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Continuez à faire rouler votre voiture

Claudine Hébert|Édition de la mi‑Décembre 2023

Continuez à faire rouler votre voiture

Depuis 2020, le coût moyen des véhicules automobiles neufs a grimpé de 43%, pour atteindre une somme de plus de 61 000$. (Photo: 123RF)

Face à l’explosion du coût des véhicules automobiles, jumelée à des taux d’intérêt élevés, conserver son auto quelques années de plus devient une option plus payante qu’on ne le croit.

Depuis 2020, le coût moyen des véhicules automobiles neufs a grimpé de 43 %, pour atteindre une somme de plus de 61 000 $, signale Yves Varin, directeur national de la société d’analyse de marché Canadian Black Book. « À lui seul, le segment des berlines a fait exploser les coûts de 62 % », avise cet expert du service d’évaluation qui existe depuis plus de 60 ans.

Certes, poursuit-il, il est facile de pointer du doigt la pandémie, la pénurie de main-d’œuvre et le manque de pièces pour expliquer ces hausses vertigineuses. « Or, une des principales explications provient directement d’une décision des constructeurs eux-mêmes qui, depuis trois ans, font disparaître de leurs stocks la quasi-totalité des véhicules sous-compacts et autres versions de base plus abordables », observe Yves Varin.

Jesse Caron, expert automobile de CAA-Québec, en rajoute : « L’option des boîtes de vitesses manuelles a disparu, tout comme les véhicules sans climatiseur. Du coup, on oublie l’économie de 2500 $ qui était encore possible de réaliser sur un modèle de base », dit-il. De plus, les constructeurs privilégient désormais la formule VUS. Il cite l’exemple du modèle Hyundai Accent, qui était vendu 17 000 $ il y a cinq ans. « Il a été remplacé par le Hyundai Venue, vendu à 23 000$. Or, même si le Venue est surélevé, ces deux véhicules disposent de la même plateforme, mais à un prix dont l’écart est de plus de 6000 $. »

Une différence à laquelle il faut ajouter les taxes et des taux d’intérêt plus élevés. Fini les prêts sans intérêt! Le taux pour financer l’achat ou la location d’un véhicule neuf frôle actuellement les 7 %. Il atteint de 10 % à 12 % pour les véhicules d’occasion. « Par conséquent, les mensualités pour un VUS compact atteignent désormais une moyenne de 700 $ à 800 $ dans le cadre d’une location de quatre ans ou d’un financement de six ans, soit un montant annuel qui oscille entre 8400 $ et 9600 $ », souligne Jesse Caron. Sans compter le coût des assurances qui, lui aussi, ne diminue pas.

« Le consommateur averti a donc tout intérêt à conserver son véhicule actuel un, deux et peut-être même trois années de plus », renchérit Yves Varin. « Surtout pour attendre une éventuelle diminution des prix », avise cet analyste convaincu que cette baisse va survenir. D’ailleurs, note-t-il, le prix moyen des véhicules d’occasion a déjà perdu près de 15 % par rapport à pareille date l’an dernier.

 

Une durée de vie prolongée

Au bénéfice des consommateurs tentés de garder leur véhicule, la durée de vie moyenne de ces derniers n’a jamais été aussi élevée qu’en ce moment. « Ce n’est plus vrai qu’il faut se débarrasser d’une voiture qui a franchi les 100 000 km au compteur », soutient Jesse Caron. La plus récente étude du marché automobile réalisée par la société américaine S&P Global Mobility lui donne justement raison. L’âge moyen des véhicules en circulation a atteint un niveau record de 12,5 années en 2023. Il était de 8,4 ans il y a près de 30 ans. Cette entreprise d’analyses prédit même que les modèles de véhicules âgés de sept ans et plus représenteront environ les trois quarts de la flotte totale en circulation d’ici 2028.

Bien entendu, le climat de nos voisins du Sud n’est pas tout à fait le même qu’ici, au nord du 45e parallèle. « L’âge moyen des véhicules au Canada dépasse néanmoins le cap des 10 ans », affirme André Gamelin, propriétaire de Pièces d’autos Super, à Saint-Hubert. « Grâce à un bon entretien, l’odomètre de ces derniers peut facilement atteindre plus de 300 000 km », dit-il. Ce commerçant peut en témoigner. Deux de ses véhicules de livraison de pièces, une Hyundai Accent et une Toyota Yaris, ont dépassé chacun le cap des 400 000 km.

 

Le club des 400 000 km

À ce propos, des analystes du site américain Iseecars.com ont démontré qu’une bonne vingtaine de modèles ont désormais plus de 20 % de possibilités d’atteindre ce nouveau pic de distance. Depuis 2012, cette entreprise du Massachusetts a analysé plus de 260 millions de véhicules.

Parmi les marques les plus durables, Toyota sort du lot avec au moins huit modèles au classement. Cinq d’entre eux ont un score de plus de 40 %, soit les VUS Land Cruiser, Sequoia et 4Runner, ainsi que les camionnettes Tundra et Tacoma. Les modèles Avalon, Sienna et Camry présentent, quant à eux, de 20 % à 33 % de chances de parvenir au nouveau summum de la longévité des véhicules. La marque Honda se distingue, elle aussi, avec ses modèles Element, CR-V et Accord. Sa version Pilot affiche même une cote de 42,7 %.

C’est la camionnette F-350 Super Duty qui figure au sommet des durs à cuire. Selon l’étude d’Iseecars.com, ce véhicule a une chance sur deux (49,1 %) de franchir les 400 000 km. Son confrère, le Ford-250 Super Duty, le suit de près, à 43,6 %. Les camionnettes du constructeur GM (GMC Sierra 2500HD, Chevrolet Silverado 2500HD, Chevrolet Silverado 1500, Chevrolet Avalanche et GMC Yukon XL) se hissent, elles aussi, au classement des véhicules les plus durables.

Où sont les modèles européens? Seule la Golf de Volkswagen surpasse la durée moyenne de longévité des véhicules (fixée à 11,8 %) avec un score de 14,2 %.

 

La clé: l’entretien

Prolonger la vie de son véhicule signifie plus d’investissement dans son entretien. Le commerçant de pièces André Gamelin a vu son chiffre d’affaires grimper d’au moins 20 % depuis le printemps 2022. « On vend davantage d’alternateurs, de démarreurs, de batteries, de cardans et même de supports pour les moteurs de certains modèles sud-coréens. Des pièces qui ont l’avantage d’avoir été améliorées et renforcies par rapport aux pièces originales », indique-t-il.

Selon cet expert qui gravite dans le monde automobile depuis au moins quatre décennies, le simple fait de changer l’huile ainsi que les filtres selon le calendrier du constructeur, de maintenir la pression des pneus et de faire appliquer un traitement antirouille chaque année, pour les modèles concernés, peut faire une différence notable quant à la durée de vie du véhicule.

Il va de soi que conserver son véhicule au-delà de quatre ans se traduit également par l’achat d’un second ensemble de pneus d’hiver et de pneus d’été (une dépense de plus ou moins 1000 $ à 3000 $). Les freins devront aussi être changés (de 1000 $ à 1500 $). « Et des coûts de réparation imprévus pourraient survenir, notamment pour les modèles dotés de moteurs turbo et de transmission à double embrayage. Des technologies qui ont montré certaines défaillances », avertit le commerçant.

Déjà, en 2020, le magazine Protégez-vous citait le problème récurrent des moteurs turbo de plusieurs modèles Volkswagen (Golf et Jetta) ainsi qu’Audi (A3, A4 et Q5), dont la soupape de décharge (« wastegate » en anglais) s’usait prématurément ou se corrodait. Lorsque la garantie est expirée, il faut aisément prévoir un budget près de 5000 $ pour l’installation d’un tout nouveau turbo. Heureusement, un garagiste de Saint-Isidore, VAG Services, a trouvé une solution en proposant de changer la pièce défectueuse par une nouvelle soupape en acier inoxydable pour le tiers de ce que coûte un turbo neuf. Le type de facture que le consommateur a avantage à conserver précieusement en cas de recours collectif contre le constructeur.

« En attendant, même si les frais d’entretien d’un véhicule qui n’est plus sous garantie tournent autour de 3000 $ par année, c’est tout de même de 4000 $ à 7000 $ de moins que ce que coûte la somme des mensualités pendant douze mois d’un nouveau véhicule, qu’il soit neuf ou d’occasion », fait remarquer Jesse Caron. Ce qui peut aisément représenter de 20 000 $ à 35 000 $ d’économie sur une période de cinq ans. « L’équivalent, conclut-il, d’un très bon coussin pour l’achat d’un prochain véhicule. »