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Bridge-Bonaventure: les promoteurs à couteaux tirés avec la Ville

Charles Poulin|Publié le 11 avril 2022

Bridge-Bonaventure: les promoteurs à couteaux tirés avec la Ville

«Le secteur Bridge-Bonaventure est la porte d’entrée de Montréal, et son développement touche l’ensemble de la ville.» (Photo: 123RF)

Les promoteurs impliqués dans le redéveloppement du secteur Bridge-Bonaventure, qui inclut notamment le bassin Peel, sont à couteaux tirés avec la Ville, dont ils qualifient le plan de requalification urbaine de «socialement irresponsable».

Les promoteurs du Groupe Devimco, de Coprim gestion et développement immobilier et du groupe MACH affirment que la Ville propose, dans le plan directeur résultant de la table de concertation avec les acteurs impliqués dans le projet, une densification de 17 unités d’habitation par hectare dans ce secteur de 2,3 km carrés, soit un total d’environ 4000 unités.

Ils suggèrent plutôt une densification du triple de ce que la Ville avance ce qui, selon eux, serait l’équivalent de 60% de celle du quartier Griffintown, et la même utilisée dans le programme particulier d’urbanisme (PPU) du secteur des Faubourgs (ancienne usine Molson et ancienne maison de Radio-Canada). Cette suggestion est tirée du mémoire qu’a soumis l’Institut de développement urbain du Québec (IDU).

«C’est de la sous-densification lorsqu’on est en contexte de crise du logement, lance le président de Coprim, Vianney Bélanger. Socialement, ce n’est pas responsable. Le secteur Bridge-Bonaventure est la porte d’entrée de Montréal, et son développement touche l’ensemble de la ville.»

Le vice-président du Groupe MACH, Cédric Constantin, ajoute que le plan directeur «n’a rien à voir avec les besoins de Montréal». Il avance que le plan ne tient pas compte des enjeux du 21e siècle ni de ce que les promoteurs ont apporté comme suggestions au cours des consultations des trois dernières années. Il dénonce également une approche «curieuse» où les zones résidentielles sont enclavées entre des zones industrielles.

Improvisation et diabolisation

Le président de Devimco, Serge Boulet, ne cachait pas son insatisfaction face aux propositions soumises par la Ville. Il indique que les promoteurs ont dû se battre simplement pour se retrouver à la table de concertation, une table qu’il qualifie «d’improvisée» et où les informations parviennent au compte-gouttes et à la dernière minute.

«Cette table de concertation démontre comment la Ville travaille avec les promoteurs, laisse-t-il tomber. On n’écoute pas le secteur privé. Après trois ans d’efforts et de tentatives, je constate que la Ville n’en fait qu’à sa tête. La table de concertation n’en est pas une, ce n’est pas honnête comme démarche.»

Serge Boulet lance que la Ville de Montréal propose en fait une densification «de troisième couronne», identique à celle de projets qu’il pilote à Saint-Jean-sur-Richelieu.

«On n’arrête pas de dire qu’il manque entre 50 000 et 60 000 logements à Montréal, rappelle-t-il. Le gouvernement du Québec mentionne 110 logements l’hectare lorsqu’on parle de projets TOD (Transit Oriented Development). Le schéma d’aménagement de la Ville est aligné là-dessus. Avec notre proposition de 12 000 à 15 000 logements, on n’arrive même pas à 110 logements l’hectare. Alors je me demande où on va les construire ces 60 000 logements. On va manquer de place.»

Il affirme également que la Ville a besoin de l’apport du privé pour construire plus de logements et tenter d’ajouter de l’offre sur le marché. Il calcule un coût «conservateur» de 350 000$ par logement (prix du terrain, coûts de construction et frais accessoires) pour coût un total de 20 G$ à 60 000 logements.

«Comment la Ville peut-elle faire ces projets? Est-ce que les citoyens sont prêts à payer, via leurs taxes, pour des projets sous-développés? Nous pourrions bâtir des projets qui s’autofinancent. Mais pas avec les règles soumises par la Ville.»

Délais

Le trio de promoteurs se demande également pourquoi le redéveloppement du secteur Bridge-Bonaventure tarde à se concrétiser. Déjà trois années se sont écoulées en consultation, et le démarrage ne semble pas être dans un horizon à court terme.

«Nous en avons encore pour trois ans dans le processus de consultation, souligne Vianney Bélanger. Ça retarde la construction d’autant. Il y a urgence d’agir, et la Ville manque de réalisme. Ce n’est pas responsable.»

Les promoteurs ont décidé de mettre leurs cartes sur la table et d’organiser, le 31 mai, une journée portes ouvertes pour le grand public. Ils affirment qu’à cette occasion, ils présenteront leur vision de ce que devrait être le développement du site, et que les citoyens pourront juger du mérite de leur projet et le comparer à ce que la Ville désire.

«Si les gens veulent que ce soit développé comme un projet de troisième couronne, ce sera ça, tranche Serge Boulet. Mais nous n’attendrons pas encore trois ans pour nous retrouver encore en année électorale. Nous avons des demandes pour des espaces industriels tous les jours.»