Le ministre des Finances, Eric Girard (Photo: La Presse Canadienne)
BUDGET DU QUÉBEC. Le budget provincial 2024-2025 d’Eric Girard prévoit une réduction des aides fiscales aux entreprises d’un milliard de dollars (1 G$) au cours des cinq prochaines années.
Québec annonce également d’importantes modifications au soutien à la production cinématographique et télévisuelle québécoise, de même qu’au crédit d’impôt soutenant les emplois dans l’industrie des technologies de l’information.
«Le taux de base de ce crédit d’impôt est généralement de 32%, mais il peut atteindre 40% dans le cas des productions suivantes : courts, moyens et longs métrages de fiction de langue française ; courts, moyens et longs métrages de fiction en animation de langue française ; documentaires uniques de langue française ; émissions jeunesse de langue française ; films en format géant», lit-on dans les documents budgétaires.
Ces taux de base peuvent faire l’objet de certaines bonifications, mais la dépense de main-d’oeuvre considérée dans le calcul du crédit d’impôt de base ne peut toutefois excéder 50 % des frais de production engagés et directement attribuables à cette production cinématographique.
«Or, il s’avère que le secteur de la production audiovisuelle indépendante fait actuellement face à plusieurs défis d’envergure. Les sociétés de production québécoises doivent notamment composer avec une hausse importante de leurs frais de production. À ce titre, la partie des frais de production attribuable aux dépenses de main-d’oeuvre a considérablement augmenté, de sorte que le plafond de 50% des frais de production n’est plus adéquat», selon le budget, qui le relève donc à 65%.
De 20% à 25%
Le crédit d’impôt pour services de production cinématographique correspondant à 20% du montant de ses frais de production admissibles engagés, pour cette année, à l’égard d’une production admissible. La législation fiscale sera modifiée afin de majorer le taux du crédit d’impôt de base à 25%.
Une modification au crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques qui ne fait pas l’unanimité
Selon la politique actuelle, l’aide fiscale destinée au développement des affaires électroniques (CDAE) est composée d’un crédit d’impôt remboursable au taux de 24% et d’un crédit d’impôt non remboursable au taux de 6%.
D’ici 2028, la portion remboursable du crédit d’impôt diminuera d’un point de pourcentage par année pour atteindre 20%, alors que la portion non remboursable fera le chemin inverse pour se chiffrer à 10%
Cette modification ne fait pas l’unanimité. «Nous reconnaissons les avantages qui découlent d’une majoration de la portion des crédits ‘remboursables’ , ce qui favorise les entreprises qui réalisent une partie importante de leurs bénéfices au Québec», explique Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Ce dernier souligne que le budget supprime aussi le plafond du salaire admissible de 83 333$, ce qui permettra d’augmenter le nombre de postes hautement stratégiques dans la province.
«Il faudra toutefois surveiller attentivement quels seront les effets de l’implantation de ces mesures sur la compétitivité de l’industrie québécoise», dit-il.
Philippe Noël, vice-président, affaires publiques et économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), ne voit pas la situation du même œil : «Nous voyons ça comme un fardeau fiscal supplémentaire de 875 millions de dollars pour les entreprises. Ce n’est pas une bonne nouvelle dans un secteur où la concurrence est féroce à travers le monde».
Cela s’ajoute selon lui au fait que le budget prévoit l’abolition du crédit d’impôt pour le maintien en emploi des travailleurs d’expérience. «C’est un pas en arrière parce que nous avions salué l’an dernier l’ajout de ce crédit d’impôt», dit-il. Pour justifier sa décision, le gouvernement estime qu’il «n’a pas eu les effets attendus».
François Vincent, vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), dénonce aussi cette coupure qui permettra au gouvernement d’économiser un montant de 250 millions de dollars sur cinq ans d’aide directe aux PME de la province.
Rien pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre
«Je ne pense pas que le budget en est un qui s’attaque au problème de pénurie de main-d’œuvre. S’il y a une chose qui pourrait être utile, c’est l’initiative de révision des dépenses que le gouvernement va s’imposer dans la prochaine année, qui va mener j’en suis pas mal certain, à améliorer la productivité de l’État et à investir en automatisation», estime Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Ce dernier précise que chaque fois que l’État embauche, cela retire un employé qui pourrait être embauché au privé. «On porte attention à l’intégration des immigrants, mais qui ne table pas sur une augmentation des niveaux d’immigration. Il n’y a donc rien dans ce budget pour régler ce problème», note-t-il.
Le budget prévoit en effet un montant de 400 millions de dollars sur cinq ans pour favoriser l’intégration économique et sociale des personnes immigrantes, ce qui doit permettre de «répondre à la hausse importante de la clientèle en francisation et bonifier l’offre de services à certaines clientèles et de bonifier l’accompagnement et le soutien à l’intégration des personnes immigrantes».
Québec investit aussi 126 millions de dollars sur trois ans pour augmenter son «offensive formation en construction» et «encourager l’innovation et la productivité».
Des miettes pour les PME
«Je suis déçu et inquiet. Il n’y a rien de concret pour aider les petites et moyennes entreprises à faire face aux barrières supplémentaires qu’elles doivent affronter, d’abord en lien avec la fiscalité par rapport au reste du Canada», raconte François Vincent, vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
Il soutient que les PME québécoises paient des taxes sur la masse salariale de 30% supérieures à celles de l’Ontario, alors que huit provinces canadiennes ont un taux d’impôt réduit plus bas qu’au Québec.
«On est aussi la seule province au Canada qui surimpose les petites entreprises des secteurs de la construction et des services en ne leur donnant pas accès au taux d’impôt réduit», dit-il.
«On aurait souhaité que le gouvernement priorise le secteur manufacturier avec des mesures phares pour stimuler l’investissement», soutient la présidente des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), Véronique Proulx, qui dit repartir déçue du budget. Elle est d’avis qu’il contient très peu de mesures pour stimuler l’investissement et le développement des compétences dans le secteur manufacturier, dans un contexte particulier de ralentissement économique, de taux d’intérêt élevés et d’inflation.
Elle aurait souhaité des mesures concrètes pour soutenir les entreprises dans leurs initiatives de transformation numérique, d’automatisation et de robotisation.