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B Corp, une certification rassembleuse

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑octobre 2024

B Corp, une certification rassembleuse

Il y a cinq ans, Aurelia Talvela a travaillé pour « une des dix premières B Corp québécoises », pour une patronne « très impliquée dans le mouvement ». (Photo: courtoisie)

B CORP: REDÉFINIR LA PERFORMANCE. Le processus de certification B Corp a beau être long — jusqu’à un an d’attente pour obtenir une réponse finale — et à certains égards laborieux en raison de la documentation à produire, il débouche presque assurément sur de nouvelles relations d’affaires. Voici les occasions et les défis que présente le nouveau sceau en vogue.

Il y a cinq ans, Aurelia Talvela a travaillé pour « une des dix premières B Corp québécoises », pour une patronne « très impliquée dans le mouvement ». Ayant eu la piqûre, la stratège en communication a ensuite travaillé pour une seconde B Corp, tout en s’impliquant à B Local Québec, en assumant la présidence en février 2020. « C’est vraiment une belle communauté, dit-elle. Participer au mouvement B Corp, c’est s’entourer de gens qui partagent les mêmes valeurs et qui essayent d’avoir un impact positif sur leur environnement. Pour moi, c’est un engagement autant personnel que professionnel. » 

De toute évidence, l’idée de « communauté B Corp » fait son chemin au Québec. Les entreprises certifiées ont tendance à se regrouper par des partenariats d’affaires. Par exemple, l’agence en développement durable Coesio a fait affaire avec Optel, un leader dans la traçabilité des chaînes d’approvisionnement, et avec l’agence de communication Canidé. Quant à Construction Longer, elle a confié son marketing numérique à l’agence Axial. « Au moment où notre collaboration avec Axial a débuté, nous n’avions pas encore notre certification B Corp, mais nous étions en phase d’évaluation, raconte Pierre-Luc Auclair, PDG de Construction Longer. Cette démarche a influencé positivement Axial à nous prendre comme client. Mais si on pousse un peu plus loin, ce sont moins la certification et le processus d’obtention que les valeurs que nous partagions qui ont fait que nous avons collaboré avec eux. »

Pour Pierre-Luc Auclair, la certification B Corp permet de confirmer qu’il y a un « « fit » de valeurs » entre des entreprises ou des collaborateurs potentiels. « Une entreprise qui ne serait pas B Corp, mais dans le processus, ou même qui n’aurait pas obtenu la certification, mais qui travaille à faire des changements pour faire évoluer son fonctionnement serait aussi considérée comme partenaire potentielle », précise-t-il. Avec 150 entreprises certifiées B Corp au Québec, le PDG convient qu’il ne peut limiter son choix de partenaires à ces seules entreprises. « On peut cependant travailler à faire rayonner ce mouvement pour en inciter à s’y joindre. »

Une démarche crédible

Outre l’accès à une communauté, l’autre grand avantage d’obtenir la certification B Corp est la crédibilité qu’elle porte aux yeux d’un donneur d’ordre ou d’un investisseur. « En 250 projets, je n’ai jamais vu un donneur d’ordre ou une banque demander la certification B Corp, dit Marius André, directeur relations d’affaires de Coesio. Les institutions peuvent en revanche demander à une entreprise de montrer ce qu’elle fait en développement durable. Et de dire qu’on est certifié B Corp, avec un pointage à l’appui, ça permet plus facilement de répondre à cette question. »

Si le pointage de B Corp a un tel poids aux yeux des décideurs, c’est que le processus d’évaluation est somme toute assez rigoureux. « Chaque fois qu’on répond à une question, il faut pouvoir justifier notre réponse avec une preuve », explique Aurelia Talvela. Quand une entreprise soumet le questionnaire, elle entre alors dans un processus de vérification très serré avec les analystes de B Lab Global. « Les analystes peuvent demander n’importe quel justificatif ou preuve, à n’importe quel moment, sur n’importe quel énoncé que l’entreprise a coché. » Faute d’avoir des analyses en assez grand nombre, cette opération de validation peut aujourd’hui prendre jusqu’à un an.

À l’ouverture d’un dossier, le score moyen d’une entreprise qui remplit pour la première fois le questionnaire est 50,9, alors qu’il faut atteindre le seuil de 80 points pour être en mesure de soumettre sa candidature. L’entreprise doit nécessairement mettre en place des initiatives ou formaliser des pratiques lui permettant d’aller chercher les 30 points manquants. « Documenter ses pratiques, ça demande du travail. Créer de nouvelles politiques également. Toutefois, le vrai défi de la certification, je crois que c’est de mobiliser toute son équipe derrière des initiatives qui amèneront des changements concrets », dit Thomas Ferland-Dionne, cofondateur de Boite Pac.

Finalement, il faut préciser que le degré de difficulté de la certification dépend beaucoup de la taille et de la complexité de l’entreprise. « Plus l’entreprise est grosse, plus c’est difficile de mettre de nouvelles politiques en place, note Aurelia Talvela. Le conseil d’administration ou des membres de la direction ont plus de chance de bloquer ce genre de changement. En contrepartie, les grandes entreprises ont plus de ressources à consacrer en interne sur cette démarche », reconnaît-elle.