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Commerce international: les enjeux sur votre écran radar en 2020

François Normand|Publié le 28 février 2020

Brasser des affaires à l'international risque d'être complexe et déstabilisant pour les entreprises canadiennes en 2020.

L’année 2020 risque d’être compliquée et déstabilisante pour les entreprises canadiennes qui brassent des affaires à l’international, aussi bien pour exporter que pour importer.

Chaque année, l’avocat Bernard Colas, spécialiste en droit du commerce international au cabinet montréalais CMKZ, publie une analyse détaillée sur les éléments vraiment importants à savoir pour les exportateurs et les importateurs canadiens.

Voici les principaux éléments à retenir dans les prochains mois.

Accords commerciaux

L’Accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) entrera officiellement en vigueur dans les prochains mois, ce qui entraînera différents changements, à commencer par la modification des quotas laitiers alloués aux partenaires du Canada.

L’ACÉUM a consenti 3,6% de quotas supplémentaires aux Américains.

Ce quota s’ajoute aux concessions qu’Ottawa a déjà accordées dans ses nouveaux accords de libre-échange avec l’Union européenne et des pays de l’Asie-Pacifique comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, deux pays exportateurs de produits laitiers.

Le Canada perdra aussi son accès privilégié aux marchés publics des États-Unis, qui seront dorénavant régis uniquement par le droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nos entreprises se retrouvent donc sur le même pied d’égalité que leurs concurrents brésiliens, allemands ou japonais.

Il y aura également des changements au chapitre de la propriété intellectuelle.

Ainsi, la durée de la protection sur les droits d’auteurs après leur mort prévue à l’ALÉNA passe de 50 à 70 ans pour les oeuvres artistiques et littéraires, de même que de 70 à 75 ans pour les interprètes et les enregistrements sonores.

États-Unis

Toujours aux États-Unis, l’élection présidentielle de novembre 2020 sera à surveiller, d’autant plus que la politique commerciale du président Trump est au cœur de sa stratégie électorale, souligne Bernard Colas.

«La période préélectorale devrait donc être caractérisée par une politisation des relations commerciales internationales et constituera l’occasion pour l’administration de faire la promotion des ententes qu’elle a déjà conclues», écrit l’avocat.

Pour autant, malgré les mesures protectionnistes adoptées par l’administration Trump comme les tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium (aujourd’hui suspendus), les exportations du Québec aux États-Unis ont continué d’augmenter depuis deux ans pour atteindre 66,6 milliards de dollars canadiens en 2019, selon Statistique Canada.

Brexit

Le Royaume-Uni est sorti officiellement de l’Union européenne le 31 janvier, mais il reste néanmoins des choses à négocier sur l’ensemble des secteurs auparavant couverts par l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE.

Pour faciliter sa transition, le Royaume-Uni a pour l’instant conclu des ententes dites de « continuité » engageant une cinquantaine de pays et de territoires destinés à maintenir des relations commerciales privilégiées.

Le Canada ne prévoit pas conclure un tel accord de continuité, précise Bernard Colas.

Toutefois, comme le Royaume-Uni représente 40% des échanges entre le Canada et l’UE, les deux pays tenteront d’arriver rapidement à un nouvel accord de libre-échange pour remplacer l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE, entré en vigueur en 2017.

Or, les exportateurs pourraient perdre à court terme leur accès privilégié au marché britannique si Ottawa et Londres n’arrivent pas un conclure à temps un nouvel accord de libre-échange pour succéder à l’AECG (qui vient officiellement à échéance le 31 décembre 2020), selon la haute-commissaire britannique au Canada, Susan le Jeune d’Allegeershecque, dont Les Affaires rapportait récemment ses propos.

Chine

Les relations sino-canadiennes devront également être tenues à l’œil en 2020, selon Bernard Colas.

«Certains produits exportés en Chine comme le canola et le porc ayant été subrepticement visés par des mesures sanitaires chinoises, le Canada a demandé l’établissement d’un groupe spécial à l’OMC», écrit-il.

Par contre, des analystes affirment que l’embargo sur le porc et le canola canadiens est vraisemblablement lié à l’arrestation d’une dirigeante du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou, à Vancouver en décembre 2018, à la demande des Américains.

Les autorités canadiennes l’ont interceptée lors d’une correspondance à Vancouver en réponse à une demande d’extradition faite par la justice américaine. Les États-Unis souhaitent que Mme Meng – qui est actuellement assignée à résidence à Vancouver – soit extradée afin qu’elle réponde à des accusations de fraude relativement à des contrats que Huawei aurait conclus avec l’Iran, transgressant ainsi les sanctions imposées par Washington contre Téhéran.

Par conséquent, selon plusieurs observateurs, la solution à cette crise commerciale se réglera avant tout entre le Canada et la Chine, qui a arrêté deux Canadiens en Chine à la suite de l’arrestation de Mme Meng par les autorités canadiennes.