L'agricultrice Jennifer Deol a indiqué que la région a connu un début d’hiver plus chaud que d’habitude, ce qui signifie que les arbres fruitiers ne sont jamais devenus complètement dormants et que les bourgeons ont gonflé avec l’activité début janvier. (Photo: La Presse Canadienne)
L’un des premiers indicateurs de l’abondance d’une récolte de fruits en Colombie−Britannique survient des mois avant que les pêches, les abricots ou les nectarines ne commencent à grossir sur les arbres.
Comme beaucoup d’autres agriculteurs, Jennifer Deol, de There & Back Again Farms, à Kelowna, en Colombie−Britannique, coupe quelques branches de pêcher et les amène dans une serre chaude pour voir à quel point les bourgeons fleurissent.
La ferme a une histoire de production de pêches massives, géantes de la taille d’une balle molle, qu’elle a documentée sur les réseaux sociaux. Un autre agriculteur sur la même terre a cultivé une pêche de 810 grammes en 2016 et l’a soumise pour un record du monde Guinness, bien que cette marque ait depuis été dépassée.
Mais cette année, pas une seule fleur ne s’est ouverte sur les branches de la serre. Les arbres avaient été victimes d’une vague de froid dévastatrice en janvier.
«Nous le saurons (avec certitude) plus près de mai ou juin, car (avec) différentes variétés, différents arbres, on obtient parfois un peu de récolte», a-t-elle expliqué.
«Mais ce sera 90%, sinon plus, de perdu, d’après ce que nous constatons sur les pêches, les abricots et les prunes.»
C’est à peu près le pire qui pourrait arriver pour Mme Deol et le reste des agriculteurs qui produisent les fruits à noyau d’été emblématiques de la province.
Pour les petites exploitations agricoles de la Colombie−Britannique, souvent familiales, où même une récolte réussie n’apporte qu’une faible marge de profit, une saison de fruits perdue peut être dévastatrice. Cette année, certains comptent sur la diversification des cultures, mais le président de l’Association des producteurs de fruits de la Colombie−Britannique, Peter Simonsen, exhorte le gouvernement à agir.
Il s’attend à ce que les récoltes de pêches, d’abricots, de nectarines et de prunes soient en baisse d’au moins 90%.
En même temps, la BC Cherry Association, représentant les producteurs de cerises, a déjà averti que les récoltes pourraient être «considérablement» réduites.
«C’est tout simplement quelque chose d’assez déprimant de sortir et de faire tout ce travail que vous devez faire, arroser les arbres et prendre soin des arbres (et) faire cela quand il n’y a pas de fruits dessus», a souligné M. Simonsen.
Mme Deol a indiqué que la région a connu un début d’hiver plus chaud que d’habitude, ce qui signifie que les arbres fruitiers ne sont jamais devenus complètement dormants et que les bourgeons ont gonflé avec l’activité début janvier.
Puis est arrivé le froid.
À la mi−janvier, l’intérieur de la Colombie−Britannique a connu plusieurs jours de températures glaciales, qui sont tombés à −27 degrés Celsius à Kelowna, tuant les têtes actives.
Mme Deol a déclaré que cela faisait suite à des problèmes météorologiques précédents, notamment le dôme de chaleur de 2021, suivi d’un hiver rigoureux qui a tué la plupart des fruits en 2022.
«Ces impacts cumulés rendent non seulement difficile la culture de ce fruit et son approvisionnement, mais également le fait de gagner de l’argent avec ces terres dans lesquelles nous investissons beaucoup, pour continuer à croître», s’est−elle désolée.
Dans une bonne année, les quatre acres de pêches de la ferme rapportent environ 80 000 dollars ($) et les fruits à noyau représentent ensemble environ 20% des revenus de la ferme de 30 acres que Mme Deol et son mari gèrent.
Elle a déclaré qu’ils seront maintenus à flot cette année en partie grâce à leur décision de diversifier leurs cultures, ce qui signifie qu’ils auront une gamme de légumes et de pommes à vendre.
Les revenus du deuxième emploi de Mme Deol dans les communications aideront également à combler l’écart et à continuer de rembourser les dettes liées à l’exploitation de la ferme.
«Il est absolument impossible de cultiver dans l’Okanagan, d’être à petite échelle et de vendre 100% localement, sans amener des revenus supplémentaires», a-t-elle expliqué.
Elle s’attend à ce que les affaires soient «très, très serrées».
«Juste parce qu’il n’y a pas de pêches sur les arbres, vous devez quand même investir de l’argent pour garder les arbres en bonne santé pour l’année prochaine.»
Les agriculteurs, une «espèce en danger»
M. Simonsen a déclaré que la Colombie−Britannique protège les terres agricoles, mais a «oublié» les fermes et les agriculteurs.
«Nous sommes une espèce en voie de disparition», a-t-il soutenu.
«Vous savez, s’il restait 200 marmottes sur l’île de Vancouver (…) tous les efforts seraient déployés pour les maintenir en vie.»
Il a souligné que l’industrie a besoin des programmes gouvernementaux existants, destinés à protéger les agriculteurs pendant les années difficiles et à fonctionner comme ils sont censés le faire.
Il a ajouté que, dans les années où les fruits sont vendus à bas prix, le programme d’assurance−récolte, financé par les gouvernements provincial et fédéral, n’assure qu’à faible valeur, ce qui rend les indemnisations potentielles de moins en moins utiles.
«Nous ne sommes pas suffisamment protégés pendant les mauvaises années et nous ne gagnons pas assez d’argent pendant les bonnes années pour nous permettre de traverser ces mauvaises années, a-t-il expliqué. C’est pourquoi on constate une forte érosion du nombre de membres d’associations comme la nôtre et du nombre de personnes qui pratiquent encore l’agriculture.»
Le nombre de fermes fruitières en Colombie−Britannique est en déclin depuis que les données ont commencé à être recueillies, il y a plus de 60 ans.
La province est passée de 4381 fermes en 1961 à 2091 en 2021, selon le plus récent recensement agricole de Statistique Canada.
D’autres options d’autocueillette
Au Paynter’s Fruit Market de West Kelowna, la propriétaire Jennay Oliver ne proposera pas à ses clients de cueillir des pêches ou des abricots dans les vergers derrière son kiosque de fruits cette année, mais elle espère toujours que certaines de leurs variétés de prunes rustiques auront survécu au gel de janvier.
La ferme de 50 acres est divisée entre les fruits et légumes, avec des pêches, des abricots, des prunes, des pommiers et des poiriers d’un côté et des cultures comprenant des tomates, des courgettes, des concombres et des courges de l’autre.
Elle estime qu’ils ont perdu plus de 100 000 $ de fruits cette année, mais affirme que la variété des produits qu’ils cultivent et vendent leur permet de surmonter une partie de l’incertitude.
«Donc, pendant quatre mois, nous récoltons quelque chose qui fonctionne très bien lorsque nous avons un épisode de grêle ou un gros gel comme nous l’avons eu en janvier. Tout n’est pas susceptible ou prêt à être récolté en même temps», a-t-elle noté.
La cueillette des pêches n’étant pas prévue cet été, la ferme se tourne vers quelque chose qu’elle a essayé pour la première fois lorsque le temps a gâché ses fruits pour la dernière fois, en 2022.
«Nous avons fait une cueillette dans les champs de tomates et c’était génial, a-t-elle indiqué. Les gens se sont vraiment mis à faire de la salsa et à mettre en conserve, et nous avions ces tomates à cueillir très bon marché. Et c’était incroyable. Les gens sortaient et adoraient toujours ça.»
La ferme proposera également de cueillir des fleurs, ainsi qu’un bar à crème glacée et à café au marché.
Même si elle s’attend à perdre une partie de l’argent du tourisme venant des personnes qui viendraient acheter des fruits, Mme Oliver espère que d’autres seront attirés par la beauté de la région et les autres choses qu’ils vendent.
Ashley Joannou, La Presse Canadienne