(Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le 4 avril dernier, Howard Shultz a repris la présidence de Starbucks (SBUX, 83,20$US), la société qu’il a fondée en 1972. Une de ses premières initiatives à titre de président intérimaire a été d’annuler le programme de rachat d’actions de la société.
La direction précédente avait annoncé en octobre dernier son intention de verser 20 milliards de dollars américains (G$ US, tous les chiffres qui suivent sont en dollars américains) de capital au cours des trois prochaines années aux actionnaires de la société sous forme de dividendes (pour près du tiers) et de rachats d’actions (pour près des deux tiers).
Au cours du premier trimestre de l’exercice 2022, qui a pris fin le 2 janvier 2022, la société a d’ailleurs racheté pour plus de 3,5 G$ de ses propres actions. Dans le communiqué de presse annonçant le retour de Howard Shultz, ce dernier dit que «Cette décision nous permettra d’investir davantage dans nos gens et dans nos magasins – la seule façon de créer de la valeur à long terme pour toutes les parties impliquées». Comme bien d’autres entreprises nord-américaines, Starbucks connaît des difficultés depuis un certain temps à trouver du personnel. De plus, elle fait face à un mouvement de syndicalisation de la part de certains de ses employés.
Lors d’un forum avec les employés au siège social de la société lundi dernier, Howard Shultz a dit «je ne suis pas en affaires, en tant qu’actionnaire de Starbucks, pour prendre toutes mes décisions en fonction du cours du titre pour le trimestre.» Selon lui, la société doit croître plus rapidement et améliorer l’expérience en magasin afin d’être plus pertinente auprès des consommateurs, même si cela signifie réduire les bénéfices trimestriels et les rendements des actionnaires à court terme.
Howard Shultz est un important actionnaire de Starbucks, un titre que nous possédons dans certains de nos portefeuilles sous gestion. La dernière fois qu’il a déclaré son actionnariat dans la société, en juin 2020, il possédait 34,7 millions (M) d’actions (directement et indirectement), ce qui représente 3,0% des actions de la société et une valeur de près de 2,9 G$ au cours récent du titre. De toute évidence, M. Shultz a tout intérêt à ce que la société et son titre continuent de progresser à long terme.
C’est d’ailleurs assez typique : un propriétaire pense différemment d’un simple dirigeant. Selon moi, outre le fait qu’il a fondé la société il y a 50 ans, détenir quelque 34,7 M d’actions incite le fondateur à prendre les décisions qui s’imposent pour le bénéfice à long terme de l’entreprise.
La plupart du temps, de telles décisions sont coûteuses à court terme. Par exemple, la décision d’investir davantage en R et D réduit les bénéfices d’une société à court terme, mais elle pourrait favoriser sensiblement sa croissance et sa rentabilité à plus long terme.
J’ai aussi en tête l’exemple d’Amerco (UHAUL, 549,22$US), une société que nous détenons dans certains de nos portefeuilles depuis de nombreuses années et dont les activités sont mieux connues sous le nom de sa principale division, U-Haul. Edward Shoen, le président, possède près de 8,4 M d’actions de la société, soit 42,7% du total, lesquelles valent plus de 4,6 G$. Or, ce dernier a pris la décision il y a plusieurs années d’investir massivement dans un nouveau service pour ses clients, l’entreposage pour les particuliers, une décision qui a pesé sur la rentabilité de l’entreprise pendant plusieurs années avant de commencer à contribuer largement à sa croissance au cours des deux derniers exercices.
La décision de stopper les rachats d’actions et d’investir davantage dans ses magasins pourrait avoir le même impact chez Starbucks. Il est toujours difficile de prévoir ce genre de choses, mais on peut être certain qu’un dirigeant comme Howard Shultz, qui a fait ses preuves et qui est largement motivé à créer de la valeur pour les actionnaires, prendra les décisions qui devraient selon lui être les plus bénéfiques aux actionnaires à long terme.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100