Continuons à réduire nos GES même si Trump prend le pouvoir
Pierre-Olivier Pineau|Publié il y a 28 minutesDonald Trump à West Palm Beach en Floride, le 6 novembre 2024 (Photo: Chip Somodevilla / Getty Images)
EXPERT INVITÉ. Les résultats de la dernière enchère de droits d’émission de gaz à effet de serre (GES) de 2024 ont été divulgués ce mercredi 27 novembre. Malgré les négociations difficiles à la COP 29 et l’élection de Donald Trump, les acteurs québécois et californiens du marché du carbone n’ont pas déserté ces enchères.
On a même pu constater une hausse du prix de la tonne de GES par rapport à l’enchère précédente, de 41,5$ à 44,6$.
C’est toujours un prix en baisse en comparaison au record de 56,6$ du début de l’année 2024. Toutefois, la remontée par rapport au plus bas prix de 2024 – observé en août (41,5$) – indique que la confiance dans ce système reste solide.
En octobre dernier, les gouvernements de la Californie et du Québec ont tous les deux annoncé un resserrement de ce système de plafonnement des émissions.
Ils vont retirer des droits d’émissions au moins 180 millions de tonnes pour la Californie et 17,5 millions de tonnes au Québec.
C’est majeur, parce que ces quantités combinées (197,5 millions de tonnes) représentent presque tout ce qui a été vendu aux enchères en 2024: 206 millions de tonnes pour le «millésime présent».
Ce millésime présent représente tous les droits d’émissions vendus en 2024 qui sont immédiatement utilisables.
Le retrait de ces droits d’émission est bienvenu pour redonner une impulsion à la lutte contre les changements climatiques, surtout au Québec.
Nous sommes en effet dans un élan de croissance des émissions, alors que nous visons la décroissance.
Des records de GES au Québec
En 2023, les émissions des grands émetteurs québécois ont atteint le record de 23,15 millions de tonnes, la plus haute valeur depuis 2012, année où le registre a été créé.
Du côté du transport, les ventes de carburants destinés aux véhicules automobiles ont aussi battu un record en 2023, avec 9,17 milliards de litres d’essence brûlés au Québec.
Cela représente plus de 21 millions de tonnes de GES, uniquement pour l’essence.
Il faut ajouter les 8 milliards d’autres produits pétroliers vendus en 2023 (diesel, carburéacteur, mazout) pour avoir un portrait plus complet.
Si les émissions industrielles et en transport augmentent, difficile de penser qu’elles vont globalement diminuer, puisqu’elles représentent plus de 60% des émissions du Québec.
Avec Donald Trump qui arrive en janvier à la présidence des États-Unis, et un probable gouvernement conservateur au Canada en 2025, on pourrait douter de la pertinence de réduire nos émissions de GES.
Pourquoi s’y astreindre, si nos voisins ne le font pas?
Deux raisons d’agir malgré tout
La première raison est avant tout financière: à un prix variant de 1,40$ à 1,60$ le litre, pourquoi s’acharner à vouloir maintenir une consommation d’essence?
C’est plus de 15 milliards dollars du budget des Québécois qui sort des pots d’échappement!
Si on veut protéger le portefeuille des consommateurs, il faut leur faire économiser en transport: c’est le deuxième poste de dépense des ménages, après le logement.
Du côté des industries, il y a encore des gains d’efficacité à réaliser.
La firme Econoler a mis à jour en 2023 le potentiel d’efficacité énergétique pour le gaz naturel au Québec et a découvert que 1,4 milliard de mètres cubes pourraient être économisés de manière rentable et techniquement faisable.
Cela représente 25% de la consommation québécoise!
Alors qu’on cherche sans cesse des moyens d’augmenter la productivité, on pourrait en trouver en se penchant un peu plus sur la consommation d’énergie.
La seconde raison de vouloir réduire les GES malgré le contexte politique défavorable est stratégique
C’est doublement stratégique.
Les principaux acteurs du marché continuent à décarboner
D’une part, rendre notre économie moins dépendante aux émissions de GES va nous immuniser contre les soubresauts du prix des hydrocarbures. Avec les conflits mondiaux qui s’annoncent, moins on consommera d’hydrocarbures, moins on sera exposés aux chocs des prix à venir.
D’autre part, si le retour politique de Trump et des conservateurs au Canada est réel, il reste passager. Les changements climatiques, eux, sont tout aussi réels, mais là pour longtemps. Le monde de la finance le sait, les assurances le savent, les grandes entreprises aussi.
Les consommateurs et les marchés vont valoriser les solutions à long terme. Si nous voulons bien nous positionner pour l’avenir, il faut se préparer dès maintenant.
C’est pour cela que le signal des dernières enchères du marché du carbone est le bon.
Le prix de la tonne de GES monte.
Sa valeur est reconnue.
Il faut donc agir pour réduire les émissions.