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BCE n’obtient pas l’injonction pour retarder une décision du CRTC

La Presse Canadienne|Publié le 12 février 2024

BCE n’obtient pas l’injonction pour retarder une décision du CRTC

BCE a accusé le CRTC d’avoir déjà fait son lit dans ce dossier, et estime que l’orientation de l’organisme jusqu’ici avait eu pour conséquence de freiner ses élans pour développer son réseau de fibre optique. (Photo: La Presse Canadienne)

La Cour d’appel fédérale n’a pas accordé à BCE l’injonction qu’elle demandait pour suspendre une décision temporaire du CRTC qui permettra à des fournisseurs indépendants de services internet d’utiliser son réseau de fibre optique au Québec et en Ontario. 

La décision du tribunal a été rendue vendredi, au lendemain de l’annonce de restrictions budgétaires chez Bell Canada. L’entreprise a annoncé qu’elle supprimait 4800 emplois et qu’elle pourrait réduire davantage ses dépenses de réseau, en partie à cause des directives du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

La Cour d’appel fédérale a accédé à la demande de Bell visant à obtenir l’autorisation d’en appeler de la décision temporaire du CRTC, mais elle a rejeté la demande de l’entreprise de suspendre cette décision jusqu’à l’audition de l’affaire sur le fond. Selon le tribunal, BCE n’a pas démontré qu’elle risquait de subir un «préjudice irréparable» en attendant la suite des procédures.

Dans une déclaration écrite, la porte−parole de Bell Jacqueline Michelis a affirmé que «bien que nous soyons déçus que le tribunal n’ait pas accédé à notre demande de suspension pour mettre fin à l’ordonnance provisoire, nous pensons que le tribunal a pris la bonne décision en accordant notre demande d’autorisation d’appel».

«La décision provisoire du CRTC de forcer Bell à fournir l’accès à ses réseaux au Québec et en Ontario a déjà un impact négatif sur la construction de notre nouveau réseau fibre, a-t-elle déclaré. Le CRTC devrait donner la priorité à l’investissement continu dans les réseaux plutôt qu’à la revente des réseaux, sinon le Canada risque de prendre du retard dans l’économie numérique.»

L’entreprise attend également une décision du cabinet fédéral, à qui elle a demandé de revoir le geste du régulateur.

La décision du CRTC, en novembre dernier, visait à stimuler la concurrence pour les services internet au Québec et en Ontario. Mais le CRTC soulignait à l’époque qu’il pourrait éventuellement rendre cette orientation permanente et l’appliquer à d’autres provinces que le Québec et l’Ontario, et donc à d’autres gros joueurs de ce secteur.

L’audience de cette semaine, qui devrait entendre 22 groupes, se concentrera sur trois questions principales, a déclaré la présidente du CRTC, Vicky Eatrides, dans son discours d’ouverture. Il s’agit notamment de savoir dans quelle mesure les Canadiens sont bien servis actuellement par les marchés des services internet, quels changements sont nécessaires pour assurer un avenir plus concurrentiel et comment le CRTC peut apporter des éclaircissements afin que les entreprises «puissent investir et commercialiser davantage de services innovants de haute qualité».

«Ces dernières années, nous avons assisté à un déclin de la concurrence entre les fournisseurs d’accès internet», a déclaré Mme Eatrides.

«De nombreux fournisseurs d’accès internet — des fournisseurs indépendants — ont été rachetés par les grandes entreprises et ceux qui restent ont moins d’abonnés qu’auparavant. Nous savons également que les réseaux de télécommunications coûtent cher à construire, à entretenir et à exploiter, donc à moins qu’il n’y ait une perspective de rendement, les investisseurs placeront leur argent ailleurs», a-t-elle ajouté.

BCE a accusé le CRTC d’avoir déjà fait son lit dans ce dossier, et estime que l’orientation de l’organisme jusqu’ici avait eu pour conséquence de freiner ses élans pour développer son réseau de fibre optique.

L’entreprise a réagi l’automne dernier en réduisant ses projets d’investissement dans le réseau de 1,1 milliard de dollars d’ici 2025, y compris une réduction minimale de 500 millions de dollars cette année. BCE a aussi prévenu que de nouvelles réductions de coûts pourraient être réalisées si elle estime devoir anticiper des décisions du CRTC qu’elle juge défavorables.

 

L’avis du Bureau de la concurrence 

Mais le Bureau de la concurrence a fait valoir lundi lors de sa comparution à l’audience du CRTC qu’un accès de gros efficace à la fibre optique peut favoriser davantage de concurrence pour les services internet.

L’organisme de surveillance de la concurrence a recommandé au CRTC de mettre à jour son cadre d’accès de gros afin de fournir aux opérateurs indépendants «un accès à un réseau de plus en plus important tout en servant également à réduire l’asymétrie avec les concurrents titulaires dotés d’installations qui peut fausser la concurrence».

«La concurrence entre les fournisseurs d’accès internet ne concerne pas seulement les prix et la qualité du service à court terme, mais également la construction et l’amélioration des réseaux internet à long terme» a déclaré la sous−commissaire du Bureau de la concurrence, Krista McWhinnie.

John Lawford, directeur général du Centre pour la défense de l’intérêt public, a exhorté le CRTC à ne pas succomber aux «menaces de retrait des investissements» des grands opérateurs.

«(Le CRTC) a pour mandat d’atteindre les objectifs de la politique des télécommunications, et non de restituer la rente de monopole aux opérateurs historiques, a déclaré M. Lawford. Les titulaires intimident le Conseil pour qu’il utilise leur définition surchauffée de “l’investissement” comme un atout qui l’emporte toujours. Il faut leur dire “non”.»

Sammy Hudes, La Presse Canadienne