(Photo: Charles Desgroseilliers)
BLOGUE INVITÉ. J’essaie de lire le plus de rapports annuels que possible, particulièrement la lettre du président aux actionnaires. Bien que la plupart des rapports annuels soient répétitifs et peu informatifs, il arrive à l’occasion que l’on tombe sur un bijou. Certains rapports annuels sont des lectures essentielles, notamment ceux de Berkshire Hathaway.
Je lisais donc récemment le rapport annuel d’une société américaine que je ne nommerai pas. J’aime lire les rapports de cette société car ses dirigeants sont particulièrement transparents dans leur manière de présenter les activités de la société, ne cachant pas les problèmes et les défis auxquels elle fait face. Qui plus est, ces dirigeants ont une véritable vision à long terme de leur entreprise et présentent les résultats et la stratégie de la société dans une optique de long terme, ce qui est excessivement rare dans notre monde d’aujourd’hui axé sur les résultats à court terme.
J’ai été particulièrement intéressé par la présentation des résultats de cette société sur une base quinquennale, donc par tranche de cinq ans. Sur de brèves périodes, nous savons tous que les résultats d’une entreprise peuvent être influencés, positivement ou négativement, par des éléments hors du contrôle de la direction. Ces éléments peuvent camoufler une bonne performance sous-jacente, tout comme ils peuvent faire bien paraître des dirigeants qui, au fond, n’ont pas réellement fait un bon travail. Mais si on évalue la performance d’une entreprise par tranches cumulatives de cinq ans, on peut ni plus ni moins effacer une grande partie de ces éléments et se faire une meilleure idée de la véritable performance financière d’une entreprise.
Une telle pratique élimine en quelque sort le «bruit» provenant d’événements ponctuels hors du contrôle de la direction. Elle met également l’accent sur ce qui devrait compter le plus pour les dirigeants d’une entreprise: sa performance financière sur de longues périodes. Bien des dirigeants disent préconiser le long terme, mais dans les faits, ils orientent la discussion des résultats sur l’année en cours par rapport à l’année précédente, sans réellement présenter les résultats sur une longue période de temps.
Un exemple
Je me suis donc prêté à l’exercice avec une des sociétés que nous détenons dans nos portefeuilles depuis de nombreuses années: Alimentation Couche-Tard. Voici les revenus et les bénéfices par action de la société par tranche de cinq ans:
La direction de Couche-Tard aurait pu décider de présenter ses résultats annuels récents sur la base des cinq dernières années cumulatives comparativement aux cinq années antérieures. Elle aurait ainsi fait valoir que ses revenus cumulatifs au cours des cinq derniers exercices se sont élevés à 195,9 G$, en hausse de 78,9% par rapport aux revenus cumulés au cours des cinq années précédentes. Plus important, ses bénéfices par action cumulatifs se sont élevés à 10,06$ au cours des cinq dernières années, en hausse de 189% par rapport à ceux des cinq années précédentes.
Si on remonte encore plus loin dans la performance financière de Couche-Tard, on réalise que ses bénéfices par action par tranches de cinq ans depuis 1999 sont passés de 0,30$ à 1,31$, puis à 3,48$ et enfin à 10,06$. Cette manière d’analyser les résultats élimine en grande partie les éléments un peu exceptionnels que sont les fluctuations du prix de l’essence, l’impact à court terme d’une acquisition majeure, les cycles économiques, etc. Elle permet aussi de comprendre que la performance exceptionnelle du titre depuis de nombreuses années n’est pas le fruit du hasard, mais qu’elle est intimement liée à la performance financière de l’entreprise.
Ce ne sont pas seulement les dirigeants d’entreprises qui devraient adopter cette manière de présenter leurs résultats. Les investisseurs devraient également analyser les résultats de leurs sociétés sous ce même angle. Si on veut penser comme un investisseur à long terme, il faut adopter les outils qui nous aident à le faire.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements, COTE 100