait mener à un effondrement des cours.
Mais, sans s’effondrer, le cours poursuivra-t-il sa montée record ?
« Oui, ça peut continuer, tranche pour sa part Jean-René Ouellet, vice-président à la stratégie au Mouvement Desjardins. Un élan, ça peut continuer de surprendre à la hausse. C’est la même chose que sur le marché des actions. »
Il prévient toutefois les plus enthousiastes de ne pas transférer trop de fonds vers le précieux métal. Avoir un peu de producteurs d’or en portefeuille, c’est correct, mais l’investisseur doit bien doser.
« Si j’ai entre 3 % et 5 % d’un portefeuille exposé au prix de l’or, je peux très bien vivre avec ça, soumet-il. Mais si je vois des portefeuilles qui s’exposent entre 15 % et 30 % au précieux métal, ce serait assurément trop. Tant que le prix de l’or est élevé, les gens peuvent être confortables avec leurs transactions, mais c’est ajouter une dose de risque excessivement importante, et ce n’est pas quelque chose que nous recommandons. Il faut se souvenir que l’or est plus volatile que les actions. »
Force de plusieurs facteurs
Si l’or vogue de record en record ces temps-ci, c’est que les facteurs poussant le cours du métal à la hausse pointent presque tous dans le bon sens. En commençant avec les taux d’intérêt.
« Historiquement, les taux d’intérêt réels sont la variable macroéconomique qui a eu le plus d’influence sur le prix du métal jaune depuis des décennies, soutient Stéphane Rochon. On peut retourner en arrière de 20, 30, 40 ou 50 ans. Ils ont beaucoup augmenté, et rapidement, depuis la pandémie. »
Il explique que l’or ne rapporte pas d’intérêts. Lorsque les taux sont élevés, les véhicules de placement qui rapportent des intérêts font une plus grande compétition à l’or, dont le rendement est strictement lié à son cours. L’inverse est aussi vrai.
« La Réserve fédérale américaine vient d’abaisser son taux directeur de 50 points de base, rappelle-t-il. D’ici à la fin de 2025, on prévoit une diminution totale de 250 points de base. Ça, c’est un environnement favorable pour l’or. »
Se débarrasser du dollar américain
Deux autres facteurs venus de nos voisins du Sud sont également à considérer, note Julie Hurtubise, conseillère en placement principale, Gestion de patrimoine Hurtubise, Conseils de placements privés, Gestion de Patrimoine TD.
« La dette américaine préoccupe bon nombre d’investisseurs, souligne-t-elle. Cette dette est en expansion. Le ratio actuel de la dette est à 123,7 % du PIB. Pendant la pandémie, il était à 126,2 %, et généralement, à 130 %, nous parlons de défaut de paiement. Les gens achètent donc de l’or pour se protéger, comme avec un fonds spéculatif (hedge fund). »
Un autre facteur plaidant en faveur de la hausse du prix de l’or est que les pays du BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie et Iran), avec en tête la Russie et la Chine, ont à l’agenda de leur prochaine rencontre, en octobre, l’élaboration d’une nouvelle monnaie appuyée sur l’or.
« Nous savons que les pays du BRICS+ ne veulent plus acheter des dollars américains, précise Julie Hurtubise. Ils ne veulent pas non plus s’en aller vers l’euro ni vers d’autres monnaies, alors ils tentent de trouver quelque chose pour rivaliser avec le dollar américain. »
Si le volet culturel lié à l’or comme l’achat de bijoux perd de la vitesse, la demande des banques centrales, elle, ne risque pas de s’estomper, ajoute Stéphane Rochon.
« En Inde, par exemple, pendant la saison des mariages, la demande physique a une certaine sensibilité au prix, observe-t-il. À 2600 $ US l’once, ils vont en acheter moins que si on était à la moitié de ce prix-là. Les banques centrales, elles, n’ont pas cette sensibilité au prix. »
Véhicules de placement
Plusieurs options s’offrent à l’investisseur qui veut diversifier son portefeuille avec de l’or. Hormis la vente directe d’or chez Costco (COST, 885,01 $ US) ou de certificats liés à des lingots, il est possible de se diriger vers les fonds négociés en Bourse (FNB).
« Je pense entre autres au fonds SPDR Gold Shares (GLD, 244,89 $ US) sur le marché américain, qui fait le travail, indique Jean-René Ouellet. Vous y retrouvez essentiellement les plus gros producteurs aurifères du monde à faible coût. Au Canada, il y a le FNB iShares S&P/TSX Global Gold Index (XGD, 23,64 $) ou encore celui de la Monnaie royale canadienne (MNT, 36,70 $), qui est essentiellement de l’or conservé dans ses coffres. »
Il prévient qu’acheter des titres d’entreprises aurifères peut être très risqué parce que, malgré l’essor qu’on voit en ce moment, elles demeurent des véhicules de placement qui sont très volatils.