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Canalisation 5: le Canada a d’autres options

La Presse Canadienne|Publié le 16 février 2022

Canalisation 5: le Canada a d’autres options

Le rapport, commandé par Environmental Defence, recommande de moderniser le nouveau pipeline de la canalisation 78 d’Enbridge afin de traiter la majeure partie de ce que la canalisation 5 livre actuellement à l’Ontario et au Québec, ainsi qu’à plusieurs États du Midwest américain. (Photo : La Presse Canadienne)

Washington — Un nouveau rapport d’un groupe environnemental canadien indique que des solutions de rechange à la canalisation 5 existent déjà si le pipeline transfrontalier controversé doit être fermé. 

Le rapport, commandé par Environmental Defence, recommande de moderniser le nouveau pipeline de la canalisation 78 d’Enbridge afin de traiter la majeure partie de ce que la canalisation 5 livre actuellement à l’Ontario et au Québec, ainsi qu’à plusieurs États du Midwest américain. 

L’entreprise de Calgary a rapidement rejeté l’idée comme «malavisée», insistant sur le fait que la ligne 78 est déjà pleine et incapable de traiter les liquides de gaz naturel transportés par la canalisation 5. 

L’État du Michigan est en cour avec Enbridge dans le but de fermer la ligne 5, craignant une catastrophe écologique dans le détroit de Mackinac, où le pipeline traverse les Grands Lacs. 

La canalisation 78 s’étend à travers la partie sud de l’État pour relier Sarnia, en Ontario, avec des jonctions dans le nord-ouest de l’Indiana à l’extrémité sud du lac Michigan, et se connecter aux pipelines existants de Superior, dans le Wisconsin, où la canalisation 5 prend sa source. 

Elle a été achevée en 2015 en remplacement de la canalisation 6B, mieux connue comme étant le pipeline qui a déversé 3,1 millions de litres de pétrole dans la rivière Kalamazoo au Michigan en 2010. 

Le rapport, qui reconnaît un besoin continu d’approvisionnement en combustibles fossiles, même dans le cadre d’une transition vers les énergies renouvelables, indique que la capacité perdue restante de la canalisation 5 pourrait être traitée par une combinaison de trains et de navires-citernes. 

«La fermeture de la ligne 5 est inévitable, soit sur décision de justice, soit en raison d’une rupture», indique le rapport, notant que l’un ou l’autre des résultats entraîneraient des pénuries d’énergie dans la myriade de régions et d’installations qui en dépendent. 

«Une meilleure solution est un arrêt planifié où Enbridge, les raffineries et les gouvernements déterminent la meilleure façon de répondre à la demande sans la canalisation 5. Ce que ce rapport démontre clairement, c’est que des options existent.» 

 

«Plan malavisé», répond Enbridge 

Enbridge, cependant, insiste sur le fait que ce n’est pas le cas. 

«La seule chose prouvée par ce plan malavisé est qu’une fermeture de la canalisation 5 aurait un impact significatif et immédiat sur l’approvisionnement énergétique de la région, les entreprises et les familles qui travaillent dur dans le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie et les deux plus grandes provinces du Canada», a affirmé la société dans une déclaration.

«Cela n’a aucun sens.»

Les deux sections de la canalisation 78 sont actuellement capables de transporter 570 000 et 500 000 barils de pétrole par jour, mais pourraient être portées à des capacités de 800 000 et 525 000 respectivement.

La canalisation 5, en comparaison, a une capacité quotidienne maximale de 540 000 barils, bien qu’aucun pipeline ne fonctionne actuellement à pleine puissance, note le rapport. «Cela signifie qu’il existe déjà une capacité de réserve sur la canalisation 78 pour compenser en grande partie la fermeture de la canalisation 5.» 

Le rapport indique que dans le scénario «restreint» de la canalisation 78, une fermeture de la canalisation 5 laisserait un manque à gagner de 255 000 barils par jour à combler ailleurs, tandis que le manque à gagner se réduirait à 119 000 barils dans le cadre du modèle à capacité élargie. 

Il estime que deux à trois trains supplémentaires sur des itinéraires transportant déjà du pétrole pourraient traiter ces 119 000 barils supplémentaires, tout comme un seul pétrolier maritime supplémentaire. Et il prévoit une augmentation du prix de l’essence de 1,8 cent le litre. 

«Il va y avoir des choix difficiles à faire quant à ce qui est le mieux, mais il est tout à fait possible de répondre à la demande actuelle sans la canalisation 5», conclut le rapport. «Le principal point à retenir est qu’il existe une capacité suffisante pour combler tout manque à gagner qui serait causé par une fermeture de la canalisation 5.» 

 

La bataille juridique se poursuit 

Pendant ce temps, la bataille entre Enbridge et l’État du Michigan continue de se frayer un chemin devant les tribunaux, une grande partie reposant sur des questions ésotériques à savoir si le différend relève d’un tribunal fédéral ou d’un tribunal de comté. 

Enbridge, les syndicats et Ottawa préfèrent tous la première option, et c’est pourquoi les avocats du gouvernement fédéral ont déposé un mémoire amicus curiae plus tôt ce mois-ci pour exhorter le juge à maintenir le pipeline en service pendant qu’il négocie avec le département d’État américain. 

Des responsables des deux pays se sont rencontrés au moins une fois déjà à la mi-décembre pour discuter des termes d’un traité de 1977 visant à empêcher les interruptions du flux transfrontalier de pétrole et de gaz. Des documents judiciaires indiquent qu’ils prévoyaient se réunir à nouveau au «début 2022». 

La gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, démocrate et proche alliée du président Joe Biden et dont la fortune politique dépend du soutien des groupes environnementaux de l’État, a ordonné la fermeture de la canalisation 5 en novembre 2020, craignant une catastrophe écologique dans le détroit. 

Enbridge a riposté, arguant que Mme Whitmer et la procureure générale de l’État, Dana Nessel, avaient outrepassé leur compétence et que l’affaire devait être entendue devant un tribunal fédéral. À la fin de l’année dernière, la juge du tribunal de district Janet Neff s’est montrée d’accord avec Enbridge sur la question de la compétence. 

C’est alors que Mmes Whitmer et Nessel ont brusquement retiré leur plainte, choisissant plutôt de se concentrer sur une affaire distincte, mais similaire, qui était débattue devant un tribunal de circuit, mais qui était dormante depuis 2019. 

Les critiques veulent que la canalisation 5 soit fermée, arguant que ce n’est qu’une question de temps avant qu’une catastrophe soit déclenchée dans l’un des bassins versants les plus importants de la région.

Les promoteurs considèrent le pipeline comme une source d’énergie vitale et indispensable pour plusieurs États du Midwest, dont le Michigan, l’Ohio et la Pennsylvanie, en particulier pour ce qui est du propane. C’est également une source clé de matières premières pour les raffineries essentielles du côté nord de la frontière, y compris celles qui fournissent du carburéacteur à certains des aéroports les plus achalandés du Canada.