EXPERT INVITÉ. Les récentes récessions ont été causées par des hausses des taux d'intérêt ou par un choc économique.
EXPERT INVITÉ — La question est sur toutes les lèvres, et on ne cesse de me la poser : quand la prochaine récession nous frappera-t-elle ? Après quelque dix années de croissance depuis la crise financière qui a plongé une bonne partie de l’économie mondiale dans une récession en 2008, nombreux sont ceux qui croient en effet qu’elle est donc imminente. L’incertitude accrue à l’égard de l’économie et la performance irrégulière du marché boursier ont alimenté cette préoccupation. Sans oublier les effets de l’endettement des ménages ou encore des hausses successives des taux d’intérêt.
Or, la récession attendue n’aura pas cours cette année. Contrairement à ce que plusieurs croient, les récessions ne surviennent pas nécessairement parce que la croissance économique se révèle très robuste pendant un certain nombre d’années. Les causes d’une récession sont variables et multiples, mais l’histoire récente nous montre que ce sont de très fortes hausses de taux d’intérêt ou des chocs économiques imprévus qui ont entraîné l’économie canadienne en récession au cours des 40 dernières années.
La récession de 1981-1982, qui a perduré 18 longs mois, était en effet imputable à une montée vertigineuse des taux d’intérêt. En raison de l’inflation persistante, qui avait grimpé à 12 %, la Banque du Canada avait réagi en haussant les taux jusqu’à 19 % ! Cette stratégie, qui a permis de réduire les pressions inflationnistes, a toutefois plongé le pays dans une longue et mémorable récession.
En 1991, dans la foulée de la Guerre du Golfe, la hausse des prix du pétrole a déclenché une autre longue récession mondiale. Puis, il aura fallu attendre plus de 15 ans avant que l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis entraîne une crise financière, suivie à nouveau d’une importante récession mondiale en 2008.
Enfin, on l’oublie, mais l’économie canadienne s’est contractée pendant deux trimestres consécutifs au début de 2015, entraînant du même coup le pays en une récession technique qui s’est révélée de courte durée. La chute de 60 % des prix du pétrole avait essentiellement causé cette récession de six mois. Ceux qui croient que l’économie entre en récession tous les dix ans pourront donc attendre… à 2025 !
Au Canada, les récentes récessions ont donc été causées par des hausses importantes des taux d’intérêt ou par un choc pour l’économie. Or, les taux d’intérêt ont effectivement augmenté ces derniers mois, mais à un rythme très modeste qui les maintient toujours à un niveau historiquement bas. De plus, l’inflation se situe actuellement sous la barre des 2 % et la Banque du Canada ne verra pas l’urgence d’augmenter de manière importante les taux d’intérêt afin de contrôler l’inflation.
Par ailleurs, le Canada est aujourd’hui beaucoup moins vulnérable aux baisses de prix du pétrole, car la part des investissements dans ce secteur de l’économie est deux fois moins importante qu’en 2014. En outre, les prix du pétrole se sont redressés depuis leur plus récente baisse et devraient continuer de progresser en 2019. Enfin, notre voisin américain poursuivra sa croissance cette année, bien que de façon plus modérée, ce qui est aussi de bon augure pour nos exportateurs et notre propre économie.
La croissance économique sera plus lente au cours des prochaines années tant au Québec qu’au Canada, mais sans nous plonger dans une récession.
EXPERT INVITÉ
Pierre Cléroux est vice-président, Recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC)