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Banques et énergies fossiles: engagements et zones d’ombre

AFP|Publié le 15 Décembre 2023

Banques et énergies fossiles: engagements et zones d’ombre

Les «solutions avancées dans la capture et la séquestration du carbone» aujourd'hui peu développées et très chères sont régulièrement critiquées par des défenseurs de l'environnement. (Photo: 123RF)

Paris — La fin de tout financement de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles annoncée jeudi par le Crédit Agricole français, est un nouvel épisode dans la quête de la neutralité carbone pour laquelle toutes les banques sont loin de jouer le jeu.


Engagements et distorsions

De nombreuses banques ont pris des engagements pour la planète.

La Net-Zero Banking Alliance (NZBA), un programme lancé en 2021 dans le cadre de l’Initiative financière du programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP-FI), les incite à porter en priorité leurs efforts sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre et jouant un rôle clef dans la transition vers une économie neutre en carbone.

Mais même l’Observatoire de la finance durable — un organisme émanant de la profession qui évalue la transformation écologique de la Place financière de Paris — trouve les grandes banques françaises peu précises dans leurs communications sur leurs engagements pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Des ONG épluchent leurs engagements, dénonçant entre autres le recours à des émissions obligataires opaques pour financer les énergies fossiles.

 

Les mauvais élèves

Le rapport annuel « Banking on Climate Chaos », publié par une association d’ONG, recense les prêts, émissions d’obligations et garanties accordées à plusieurs milliers d’entreprises actives dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz dans le monde depuis les Accords de Paris de 2015.

Tous engagements confondus, il met en avant la « Dirty Dozen », la douzaine de banques « sales » qui financent le plus les énergies fossiles: BNP Paribas est 11e sur la période 2016-2022 et 12e sur la seule année 2022.

Le classement est dominé par les banques américaines JP Morgan Chase, Citi, Wells Fargo, et Bank of America, suivies de RBC, numéro 1 mondial en 2022 pour son soutien au gaz et au pétrole de schiste.

Plus généralement, 13 banques étudiées par le groupement d’ONG ne font état d’aucune exclusion dans leurs engagements, dont 11 chinoises.

Dans un autre classement qui pointe les 10 principaux financeurs de 425 « bombes carbone » — des projets d’extraction d’énergie fossile particulièrement émetteurs de CO2 -, publié fin octobre par les ONG françaises Data for Good et Eclaircies, on retrouve BNP Paribas à la 5e place, suivie par Crédit Agricole à la 7e.

On trouve aussi parmi les mauvais élèves les japonais Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG) et Mizuho, la britannique Barclays, la canadienne Scotiabank… et de nombreux établissements chinois, comme ICBC, Citic, Agricultural Bank of China ou Bank of China.

 

Des banques françaises plutôt vertueuses

Malgré de très nombreuses réserves, « les banques françaises sont dans le peloton de tête » des bons élèves, estime Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance.

La première d’entre elles, BNP Paribas, devrait selon elle bientôt sortir des classements diffamants des ONG, car elle s’est engagée cette année à ne plus financer de nouveaux projets d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz.

Certaines banques comme elles cessent certes de financer de nouveaux champs de pétrole et de gaz, mais ne s’interdisent pas de contribuer à l’extension d’activités existantes ou de continuer à soutenir les grands groupes pétroliers, pointent-elles. Idem pour le Crédit Agricole qui, dénonce Reclaim Finance, se laisse toujours la liberté de financer de nouveaux projets d’infrastructures fossiles comme les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).

La Société Générale est désormais considérée comme un assez bon élève, même si elle finance toujours globalement des entreprises qui développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers (et non plus les projets eux-mêmes).

Le Crédit Mutuel, et surtout BCPE-Natixis, sont plus mal vus, ce dernier groupe n’ayant pris aucun engagement précis.

La Banque Postale, de taille plus modeste, est la plus vertueuse selon les ONG.

 

D’autres « bons élèves »

Le géant bancaire britannique HSBC a annoncé fin 2022 qu’il allait cesser de financer les nouveaux gisements de pétrole et gaz, s’attirant même les louanges de Greenpeace pour qui ces mesures annoncées étaient « attendues depuis trop longtemps ».

HSBC va continuer à apporter des financements et des services de conseil à ses clients du secteur énergétique du moment qu’ils sont « en adéquation avec les objectifs de baisse des émissions de CO2 de la banque ».

La principale banque danoise, Danske Bank, s’est engagée en janvier à ne plus financer les combustibles fossiles, que ce soit les nouveaux gisements ou l’extension d’activités existantes.