Assurance habitation: êtes-vous sûr d’être bien couverts?
Claudine Hébert|Édition de la mi‑octobre 2021(Photo: Phil Hearing pour Unsplash)
FINANCES PERSO. Votre propriété est-elle suffisamment assurée en cas de sinistre ? Un règlement de zonage, l’application du code du bâtiment ou encore les récentes modifications des zones inondables pourraient vous causer de très mauvaises surprises au moment de réclamer votre indemnité.
Afin d’assurer une propriété contre le feu, le vol, les forts vents et les dégâts d’eau, la plupart des agents et des courtiers d’assurance de dommages vont vous demander d’indiquer votre adresse, le nombre de pièces, le nombre d’occupants et votre emploi. Un exercice facile. Pourtant, si vous souhaitez réellement bien dormir sur vos deux oreilles, vous avez avantage à bonifier vos demandes de soumission d’une petite visite au bureau de votre ville ou de votre arrondissement.
C’est ce qu’ont appris Jean et Luc (noms fictifs) qui ont acheté, il y a trois ans, un jumelé de style shoebox, à Montréal. Ce type de construction qui évoque une boîte à chaussures était fort populaire au début du 20e siècle dans certains quartiers de la ville. Dès que leur offre d’achat a été acceptée, les deux acheteurs ont contacté au moins trois assureurs pour obtenir des soumissions. « On a fourni toutes les informations demandées à chacun des courtiers. Nous avons ensuite choisi la soumission la plus abordable, qui revenait à moins de 800 $ par année », raconte Jean.
Surprise, la propriété est mal assurée
Le couple a toutefois omis un élément majeur au moment de la négociation de sa prime : indiquer au courtier le règlement de zonage dont fait l’objet sa nouvelle résidence. « Aucun assureur ne nous a posé de question au sujet d’un quelconque règlement. En fait, c’est au moment de signer les documents chez le notaire que nous avons été mis au parfum de ce détail non négligeable », signale Jean. En raison du style particulier de la propriété et de sa localisation, le notaire a fortement recommandé au couple de vérifier les dispositions légales affectant la propriété et d’en parler le plus rapidement possible à l’assureur.
Après avoir communiqué avec son arrondissement, le couple a ainsi découvert qu’en cas de sinistre qui détruirait plus de 50 % l’habitation, les occupants devaient reconstruire sur deux étages et non sur un seul comme se présente actuellement la propriété. « Lorsque nous avons contacté notre assureur pour lui parler de ce nouvel élément, notre prime a augmenté d’au moins 20% », indique Jean.
L’année suivante, le couple a voulu négocier cette prime à la baisse. Stupéfaction. Les deux propriétaires ont réalisé que des sociétés refusaient carrément d’assurer la propriété en raison de cette disposition légale. « Certaines exigeaient même entre 40 % et 60 % de plus pour nous offrir l’avenant nécessaire », mentionne Jean.
Pas de registre pour les assureurs
Mais pourquoi aucun courtier n’a-t-il donc abordé le sujet lors des premières soumissions effectuées par Jean et Luc ? « Parce qu’on retrouve une multitude de règlements municipaux à travers la province et aucun assureur ne tient de registre à cet effet », explique Suzanne Michaud, vice-présidente aux assurances à CAA-Québec. Par conséquent, précise-t-elle, il est de la responsabilité de l’assuré d’informer son assureur des dispositions légales qui concernent sa propriété.
Chaque ville, voire chaque arrondissement, à Montréal, a ses façons de faire, ont d’ailleurs constaté Jean et Luc au moment de leurs demandes de soumission. « Si nous avions acheté notre jumelé dans l’arrondissement de Rosemont, où les propriétés shoebox font partie du patrimoine architectural protégé, nous n’aurions pas de surprime à payer », fait remarquer Jean.
Des dispositions légales exclues
Actuellement, difficile d’obtenir le nombre de propriétaires victimes d’un sinistre découvrant que leur indemnité exclut les dispositions légales affectant leur propriété. Personne ne tient cette statistique, indique le Bureau d’assurance du Canada. Même discours à la Chambre de l’assurance de dommages (CHAD), qui soutient que ce nombre de propriétaires demeure trop marginal pour en faire le décompte. N’empêche que le sujet des dispositions légales pouvant affecter un bâtiment suscite beaucoup de questionnement au sein de l’industrie. « À tel point qu’il figure au top cinq des formations les plus populaires auprès des agents et des courtiers d’assurance », révèle Joëlle Calce-Lafrenière, directrice des communications et des technologies de l’information à la CHAD.
De l’avis de Marc-André Langevin, président et chef de la direction de Technorm, le Québec compte sans doute des milliers de propriétaires qui détiennent une couverture habitation mal adaptée à leur propriété. Contrairement à Jean et à Luc, qui ont été avertis par leur notaire, « la majorité des propriétaires mal assurés le découvrent malheureusement lors d’un sinistre », soulève l’ingénieur dont l’entreprise se spécialise en sécurité et conformité du bâtiment.
Depuis plus de 25 ans, cette entreprise d’ingénierie vient en aide, chaque année, à plus d’une centaine de clients. Ces derniers, victimes d’un sinistre, constatent que leur bâtiment a été mal assuré. « Lorsque j’ai commencé ce métier, ce problème concernait principalement des propriétaires de bâtiments industriels et commerciaux. Depuis une quinzaine d’années, les propriétaires résidentiels représentent plus du tiers de notre clientèle », soulève l’ingénieur civil.
Ces cas, poursuit-il, touchent particulièrement les bâtiments résidentiels qui n’ont pas de fondation en béton, notamment les maisons ancestrales. Les propriétés qui présentent des éléments structuraux ne répondant plus aux nouvelles normes municipales ou du code du bâtiment en vigueur sont également visées. Marc-André Langevin cite justement, en exemple, le propriétaire d’une résidence dans un quartier de l’est de l’île de Montréal, dont la maison a été détruite par un incendie au cours des derniers mois. « Mon client a découvert qu’il ne pouvait pas reconstruire son garage qui était aménagé au sous-sol. Et parce que sa prime ne disposait pas d’un avenant pour cette disposition légale imposée par la Ville, il a dû débourser de sa poche, lors de la construction, la différence pour les frais de fondation et l’aménagement de la partie du sous-sol qui devait devenir habitable à 100 % », raconte Marc-André Langevin.
Faites vos devoirs
Le Bureau d’assurance du Canada suggère à tous les propriétaires de maisons anciennes et de propriétés construites en bordure de rivière de consulter les règlements de zonage de leur propriété avant de contracter ou de renouveler leur assurance habitation. « En fait, tout propriétaire, quel que soit le bien immobilier qu’il souhaite assurer, devrait s’enquérir auprès des autorités municipales des règlements de zonage et du Code de construction du Québec qui concernent son habitation », renchérit Suzanne Michaud. Ce conseil, elle l’adresse particulièrement aux récents acheteurs qui, sous le coup de la surenchère immobilière, ont acquis une propriété sans même l’avoir fait inspecter.
Comme le montre l’histoire de Jean et Luc, tous les assureurs ne proposent pas l’option de l’avenant sur les dispositions légales. Certaines ne veulent même pas assurer ce type de propriété. À propos, les avenants de dispositions légales ne sont pas du tout offerts aux propriétaires de maisons mobiles ou de chalets « Et bien que certains assureurs n’obligent pas l’assuré à reconstruire à l’endroit du sinistre, la grande majorité choisissent cette option », avise Vincent Gaudreau, vice-président de Gaudreau Assurances. L’assuré a donc tout intérêt à veiller à ce que l’indemnité couvre tous les frais en fonction des normes en vigueur, ajoute-t-il.
Ne négligez pas l’entretien
Enfin, que l’assureur vous accorde ou non un avenant de dispositions légales, votre assurance habitation ne constitue pas un plan d’entretien pour votre propriété, avertit Suzanne Michaud. Elle tient à rappeler que les dommages graduels encourus par un mauvais entretien ne sont pas couverts par l’assurance. « Une infiltration d’eau qui dure depuis des années ne sera pas indemnisée. Même chose pour une toiture mal entretenue, qui est endommagée par un arbre ou par de forts vents. L’assurance, conclut-elle, ne remboursera que les frais de travaux et de matériaux pour la partie affectée par le sinistre… et non pour l’ensemble de la toiture.