La guerre a entraîné une hausse sensible du degré d’incertitude chez les investisseurs. (Photo: Getty Images)
EXPERT INVITÉ. La guerre en Ukraine m’attriste – je n’aurais pas pensé qu’on aurait pu assister à une telle tragédie au 21e siècle. Le pire dans tout ça est que j’ai l’impression de ne pouvoir rien faire pour venir en aide aux Ukrainiens, à part peut-être donner à des organismes qui leur viennent en aide comme la Croix-Rouge.
La guerre a entraîné une hausse sensible du degré d’incertitude chez les investisseurs. Qui voudrait investir dans de telles conditions? On ne peut pas savoir quelles seront les conséquences à court ou moyen terme sur l’économie, les cours du pétrole, l’inflation et le niveau des taux d’intérêt.
Je crois toutefois que toute crise sème les graines d’une amélioration éventuelle des conditions économiques et géopolitiques. C’est lorsque tout semble aller mal que l’investisseur doit se concentrer encore plus sur l’horizon à long terme.
De ce fait, même s’ils semblent plutôt illusoires dans les conditions actuelles, je vois quelques éléments potentiellement positifs émerger du conflit actuel.
En premier lieu, il me semble que la guerre russo-ukrainienne a confirmé la force extraordinaire des armes économiques et financières que les États-Unis et les pays occidentaux ont à leur disposition. On ne connaît pas encore toutes les conséquences des nombreuses sanctions économiques imposées à la Russie, mais elles lui causeront des dommages considérables.
Entre le 24 février dernier, jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et le 17 mars, le rouble a perdu plus de 22% de sa valeur face au dollar américain; il y a quelques jours, il avait perdu plus du tiers de sa valeur. Les taux d’intérêt y ont doublé au cours des dernières semaines et le gouvernement se trouve potentiellement en position de défaut sur sa dette. La pression économique sur la Russie est telle qu’elle pourrait ébranler le régime politique russe. À mon avis, il est probable que ces «armes» économiques deviennent l’option par défaut que choisiront les pays pour résoudre leurs conflits dans le futur, plutôt que d’avoir recours aux armes.
En deuxième lieu, le succès probable des sanctions contre la Russie est à mon avis une preuve quasi-irréfutable de l’attrait de la mondialisation des marchés et de l’intégration économique de tous les pays dans l’économie mondiale. Au cours des dernières années, on a vu aux États-Unis des pressions politiques favorisant des mesures protectionnistes, en particulier face à la Chine. Il me semble que les ravages que pourraient causer les sanctions envers la Russie sont le meilleur plaidoyer en faveur de l’ouverture des marchés mondiaux dans les années à venir.
Un autre point intéressant selon moi est que la guerre en Ukraine pourrait accélérer le mouvement vers les énergies vertes. Le conflit a fait exploser le cours du baril de pétrole et du gaz. Il est également devenu évident que chaque pays devrait chercher à réduire sa dépendance énergétique envers les régimes autoritaires et les énergies fossiles. Le mouvement vers les énergies vertes, déjà bien en selle, pourrait s’accélérer au cours des prochaines années.
Enfin, je trouve qu’il est sécurisant de constater à quel point la grande majorité des pays de la planète sont rapidement parvenus à un consensus au cours des dernières semaines et se sont alliés pour punir la Russie. De fait, on a assisté à une réaction semblable aux lendemains de la pandémie de COVID-19, la majorité des pays s’étant entendus pour mettre en place des mesures sanitaires visant à contrer le virus. Le développement ultra-rapide de vaccins contre la COVID-19 est un bel exemple de la capacité des pays et des entreprises à collaborer pour faire face à un défi mondial. C’est encourageant pour le défi que pose le réchauffement climatique.
J’espère de tout cœur que l’on arrivera à une résolution rapide et pacifique du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Pour l’investisseur en moi, je ne peux qu’espérer que cette guerre inhumaine produise ultimement des effets positifs à long terme.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100