COVID-19: la prudence est de mise à l’égard du vaccin de Pfizer
La Presse Canadienne|Publié le 09 novembre 2020«Il faut s’assurer de regarder les données comme il faut, de bien les comprendre, qu’elles soient bien étudiées».
Même s’il s’agit d’un développement réjouissant et prometteur, l’annonce lundi par le géant pharmaceutique Pfizer que son vaccin contre la COVID-19 a généré un taux d’efficacité de 90 % doit être accueillie avec prudence, croient des experts interrogés par La Presse canadienne.
« Malgré le fait qu’on ait tous envie que ce vaccin-là soit bon et qu’on soit sortis d’affaire, il faut se garder une petite gêne et il faut s’assurer de regarder les données comme il faut, de bien les comprendre, qu’elles soient bien étudiées », a ainsi réagi la docteure Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine.
En effet, les données dévoilées par Pfizer lundi, même si elles proviennent du stade 3 de l’étude clinique de son vaccin, ne sont que préliminaires et certaines zones d’ombre persistent.
« J’aimerais voir des données qui montrent que le 90 % est vraiment réel », a dit Pierre Talbot, un spécialiste des coronavirus à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Seule la compagnie a vu les données jusqu’à présent, a ajouté la docteure Quach, qui rappelle ensuite que les données d’innocuité ne seront dévoilées que dans quelques jours. On ne sait pas non plus encore si les sujets qui ont été vaccinés sont toujours protégés après quelques mois.
On voudra aussi savoir, par exemple, si le vaccin a offert une protection égale à tous les participants, jeunes et vieux, ou si certains sont demeurés vulnérables à la maladie même après avoir été vaccinés.
Comme une quantité limitée du vaccin sera disponible au début, et comme deux doses seront nécessaires, ce sont des informations dont on devra absolument disposer pour pouvoir déterminer qui sera vacciné en priorité, a dit la docteure Quach.
« Je pense qu’il faut juste attendre un peu. Les nouvelles sont réjouissantes, mais il faut attendre avant de crier victoire, a-t-elle dit. Il faut vraiment que ces données-là soient présentées aux différents groupes conseillers. On va attendre les données scientifiques avant de pavoiser. »
Il importera aussi de mener à bien les études de phase 3 même si une utilisation d’urgence du vaccin est autorisée, afin de ne pas brouiller les données scientifiques, a-t-elle ajouté.
« Ce n’est pas fini, mais c’est plus près de la fin que du début », a dit M. Talbot, de l’INRS.
La logistique de la distribution du vaccin sera enfin complexe, puisqu’il doit être conservé en tout temps à − 80 degrés Celsius.
« La logistique de la distribution de ce candidat vaccin nécessitera une collaboration étroite avec les provinces et avec les chaînes d’approvisionnement pour l’offrir aux Canadiens sur une base prioritaire, a reconnu lundi le premier ministre Justin Trudeau.
« Nous travaillons déjà à la logistique nécessaire, mais évidemment, en comparaison avec de potentiels vaccins subséquents qui seront beaucoup plus stables à la température ambiante, la logistique de ce premier vaccin sera probablement plus complexe et risque de limiter un peu plus où nous pouvons distribuer ce candidat. »
Le Canada a conclu une entente avec Pfizer cet été, afin d’obtenir au moins 20 millions de doses de ce vaccin. M. Trudeau a dit qu’il ne s’agit que d’une « première vague » et que le Canada est prêt à en acheter davantage si la situation l’exige.