Comment les influenceurs du bien-être propulsent le mouvement MAHA de RFK Jr.
Le courrier des lecteurs|Publié à 20h03(Photo: Adobe Stock)
Un texte de Lina Sakkal, spécialiste des relations publiques qui vit à Montréal
COURRIER DES LECTEURS. Que peuvent bien avoir en commun le lait cru, la communauté des influenceurs du bien-être et une prochaine présidence de Donald Trump ? Plus qu’on ne le pense.
L’univers en ligne du bien-être, souvent axé sur l’amélioration personnelle et l’autonomisation, est devenu un terrain fertile pour des récits politiques polarisants. Cela se manifeste clairement dans l’alignement croissant entre les influenceurs du bien-être et le mouvement «Make America Healthy Again»(MAHA), porté par RFK Jr., le candidat de Trump pour diriger le Département américain de la Santé.
Lors des élections, de nombreux influenceurs ont exprimé leur soutien à des idées visant à réformer le système de santé, à limiter le pouvoir des grandes entreprises pharmaceutiques et à demander des comptes à la FDA (Food and Drug Administration). En ligne, ils défendent aussi l’accès au lait cru, les thérapies alternatives et l’opposition aux obligations vaccinales. Ces revendications s’alignent étroitement avec le MAHA, qui capitalise sur ces frustrations en présentant RFK Jr. comme un champion de la «liberté de santé».
Une confiance en déclin envers les institutions
Il n’est guère surprenant que la confiance envers les institutions soit en baisse. Et pour de nombreuses femmes, cette méfiance trouve un écho particulier, notamment en ce qui concerne leur santé et l’avenir de leurs enfants.
Historiquement, les femmes, en particulier les femmes racisées, ont été confrontées à des biais systémiques et à une négligence dans les soins de santé, surtout dans les domaines spécifiques à la santé féminine.
Cependant, l’alignement des influenceurs du bien-être avec le MAHA a un coût. En privilégiant le choix individuel au détriment de solutions collectives et en rejetant les garde-fous institutionnels, ils diffusent de la désinformation et affaiblissent les efforts visant à réduire les inégalités systémiques en matière de santé.
Le problème de privilège dans les messages de santé
«Bonne journée à tout le monde sauf à ceux qui utilisent encore des planches à découper en plastique», pouvait-on lire ce matin dans une story Instagram d’une influenceuse bien-être.
Le problème de ce genre de message ne réside pas forcément dans son contenu, mais dans son ton de supériorité implicite. Cela sous-entend que ceux qui suivent encore les normes établies sont soit mal informés, soit complices de leurs propres difficultés.
Bien que les dangers du plastique méritent d’être discutés, ces messages ignorent les contraintes financières qui poussent beaucoup à l’utiliser.
La méfiance comme nouvelle autorité
La même influenceuse a ensuite publié un message vague sur la corruption de la FDA, abordant de véritables défauts institutionnels tout en amplifiant un des récits centraux du MAHA : la méfiance. Ici, la méfiance devient une nouvelle forme d’autorité, déguisée sous le manteau de la «liberté de santé».
En s’alignant avec des figures comme RFK Jr., connu pour diffuser de fausses informations, notamment sur le lien entre les vaccins et l’autisme (démenti depuis longtemps), cette méfiance s’intensifie.
Oui, notre système alimentaire est défaillant, et certaines réglementations échouent à protéger la santé publique. Mais résoudre ces problèmes nécessite des actions systémiques et collectives, non des choix de consommation personnels ou des batailles politiques éparses.
Les messages des influenceurs bien-être lient souvent les maladies chroniques à des choix politiques, alignant leur cause sur des agendas plus larges menaçant les normes démocratiques, tout en prétendant défendre la santé publique.
Le paradoxe : des figures comme RFK Jr. et Trump, malgré leur discours, s’attaquent rarement à ces problèmes systémiques, leurs politiques de dérégulation aggravant souvent les maux qu’ils prétendent combattre.
Avec le bien-être vient la responsabilité
Les influenceurs du bien-être détiennent un pouvoir considérable dans l’ère numérique, un pouvoir qui exige une plus grande responsabilité. Explorer des approches alternatives de santé est une chose ; rejeter les systèmes qui fournissent des soins aux plus vulnérables en est une autre.
Si l’industrie du bien-être aspire réellement à «guérir», elle doit rejeter les théories du complot et promouvoir des solutions systémiques qui garantissent l’accès aux soins et réduisent les inégalités. C’est seulement ainsi que le bien-être pourra devenir une force d’émancipation collective et non un terrain de jeu pour la division politique.