Comment une récession affecte le travail et le logement?
La Presse Canadienne|Publié le 18 octobre 2022Les employés ont été en bonne position pour négocier cette année, souligne David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives. Mais cela pourrait changer. (Photo: La Presse Canadienne)
De nombreux économistes voient une légère récession dans leur boule de cristal lorsqu’ils se tournent vers 2023.
De nombreux Canadiens se souviennent d’avoir traversé une ou deux récessions, mais pour des millions d’autres, il s’agira du premier ralentissement majeur de leur vie d’adulte. Certains sont dans la fin de la vingtaine, envisagent peut-être d’acheter une maison ou sont déjà propriétaires. D’autres sont de nouveaux diplômés qui arrivent sur des marchés du travail concurrentiels.
Le mot «récession» évoque probablement le bouleversement de 2008-2009, lorsque la crise financière mondiale a déclenché une récession de sept mois au Canada et une longue reprise, plutôt que le ralentissement de courte durée des premiers jours de la pandémie.
Une récession se définit généralement par deux trimestres successifs de croissance négative du produit intérieur brut. Les experts soulignent qu’une légère récession est le scénario le plus probable pour 2023, bien qu’une récession plus typique ne soit pas hors de question.
Il n’y a pas deux ralentissements économiques qui se ressemblent. Voici quel genre d’impact celui-ci pourrait avoir.
Logement
Normalement, les banques centrales réduisent les taux d’intérêt pendant les récessions, mais il est peu probable que cela se produise en 2023, estime l’économiste Sal Guatieri, de la Banque de Montréal. La Banque du Canada a clairement indiqué qu’elle continuerait d’augmenter les taux jusqu’à ce qu’elle puisse maîtriser l’inflation, qui demeure bien au-dessus de son objectif de 2,0%.
Ainsi, alors que les prix des maisons continueront probablement de baisser et que la récession aggravera encore la pression à la baisse sur le marché, le coût d’emprunt ne baissera pas, prévient M. Guatieri.
Quiconque s’apprête à renouveler son prêt hypothécaire au cours de la prochaine année ou plus subira une augmentation notable de ses paiements mensuels, explique David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives.
«Le logement va devenir beaucoup plus cher pour la plupart des gens.»
Certaines personnes pourraient décider de ne pas acheter leur première maison, ajoute Laurie Campbell, directrice du bien-être financier des clients chez Bromwich + Smith.
«Cela pousse plus de personnes sur le marché de la location», explique-t-elle, ce qui, en retour, va exercer une pression à la hausse sur les prix des loyers.
Bien que les loyers aient monté en flèche en 2022, les récessions nuisent normalement davantage aux propriétaires qu’aux locataires, rappelle M. Guatieri, prédisant que la pression sur les prix des loyers s’atténuera en 2023.
«L’environnement des six à neuf prochains mois favorisera les locataires, car non seulement la faiblesse économique ralentira le taux d’augmentation des loyers, mais en fin de compte, en faisant encore baisser les prix des logements, elle permettra aux locataires d’entrer sur le marché du logement.»
Travail
Les employés ont été en bonne position pour négocier cette année, souligne M. Macdonald. Selon Statistique Canada, il y avait plus d’un million de postes vacants au deuxième trimestre de 2022, contre environ 732 000 l’année précédente et presque deux fois plus qu’avant la pandémie.
Mais cela pourrait changer.
Dans une récession légère, des mises à pied généralisées sont peu probables et une grande partie de la contraction touchera les postes vacants, estime M. Guatieri. Si l’économie entre dans une récession plus traditionnelle, cependant, les mises à pied augmenteront de manière plus significative, croit-il.
Quoi qu’il en soit, les travailleurs perdront le pouvoir de négociation qu’ils ont récemment acquis, prévoit M. Macdonald.
«C’est le genre de chose qu’on verrait dans un marché du travail beaucoup plus faible, où l’équilibre des pouvoirs se déplace vers l’employeur.»
Avec une inflation élevée, les travailleurs se sont inquiétés d’obtenir des augmentations, que ce soit à leur emploi actuel ou dans de nouveaux postes, explique Mme Campbell.
Mais à l’approche d’une récession, «les gens vont être plus soucieux de conserver leur emploi», prédit-elle.
Les nouveaux diplômés pourraient ressentir les effets d’un marché du travail en récession à long terme, ajoute M. Macdonald.
«Si vous graduez dans une récession, vous pouvez avoir des effets marquants à long terme, qui font en sorte que vous ne gagnez jamais autant sur l’ensemble de votre vie que quelqu’un qui a obtenu son diplôme dans un marché du travail très vigoureux», affirme-t-il.
Dépenses
Les articles non essentiels sont la première chose à retirer du budget des ménages lorsque la conjoncture économique est difficile, recommande Mme Campbell — les repas au restaurant, les films, les cafés quotidiens ou les vacances coûteuses.
Cependant, toutes les familles n’ont pas la possibilité de couper en premier lieu, précise-t-elle. Certaines personnes peuvent être obligées de faire des économies à l’épicerie ou de prendre des décisions difficiles pour d’autres dépenses nécessaires comme le logement.
Les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) connaissent une autre période difficile après leur sortie de la pandémie, ajoute M. Guatieri, et certains pourraient ne pas survivre à une période de hausse des coûts et de dépenses de consommation prudentes.
Alors que les dépenses discrétionnaires pour des choses comme la nourriture et les divertissements diminuent, les travailleurs de ces secteurs pourraient voir leurs heures réduites, a prévenu M. Macdonald. Comme c’est souvent le cas, les travailleurs précaires et à faible revenu peuvent être les premiers à ressentir les effets de la contraction économique, en partie à cause de l’effet sur ces secteurs.
«Les personnes qui travaillent dans ces secteurs sont plus à risque», affirme-t-il.