53% des Canadiens ont peu confiance envers les médias
La Presse Canadienne|Publié le 10 novembre 2023Les Canadiens plus âgés s’informent également plus souvent au moyen des médias traditionnels. La télévision est le moyen privilégié pour s’informer de 63% de ce groupe d’âge. (Photo: 123RF)
Plus de la moitié des Canadiens éprouvent un faible niveau de confiance envers les médias, a révélé vendredi une enquête menée par Statistique Canada. Un constat «inquiétant pour les médias», selon un expert.
Les données recueillies auprès d’environ 10 000 citoyens à travers l’ensemble des provinces, dans le cadre de l’Enquête sociale canadienne sur la qualité de vie, les soins de santé virtuels et la confiance, indiquent que 53% des répondants ont un faible niveau de confiance envers les médias.
Moins d’une personne sur six (16%) disait avoir un niveau de confiance élevé envers les médias, tandis que 32% des répondants au sondage de Statistique Canada ont indiqué avoir un niveau de confiance modéré envers ces institutions.
«C’est inquiétant pour les médias parce qu’ils demandent de plus en plus d’aide publique, de fonds publics, au moment même où les gens se méfient de plus en plus d’eux, ou se méfient beaucoup d’eux», estime Marc−François Bernier, professeur titulaire au département de communication de l’Université d’Ottawa.
Toutefois, ces résultats ne surprennent pas le professeur, alors que ce phénomène ne date pas d’hier.
«Ce phénomène-là, on le voit depuis les années 1970−1980, il est bien documenté, surtout aux États−Unis, explique-t-il. En même temps, à peu près, toutes les grandes institutions sociales ou démocratiques ont perdu pas mal la confiance du public depuis ces années−là.
«Pour les médias, c’est pire, parce que l’un de leurs fonds de commerce c’est la confiance, et l’autre c’est la crédibilité», ajoute M. Bernier.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le faible niveau de confiance du public envers les médias, selon M. Bernier. Certaines personnes croient que les médias ne reconnaissent pas leurs erreurs, ou que les journalistes ne sont pas nécessairement indépendants du pouvoir politique ou d’intérêts particuliers.
Les citoyens font aussi un «amalgame entre toutes sortes de journalistes», indique le professeur, passant du journaliste d’enquête au chroniqueur.
«Ce qu’on voit dans les enquêtes, c’est que les gens estiment qu’il y a trop de chroniqueurs», indique M. Bernier.
Selon lui, il existe deux sortes de méfiance envers les médias: la méfiance basée sur l’ignorance, où les personnes ne sont pas informées sur le fonctionnement des médias, ou la méfiance éclairée, où les individus connaissent bien le métier des journalistes, mais qui estiment qu’ils font mal leur travail.
M. Bernier précise également que plus une personne est à droite sur l’échiquier politique, plus elle est méfiante envers les médias.
Des différences générationnelles
Le niveau de confiance varie également en fonction du type de média consulté.
Les médias traditionnels attirent la confiance d’un plus grand nombre de citoyens, peu importe le groupe d’âge. La télévision, la radio et la presse écrite inspirent chacune la confiance de 28% des répondants.
Seulement 5% des répondants ont dit avoir un niveau de confiance élevé envers les informations provenant des médias sociaux, une proportion qui s’élève à 13% pour les nouvelles provenant d’internet.
Toutefois, la majorité des répondants à l’enquête s’informent sur internet (33%), suivi par la télévision (28%) et les médias sociaux (24%). La radio et la presse écrite arrivent loin derrière, alors que 8% des Canadiens préfèrent s’informer en écoutant la radio, et 5% au moyen des journaux, selon Statistique Canada.
Les personnes âgées de 65 ans et plus ont davantage confiance envers les médias que les plus jeunes, précise l’enquête.
«Elles étaient près de deux fois plus susceptibles que celles âgées de 15 à 24 ans d’accorder un niveau de confiance élevé à l’égard de l’ensemble des médias», peut−on lire dans le document.
Les Canadiens plus âgés s’informent également plus souvent au moyen des médias traditionnels. La télévision est le moyen privilégié pour s’informer de 63% de ce groupe d’âge.
Sans surprise, les jeunes vont davantage à la recherche de nouvelles sur le web ou sur les médias sociaux: 85% des personnes âgées de 15 à 34 ans ont soutenu s’informer majoritairement sur ces plateformes.
Que faire?
Plusieurs solutions pourraient être mises en place afin d’accroître la confiance du public envers les médias, selon le professeur à l’Université d’Ottawa.
Les journalistes, en plus de faire un travail rigoureux, doivent s’assurer de reconnaître leurs erreurs publiquement, et de s’intéresser à des sujets qui concernent également les citoyens vivant en région.
M. Bernier affirme que les personnes habitant en région ne se sentent souvent pas reconnues dans les médias des grands centres urbains.
«Il y a un travail aussi de régionalisation de l’information à faire», déclare-t-il.
Ce travail ne sera toutefois pas effectué de sitôt, alors que le Groupe TVA a annoncé la semaine dernière la mise à pied de 31% de son effectif, une mesure qui touche particulièrement les stations régionales. La Coopérative nationale de l’information indépendante connaît également des difficultés avec la fin de son édition hebdomadaire papier, qui a amené 125 employés à adhérer à un programme de départs volontaires.
«Il y a de plus en plus de déserts informationnels au Québec», soutient M. Bernier.
Coralie Laplante, La Presse Canadienne