Le Brésil se situe au huitième rang mondial des pays qui comptent le plus de fintechs, avec 869 sociétés, spécialisées pour la plupart da ()ns le crédit, les moyens de paiement ou la gestion financière. (Photo: 123RF)
Quand les sœurs brésiliennes Daniela et Julia Binatti ont quitté leurs emplois pour lancer Pismo, une start-up dans la finance, leurs proches les ont jugées bien imprudentes.
Sept ans plus tard, en juin dernier, leur entreprise a été rachetée par Visa pour la somme mirobolante d’un milliard de dollars.
Pismo est l’un des derniers cas en date de «fintechs» à succès au Brésil, qui est de loin le pays d’Amérique latine le plus dynamique dans ce domaine, avec des solutions innovantes pour un énorme marché de consommateurs.
«Quand j’avais 16 ans, ma mère m’a dit de distribuer des CV dans des banques de l’avenue Paulista (de Sao Paulo) pour trouver du boulot», raconte Daniela Binatti, 46 ans, qui a grandi dans une famille aux revenus modestes.
Aujourd’hui, nombre d’institutions financières installées dans d’imposants gratte-ciels de cette artère emblématique de la mégalopole brésilienne sont devenues des clientes de Pismo.
La société compte plus de 450 employés, au Brésil, mais aussi aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Inde et à Singapour.
Avec le rachat par Visa, Pismo est devenu l’une des 21 «licornes» brésiliennes, nom donné aux start-ups dont la valeur de marché est supérieure à un milliard de dollars. Soit plus de la moitié des 38 entreprises de ce type en Amérique latine.
«Beaucoup de gens nous prenaient pour des fous. Il a fallu battre en brèche de nombreux préjugés pour faire notre entrée sur le marché international avec une technologie brésilienne», souligne Daniela Binatti.
La plateforme de Pismo permet à Visa de proposer à ses clients des produits bancaires accessibles de partout dans le monde, grâce à l’utilisation de l’informatique à distance («cloud») pour y stocker les outils technologiques.
Contexte favorable à l’innovation
D’autres fintechs issues de la première économie d’Amérique latine ont fait leurs preuves, comme Neon, qui a reçu l’an dernier un investissement de 300 millions de dollars américains (M$US) du groupe bancaire espagnol BBVA.
Le cas le plus emblématique est celui de Nubank, une des principales banques numériques au monde, forte de près de 84 millions de clients et cotée à Wall Street depuis décembre 2021.
Ce succès est dû notamment «à la taille du marché» brésilien: 84% de la population adulte de ce pays de 203 millions d’habitants a un compte en banque, explique Eduardo Fuentes, chercheur de la plateforme d’innovation Distrito.
Et cet énorme marché est réparti entre un nombre réduit d’acteurs majeurs du secteur bancaire traditionnel, «ce qui pose une série de problèmes» que les fintechs se proposent de résoudre, notamment pour diminuer les coûts.
D’autant plus que le Brésil dispose «d’un grand nombre d’entrepreneurs talentueux, dans un contexte favorable à l’innovation», de quoi «attirer les investisseurs internationaux», ajoute M. Fuentes.
Les pouvoirs publics ont d’ailleurs donné l’exemple en termes d’innovation avec le PIX: ce système de virements gratuits et instantanés lancé fin 2020 par la Banque centrale a révolutionné les transactions financières dans le pays, avec un impact considérable sur la façon dont les Brésiliens dépensent leur argent au quotidien.
Terre d’opportunités
Le Brésil se situe au huitième rang mondial des pays qui comptent le plus de fintechs, avec 869 sociétés, spécialisées pour la plupart dans le crédit, les moyens de paiement ou la gestion financière.
«Il y a beaucoup d’opportunités dans des niches mal desservies» par les banques traditionnelles, «comme les populations les plus pauvres ou les entrepreneurs», estime Mariana Bonota, de l’association ABFintech, qui représente ce secteur.
La banque numérique Cora a décidé par exemple de miser sur le marché des PME.
«Elles représentent 90% des affaires dans ce pays, et nous leur offrons des coûts moins élevés et moins de bureaucratie», dit Igor Senra, cofondateur de cette fintech vue par les observateurs comme une licorne en puissance.
Avec 400 employés et un million de clients, Cora a déjà reçu plus de 116 M$US d’investissements internationaux.
Pas de doute, l’avenir est prometteur pour le secteur au Brésil, avec aussi l’essor de l’«open finance», le partage des données de clients entre banques, ou la régulation des cryptomonnaies, prédit Diego Herrera, spécialiste de la Banque interaméricaine de Développement (BID).