Comment Agropur résiste à la concurrence étrangère dans le lait
François Normand|Publié le 05 mars 2019Les importations de lait tripleront au Canada en raison de trois ententes, avec 15% d'approvisionnement extérieur.
L’entrée en vigueur de trois accords de libre-échange bouleversera l’industrie laitière au Canada avec l’arrivée massive de lait étranger. Le transformateur laitier Agropur est confiant de pouvoir résister à la tempête grâce à sa stratégie de diversification aux États-Unis amorcée en 2002.
Ces trois ententes sont l’Accord économique et commercial global (AECG), l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), destiné à remplacer l’ALÉNA.
Le première est entrée en vigueur le 21 septembre 2017, la seconde le 30 décembre 2018 pour six pays de l’Asie-Pacifique sur onze, dont l’Australie et la Nouvelle-Zélande, deux pays producteurs et exportateurs de lait.
Quant à l’ACEUM, il n’est pas encore en vigueur. Et ce processus pourrait prendre un certain temps, car le Mexique et le Canada exigent que Washington retire ses tarifs sur les importations d’acier (25%) et d’aluminium (10%) pour ratifier l’accord.
Cela dit, lorsque ces trois accords seront en vigueur, 15% du marché canadien sera approvisionné par des importations de lait, selon Agropur.
Avant septembre 2017, les producteurs de lait à l’étranger avaient seulement accès à 5% du marché canadien, qui fonctionne sous la gestion de l’offre, en vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
À terme, c’est donc trois fois plus de lait étranger qui entrera au Canada.
Agropur est devenue une société nord-américaine
Malgré tout, Agropur n’a pas l’intention de changer sa stratégie de croissance, en appuyant sur l’accélérateur aux États-Unis, explique le chef de la direction, Robert Coalier, en marge de la récente assemblée annuelle de la coopérative.
«Notre stratégie n’a jamais été de se développer dans une autre géographie en raison de la géographie actuelle», dit-il.
Selon lui, une entreprise qui génère des revenus de 6 G$ par année se doit de diversifier ses sources de croissance pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
En 2018, près de la moitié des revenus (46%) d’Agropur provenait du marché américain, où la coopérative affiche un taux de croissance plus rapide qu’au Canada.
En 2014, les États-Unis ne comptaient que pour 35,9% de ses ventes.
Il faut dire que la coopérative a multiplié les achats d’entreprises pour croître au sud de la frontière.
Les acquisitions de Trega Foods (un producteur de fromage du Wisconsin, en 2008) et de Davisco Foods International (un producteur de fromage et d’ingrédients laitiers présent au Minnesota, en Idaho et dans le Dakota du Sud, en 2014) figurent parmi les plus importantes.
Et si la tendance se maintient, la majorité des revenus d’Agropur proviendront du marché américain, admet Robert Coalier. «Aujourd’hui, notre empreinte, c’est l’Amérique du Nord», précise-t-il.
Aux États-Unis, la coopérative a notamment investi l’an dernier à son usine de Lake Norden, dans le Dakota du Sud, afin de tripler la production de cette usine de transformation.
«Quand l’usine atteindra sa vitesse de croisière, elle transformera sur une base quotidienne 4 millions de litres de lait en 1 million de livres de fromage», dit le chef de la direction d’Agropur.
Garder un équilibre entre les États-Unis et le Canada
Même si la population des États-Unis est dix fois plus importante qu’au Canada, l’entreprise n’entend pas négliger pour autant le marché canadien, où il y a encore des occasions d’affaires.
«Notre stratégie, c’est d’avoir une diversification géographique équilibrée, insiste le dirigeant. On ne veut pas se retrouver avec une dominance américaine parce que nous avons décidé de nous diversifier, car nous étions concentrés au Canada.»
Les investissements futurs d’Agropur tiendront compte de cet équilibre entre les deux marchés, même si la diversification géographique aux États-Unis permet à Agropur de résister plus facilement à la nouvelle concurrence étrangère au Canada.
Ces cinq dernières années, la coopérative a investi 1,3 G$ en immobilisations en Amérique du Nord, dont 728 M$ au Canada.
En 2018, l’entreprise a réalisé des revenus de 6,7 milliards de dollars (en hausse de 5%) et un excédent net de 67,7 millions de dollars.