Le chef du gouvernement conservateur britannique Boris Johnson a affronté mercredi la journée la plus difficile de son mandat. (Photo: Getty Images)
Londres — Près d’une semaine après sa démission, le premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré qu’il quittait Downing Street «la tête haute» tandis que les huit candidats à sa succession passent l’épreuve d’un premier vote pour les départager mercredi.
Face aux députés à la Chambre des Communes, M. Johnson a affirmé être «fier» de son bilan. «Il est absolument vrai que je pars à un moment que je n’ai pas choisi», a-t-il regretté lors d’une séance de questions au premier ministre particulièrement chahutée. «Mais je pars la tête haute.»
La course à sa succession s’accélère et c’est désormais l’ancienne ministre de la Défense Penny Mordaunt qui apparaît comme favorite. Selon un sondage YouGov réalisé mercredi auprès d’électeurs conservateurs, la secrétaire d’État au commerce international, peu connue des Britanniques, arrive en tête des intentions de vote et battrait tous ses rivaux en cas de duel.
M. Johnson a démissionné le 7 juillet après qu’une soixantaine de membres de son exécutif eurent claqué la porte, lassés des scandales à répétition et de ses mensonges. Il reste toutefois premier ministre jusqu’à ce que son successeur soit connu le 5 septembre.
Après avoir obtenu les parrainages nécessaires pour se lancer, huit candidats conservateurs à sa succession doivent s’assurer mercredi du vote de 30 députés lors d’un premier suffrage dont le résultat est attendu en fin d’après-midi.
Au regard des soutiens publics connus, Penny Mordaunt, l’ex-ministre des Finances Rishi Sunak et la cheffe de la diplomatie Liz Truss devraient atteindre ce seuil, mais d’autres candidats pourraient aussi passer ce cap.
Débats à huis clos
En lançant sa campagne mercredi, Mme Mordaunt, 49 ans, a comparé les conservateurs à la légende des Beatles Paul McCartney au festival de Glastonbury.
«Nous nous sommes laissés aller à tous ces nouveaux airs, mais ce que nous voulions vraiment, c’était le bon vieux tube dont nous connaissions les paroles: faible taux d’imposition, État réduit, responsabilité personnelle», a-t-elle déclaré.
Les autres candidats, pour la plupart largement inconnus du grand public, sont le député Tom Tugendhat, le nouveau ministre des Finances Nadhim Zahawi, la conseillère juridique du gouvernement («Attorney General») Suella Braverman, l’ex-secrétaire d’État à l’Égalité Kemi Badenoch et l’ancien ministre de la Santé Jeremy Hunt.
Si plus de deux candidats passent le premier vote mercredi, un deuxième tour sera organisé jeudi et si nécessaire un troisième dans les jours suivants, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux candidats avant les vacances parlementaires le 22 juillet.
Le vote final pour désigner le futur Premier ministre sera mené par correspondance et ouvert aux adhérents du parti — 160 000 votants lors de la dernière élection interne de 2019.
En attendant, les candidats s’activent pour convaincre les députés dans des réunions qui ont lieu à huis clos. Plusieurs ont été ainsi auditionnés mercredi par des députés conservateurs. Plusieurs débats télévisés sont aussi prévus dans les prochains jours.
Campagne brutale
La campagne, qui s’adresse uniquement aux membres du parti conservateur, est clairement marquée à droite et rassemble son lot de coups bas et polémiques.
Parmi les poids lourds, Rishi Sunak fait l’objet d’attaques virulentes du camp Johnson qui l’accuse d’avoir mené le premier ministre à sa perte en lançant la vague de démissions le 4 juillet.
Le ministre Jacob Rees-Mogg, fervent soutien de Boris Johnson, a ainsi qualifié l’ancien ministre des Finances de chancelier «socialiste».
Faux, rétorque l’intéressé qui estime que son approche économique relève du «bon sens thatchérien», en référence à l’ancienne Première ministre ultralibérale.
Les fidèles de Boris Johnson lui préfèrent une autre admiratrice de Thatcher: Liz Truss, restée au gouvernement malgré l’hémorragie massive la semaine dernière.
La désignation du nouveau Premier ministre intervient en pleine crise du coût de la vie, avec des ménages britanniques étranglés sous l’inflation, à 9,1%, et ce même si le PIB du pays a rebondi de 0,5% en mai.
Si le gouvernement doit rester en poste jusqu’à ce que le nouveau leader soit désigné, il a décidé de présenter une motion de défiance contre lui-même. Sûr d’un échec d’un tel vote, le gouvernement entend ainsi répondre à une motion déposée mardi par l’opposition qui juge «intolérable» que Boris Johnson reste au pouvoir jusqu’en septembre. Cette motion a été refusée par le gouvernement estimant inopportun un vote visant un premier ministre démissionnaire.