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Taxer? Interdire? Subventionner? Pour le climat, il faut tout combiner, conclut une étude

AFP|Publié il y a 14 minutes

Taxer? Interdire? Subventionner? Pour le climat, il faut tout combiner, conclut une étude

(Photo: 123RF)

Les centrales à charbon, taxer le carbone ou subventionner les renouvelables… isolément, ces mesures ne suffisent pas à obtenir d’importantes réductions des gaz à effet de serre, affirme une vaste étude internationale publiée jeudi qui donne sa recette d’une politique climatique efficace: combiner taxes, contraintes réglementaires et mesures incitatives.

Cette étude, publiée dans la revue Science, a passé au crible 25 ans de politiques publiques (taxes, subventions, normes ou sensibilisation) dans 41 pays du globe représentant 81% des émissions mondiales.

Sa conclusion? Sur 1500 politiques analysées, couvrant l’énergie, les transports, l’industrie et le bâtiment, «seulement 63 cas de politiques publiques performantes ont été identifiées, chacune obtenant en moyenne 19% de baisse des émissions».

«Les chercheurs montrent que l’interdiction des centrales électriques à charbon ou des moteurs thermiques ne se traduit pas par des réductions importantes des émissions lorsqu’elle est mise en œuvre seule», explique l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat (PIK), qui a dirigé ces travaux avec l’Institut de recherche Mercator (MCC) de Berlin.

«Les cas performants n’apparaissent qu’avec un tandem de taxes et d’incitations tarifaires, combiné à un paquet de politiques bien conçues, comme au Royaume-Uni pour la production d’électricité au charbon ou en Norvège pour les voitures», poursuit le communiqué des chercheurs.

Dans le cas du déclin du charbon britannique, les chercheurs identifient une rupture nette en 2014-2015 dans la foulée de l’introduction d’un prix plancher du carbone en 2013.

«Bien que la littérature existante ait attribué la majeure partie de cet effet au prix plancher du carbone, notre méthode révèle que ce prix faisait partie d’un vaste ensemble, comprenant des mesures de régulation (normes et planification de l’expansion des renouvelables, règles antipollution atmosphériques plus strictes et annonce d’une fermeture progressive des centrales au charbon) et des mesures incitatives reposant sur le marché (tarif de subventionnement des renouvelables et mises aux enchères)», écrivent les auteurs de l’étude.

Feuilles de route climatiques

Ces 63 politiques fructueuses ont représenté «des réductions d’émissions totales entre 0,6 milliard et 1,8 milliard de tonnes d’équivalent CO2 (CO2eq)», estime l’étude. En 2022, l’humanité émettait 57,4 milliards de tonnes de CO2eq, selon les estimations des Nations unies.

Les chercheurs espèrent que leurs travaux influeront sur les feuilles de routes climatiques des pays signataires de l’accord de Paris, qui doivent, d’ici février 2025, en transmettre à l’ONU une version actualisée pour tenter de limiter le réchauffement à 1,5°C depuis l’ère préindustrielle (contre 1,2°C environ à ce jour).

«Nos conclusions démontrent que la multiplication des politiques n’est pas nécessairement synonyme de meilleurs résultats; au contraire, c’est la bonne combinaison de mesures qui est cruciale», explique l’auteur principal, Nicolas Koch, du PIK et du MCC.

«Mais en se focalisant sur seulement 63 ruptures majeures statistiquement identifiables», les chercheurs «passent à côté de l’impact de milliers d’efforts plus modestes à l’échelle mondiale», cumulatifs et synergiques, a réagi Michael Grubb, professeur de l’University College London (UCL), qui n’a pas participé à l’étude.

Il a toutefois salué «l’étude la plus sophistiquée à ce jour» dont la conclusion sur la nécessité de combiner les politiques « est tout à fait logique».

«L’étude ne s’intéresse qu’aux politiques climatiques qui obtiennent des réductions soudaines, alors que la plupart d’entre elles reposent sur l’efficacité des nouvelles mesures ou vise une trajectoire d’émissions à long terme, puisqu’établir des infrastructures et des modes de vie plus écologiques prend des années», a nuancé aussi Robin Lamboll, spécialiste environnemental de l’Imperial College de Londres.

Pour parvenir à leurs conclusions, les chercheurs ont travaillé sur une base de données sur les politiques publiques de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et une méthode combinant méthodes d’apprentissage automatisé et analyses statistiques.

Un site web interactif, le «Climate Policy Explorer», offre une vue d’ensemble des résultats de l’étude, accessible au public.