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Climat: les banques ne respectent pas leurs engagements

La Presse Canadienne|Publié le 31 août 2022

Climat: les banques ne respectent pas leurs engagements

«Nous travaillons avec des clients de tous les secteurs par le biais de conseils et de solutions de financement pour les aider à passer au net zéro», a indiqué le directeur des communications de la RBC. (Photo: La Presse Canadienne)

Un nouveau rapport de Greenpeace Canada prévient que les cinq grandes banques canadiennes risquent d’être exclues du club des banques «Net zéro» des Nations unies parce qu’elles continuent d’augmenter leur aide financière aux énergies fossiles plutôt que de la diminuer.

Juste avant le sommet des Nations unies sur le climat à Glasgow en octobre 2021, les principales banques canadiennes ont adhéré à l’alliance bancaire «Net zéro» lancée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney.

En joignant cette alliance, elles se sont engagées à aligner leurs portefeuilles de prêts et d’investissement en vue d’atteindre l’objectif zéro émission de gaz à effets de serre nette d’ici 2050, ainsi qu’à fixer des objectifs intermédiaires pour 2030 ou plus tôt.

Mais plutôt que de changer leurs pratiques et diminuer le financement des industries fossiles, les banques augmentent leur aide à cette industrie, déplore Greenpeace dans un rapport publié mercredi.

«Les engagements actuels des banques sont loin, très loin de ce que l’ONU a fixé comme exigences minimales» et «soit elles prennent un engagement sérieux envers l’élimination progressive de leur soutien financier aux entreprises de combustibles fossiles, soit elles seront exclues» de l’alliance bancaire, a déclaré Keith Stewart, stratège senior en énergie chez Greenpeace Canada.

Dans son rapport intitulé «Alignés sur l’Objectif zéro? Les prétendus engagements “net zéro” des banques canadiennes», Greenpeace s’appuie sur des données de l’étude Banking on Climate Chaos, publié par un consortium de groupes écologistes au printemps dernier. 

Selon cette étude, entre 2020 et 2021, l’aide financière des cinq principales banques canadiennes aux énergies fossiles a augmenté au point où elles se trouvent maintenant parmi les 20 plus importants bailleurs de fonds des combustibles fossiles au niveau mondial.

«Après une baisse marquée en 2020 des prêts au secteur des combustibles fossiles due à la pandémie, le soutien des grandes banques canadiennes à l’industrie fossile a augmenté de 70% en 2021 et a représenté la plus forte augmentation des émissions financées au niveau mondial», souligne le rapport de Greenpeace.

La RBC par exemple, a pratiquement doublé son aide à cette industrie de 2020 à 2021, passant de 19 à 39 milliards de dollars, selon les donnés de l’étude Banking on Climate Chaos. 

Paradoxalement, la même année au mois d’octobre, la RBC, la BMO, la CIBC, la Banque Scotia et la Banque TD annonçaient dans un communiqué de presse conjoint avoir «pris des mesures afin de collaborer avec ses clients pour réduire les émissions de carbone, investir dans des projets d’énergie renouvelable et appuyer la finance durable.»

 

Éliminer progressivement le financement des combustibles fossiles

L’alliance bancaire «Net zéro» demande à ses membres de «réduire et d’éliminer progressivement tous les combustibles fossiles ne pouvant faire l’objet de mesures de contrôle des émissions dans le cadre d’une transition juste», mais selon Greenpeace, aucune des grandes banques canadiennes n’a de politique qui prévoit d’éliminer le financement des industries du pétrole et du gaz.

Les critères de l’alliance bancaire «Net zéro» excluent également le financement de tout nouveau projet lié à la combustion du charbon.

Mais selon Keith Stewart, de Greenpeace, les politiques de financement des projets liés au charbon des principales banques canadiennes sont «faibles».

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne, il a donné en exemple la Banque CIBC, qui indique sur son site Internet qu’elle compte «limiter» son soutien à «la construction de nouvelles centrales au charbon». 

«Mais limiter, ne signifie pas éliminer», a fait valoir Keith Stewart.

Il a ajouté que «la Banque CIBC a 4,8 milliards de dollars américains en prêts ou en souscription liés au charbon», citant la «Global Coal Exit List», un rapport de l’ONG allemande Urgewald sur le financement de l’industrie mondiale du charbon.

 

Financer des entreprises qui ont un plan de transition

Le guide de l’alliance «Net zéro» «indique clairement que le financement continu des combustibles fossiles n’est approprié que si l’entreprise qui le reçoit a mis en place un plan de transition aligné sur le principe de la carboneutralité» a indiqué Keith Stewart.

Pourtant, a-t-il ajouté, «les banques canadiennes financent des entreprises comme Suncor ou la Pétrolière impériale, qui n’ont pas de véritable plan de transition».

Selon les règles de l’alliance bancaire «Net zéro», de nombreux membres «peuvent et doivent aller au-delà de 50% de réduction des émissions d’ici à 2030», et doivent atteindre un état final zéro émission nette bien avant 2050.

«Il est temps que les banques passent à la vitesse supérieure en matière de financement climatique et respectent au moins les normes minimales de l’ONU, plutôt que de prôner le nivellement par le bas», a déclaré le porte-parole de Greenpeace.

L’ONU développe actuellement une procédure visant à expulser les membres qui ne satisfont pas aux critères, a mentionné Keith Stewart en soulignant que «les banques canadiennes auront un dur réveil si elles ne se conforment pas aux règles».

 

Les banques répondent

Dans des échanges de courriels avec La Presse Canadienne, les cinq banques se sont défendues en indiquant qu’elles faisaient des progrès dans leurs portefeuilles de prêts et d’investissement en vue d’atteindre l’objectif zéro émission de gaz à effets de serre nette d’ici 2050.

La Banque Scotia a référé La Presse Canadienne à un document appelé «Virage carboneutre 2022» dans lequel elle indique qu’elle compte réduire de 30% l’intensité des émissions de CO2 pour son portefeuille pétrole et gaz d’ici 2030.

Toutefois, ce document souligne que l’atteinte des différentes cibles dépend de plusieurs facteurs, dont «des politiques et incitatifs gouvernementaux ; de l’étendue et de l’ampleur des actions posées par les clients ou les secteurs ; de l’acceptabilité sociale des grands changements économiques ; du rythme de l’innovation technologique ; des changements dans la demande des consommateurs ; et d’une foule d’autres facteurs économiques et sociaux sur lesquels la Banque a peu ou pas de contrôle direct».

La TD a elle aussi souligné que «la transition vers une économie à faibles émissions de carbone nécessitera des efforts de collaboration entre de multiples secteurs à long terme» et qu’elle a «un rôle important à jouer dans la transition vers un monde carboneutre».

«Le plus grand impact que RBC peut avoir est d’aider nos clients à faire la transition. Nous travaillons avec des clients de tous les secteurs par le biais de conseils et de solutions de financement pour les aider à passer au net zéro», a indiqué le directeur des communications de la RBC Rafael Ruffolo.

En réponse aux questions de La Presse Canadienne, la BMO a envoyé un document appelé «Rapport climatique 2021», dans lequel il est notamment écrit que la banque s’est fixé une cible de «réduction de 33% de l’intensité des émissions du portefeuille d’ici 2030», dans le but d’atteindre le net zéro en 2050.

La CIBC a répondu qu’elle «s’engage à faire des progrès significatifs vers un avenir à faible émission de carbone et qu’elle a “commencé à fixer des objectifs clairs et mesurables” pour atteindre des émissions nettes de GES de ses activités opérationnelles et financières d’ici 2050».

Invitée à commenter l’étude qui indique que l’aide financière des principales banques canadiennes aux énergies fossiles a augmenté en 2021, aucune des cinq institutions bancaires n’a fourni de réponse.