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À quoi tient notre avenir? À la beauté!

L'économie en version corsée|Publié le 22 mai 2019

À quoi tient notre avenir? À la beauté!

Le designer Daan Roosegaarde est de passage à C2 Montréal. (Photo: DR)

Enfin! L’édition 2019 de C2 Montréal vient de démarrer. Un démarrage sur les chapeaux de roues avec la conférence du designer néerlandais Daan Roosegaarde, dont les projets – plus fous et poétiques les uns que les autres – sont autant de nécessaires lunettes roses en ces temps si moroses. Laissez-moi vous en toucher deux mots, car je suis sûr que cela vous procurera une salutaire bouffée d’air frais…

«À mes yeux, le design fait fausse route lorsqu’il s’évertue à créer une énième lampe ou une énième chaise, dit-il. Il se fourvoie lorsqu’il se met au service de l’industrie du luxe, quand il travaille pour Louis Vuitton ou Ferrari. Sa véritable mission, c’est contribuer à un monde meilleur. C’est purifier l’air, purifier l’eau, purifier l’énergie. C’est combattre la pollution.»

Voilà pourquoi Daan Roosegaarde et son studio de design établi à Rotterdam, aux Pays-Bas, ont fait de la pollution leur cheval de bataille. Il y a six ans, ils se sont fait mondialement connaître grâce au projet Smog Free Tower, une tourelle urbaine de 7 mètres de haut capable d’aspirer les polluants urbains qui créent le smog. Au départ, personne n’y croyait si bien qu’il a fallu recourir à une campagne Kickstarter pour le financer. Aujourd’hui, chaque tourelle est en mesure de réduire de 55% le smog présent aux alentours, et il en existe à Beijing, Cracovie et Rotterdam.

Le designer a trouvé un bon truc pour permettre aux gens de visualiser l’impact de ses tourelles : un sachet a priori anodin, qui renferme une poudre noire. Il s’agit de carbone, lequel représente 42% des polluants recueillis par les tourelles chinoises. «Ce sachet symbolise un poumon, illustre-t-il. Le poumon de quelqu’un qui aurait marché toute la journée à Beijing et qui, ce faisant, aurait inhalé l’équivalent de la fumée secondaire de 17 cigarettes.»

Mieux, il montre ensuite une bague sertie d’une drôle de pierre cubique. Cette dernière a été réalisée en comprimant le carbone recueilli par les tourelles – c’est comme ça que sont justement formés les diamants dans la nature, par la compression du carbone –, si bien que chaque pierre renferme l’équivalent de 1.000 mètres cube d’air pollué. «Aujourd’hui, on nous demande de telles bagues d’alliance pour des mariages», s’enthousiasme-t-il.

Ce n’est pas tout. Daan Roosegaarde vient de lancer un nouveau projet, Space Waste Lab, qui vise à nettoyer l’espace de tous les déchets qu’y envoie l’être humain. C’est qu’il y a maintenant quelque 29.000 détritus détectables (grands d’au moins 10 centimètres) qui gravitent en permanence autour de la planète – déchets rejetés par des missions orbitales, débris de fusées et de satellites, etc. –, qui prolifèrent – lorsqu’un détritus en percute un autre, cela en fait plusieurs autres qui partent dans toutes les directions – et qui, si l’on ne s’en préoccupe jamais, finiront par rendre périlleux chaque lancement vers l’espace (les détritus filent si vite dans l’espace qu’ils pourraient transpercer un gilet pare-balles en kevlar…).

Le projet se déroule en deux temps. Tout a démarré le 5 octobre 2018, avec le dévoilement d’une installation gigantesque à Almere, aux Pays-Bas, qui consiste en d’innombrables faisceaux laser filant droit dans le ciel, suivant à la trace les détritus qui passent en ce moment-même au-dessus d’eux. Les gens peuvent ainsi visualiser la quantité phénoménale de détritus qui circulent à dessus de leur tête, sans en avoir moindrement conscience.

Au début de 2019, des groupes de réflexion ont été organisés pour trouver des idées géniales pour lutter contre la pollution de l’espace. Le défi était de ne plus percevoir tous ces objets disparates flottant dans le ciel comme des déchets, mais plutôt comme une matière première dont on pourrait se servir à nouveau, autrement. Résultat? Des suggestions aussi stimulantes que poétiques : par exemple, précipiter d’un seul coup tous ces détritus dans l’atmosphère afin de les transformer en une merveilleuse pluie de météorites, ou encore les propulser vers la lune afin de s’en servir comme matériaux pour la construction d’une base lunaire.

«À bien y regarder, les déchets de l’espace sont d’une beauté obsène, en ce sens qu’ils sont à la fois intrigants et désolants, dit-il. Ils mettent au jour le fait que les êtres humains ne se satisfont pas de polluer la planète entière, il leur faut aussi polluer l’espace. Ils représentent surtout, je pense, un défi incroyablement stimulant pour nous tous : bâtir un monde nouveau à partir des ratés des mondes d’aujourd’hui et d’hier.»

Le plus beau, c’est que ce projet n’est pas un rêve en couleurs. Loin de là. La Nasa et l’Agence spatiale européenne (Esa) ont décidé de s’impliquer, l’objectif étant ni plus ni moins de concrétiser les meilleures idées pour recycler les déchets de l’espace. D’ailleurs, le tout premier passage à l’action en ce sens est d’ores et déjà planifié pour 2020…

«Mon message est simple : designers, entrepreneurs, citoyens, n’attendez pas la permission de contribuer à un monde meilleur : bossez maintenant en ce sens, passez à l’action! lance Daan Roosegaarde. Qu’est-ce que le monde attend de vous? Une simple contribution de votre part, peu importe que celle-ci soit grande ou petite. C’est à vous de jouer. C’est à vous d’oser. C’est à vous de faire resplendir la beauté du monde. Maintenant.»

Wow! Quand je vous disais que la nouvelle édition de C2 Montréal avait démarré en trombe…

En passant, l’historien latin Tite-Live disait : «Il faut oser, ou se résigner à tout».

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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