Charlie, le triomphe de l’érudition et de la rationalité
Le courrier des lecteurs|Publié le 29 novembre 2023Le bras droit de l’homme d’affaires Warren Buffett, Charlie Munger, s’est éteint, mardi, à 99 ans. (Photo: Getty Images)
Un texte de François Rochon. Il est président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital et actionnaire de longue date de Berkshire Hathaway (BRK.B, 360,17$US)
COURRIER DES LECTEURS. La première fois que j’ai entendu parler de Charlie était sans doute en conjonction avec Warren Buffett, son partenaire d’affaires à Berkshire Hathaway. Buffett en parlait comme d’un brillant associé bien sûr, mais encore plus comme un phare éclairant.
En 2002, j’ai fait mon pèlerinage annuel à Omaha pour assister à l’assemblée de Berkshire. Mais cette fois-là, j’y ai greffé un séjour à Los Angeles pour aller à l’assemblée annuelle de Wesco Financial que présidait alors Charlie. À l’époque, il n’y avait que quelques centaines d’actionnaires présents et j’ai eu la chance de rencontrer Charlie (et même d’avoir une photo avec lui).
Pour moi, Charlie c’est le triomphe de l’érudition, de la rationalité et de la franchise.
Charlie Munger c’est aussi de nombreuses «mungerismes» (de courtes phrases lucides qui ont le don d’être cinglantes). Ma favorite est «si vous n’êtes pas capable de vivre avec équanimité à travers une baisse de 50% de la Bourse quelques fois par siècle, vous n’êtes pas digne d’être un actionnaire et vous mériterez les mauvais résultats que vous allez obtenir». Il aimait ajouter que «la meilleure façon d’obtenir ce que vous voulez est de le mériter».
Plus que tout, il était un avide lecteur sur maints sujets. Il aspirait à toujours en savoir plus sur tout. Ses enfants le décrivaient tel un livre avec deux pattes. Il pouvait autant discuter d’histoire, d’architecture, de psychologie que de science. Il disait qu’une vie vouée à devenir riche en possédant des petits bouts de papier (des actions) n’était pas une vie réussie. Et que bien des gens brillants deviennent prisonniers de leurs talents. Son érudition élargie lui permettait ainsi de ne pas succomber à la maxime qu’il avait énoncée si brillamment: «pour un homme avec seulement un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous».
C’est probablement cet aspect de Charlie qui m’a le plus influencé. Bien entendu que le côté investissement est au centre de ma vie (tout comme pour Charlie). Mais j’ai toujours voulu avoir des connaissances élargies dans plusieurs domaines et — bien que j’eusse déjà commencé étant plus jeune — c’est Charlie qui a réussi à canaliser cette quête de savoir. Que ce soit dans les domaines des arts, de la psychologie ou de l’histoire, j’ai toujours cherché à comprendre notre monde plus en profondeur.
S’il y a une citation qui synthétise Charlie et qui devrait être le mantra de tout être humain aspirant à devenir plus éclairé c’est: «…j’aime comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les systèmes humains. Pour moi, ce n’est pas facultatif; c’est une obligation morale. Si vous êtes capable de comprendre le monde, vous avez l’obligation morale de devenir rationnel.»