Moderna souligne s'être engagé, dès octobre 2020, à ne pas lancer de poursuite liées à la propriété intellectuelle tant que la pandémie sévissait, mais estime qu'elle est désormais passée à un nouveau stade. (Photo: Getty Images)
New York — Le laboratoire américain Moderna a lancé une bataille judiciaire d’ampleur contre Pfizer et BioNTech vendredi, les accusant d’avoir enfreint des brevets sur des technologies essentielles à son vaccin à ARN messager contre la COVID-19.
«Moderna est convaincu que le vaccin Comirnaty de Pfizer et BioNTech contre la COVID-19 contrevient à des brevets déposés par Moderna entre 2010 et 2016», indique un communiqué de la firme.
Mais l’entreprise semble aussi vouloir garder le contrôle de technologies pouvant servir dans de nombreux autres contextes, Moderna soulignant utiliser sa plateforme de technologies liées à l’ARN messager pour le développement de traitements contre la grippe, le VIH, les maladies auto-immunes et cardiovasculaires et les cancers.
Moderna et Pfizer associé à BioNTech ont les premiers mis en production leurs vaccins contre le coronavirus, très vite après le début de la pandémie, grâce à cette technologie de l’ARN messager qui permet de commander aux cellules humaines de fabriquer des protéines présentes dans le virus afin d’habituer le système immunitaire à le reconnaître et à le neutraliser.
Jusqu’alors, les vaccins s’appuyaient sur des formes affaiblies ou désactivées des virus pour habituer l’organisme à se défendre, et le développement des remèdes, ainsi que les essais cliniques pour vérifier leur sûreté, pouvaient durer plusieurs années.
L’utilisation de la technologie de l’ARN messager dans les vaccins de Moderna et Pfizer/BioNTech, parmi les plus injectés au monde, fut l’apogée de quatre décennies de recherches qui ont permis de surmonter de nombreux obstacles.
La flexibilité permise par l’ARN messager et la capacité à faire produire des antigènes par l’organisme lui-même permettent d’en attendre beaucoup pour d’autres maladies.
Moderna a précisé qu’il déposait plainte ce jour dans l’État du Massachusetts aux États-Unis et à Düsseldorf en Allemagne.
Compensations financières
La résolution d’une telle affaire devant les tribunaux peut prendre plusieurs années.
Pfizer/BioNTech a souligné dans un message transmis à l’AFP vendredi n’avoir pas encore entièrement examiné la plainte. Mais les deux entreprises se sont dites «surprises par le litige» étant donné que le vaccin Pfizer/BioNTech contre la COVID-19 «est basé sur la technologie d’ARN messager exclusive de BioNTech et a été développé à la fois par BioNTech et Pfizer». Elles se sont dites prêtes à se défendre «vigoureusement» contre les allégations de la plainte de Moderna.
Il ne s’agit pas de la première poursuite pour violation de brevets sur la technologie novatrice de l’ARN messager.
Moderna par exemple est déjà poursuivi par les petites entreprises de biotechnologies Arbutus Biopharma Corporation et Genevant Sciences. BioNTech est aussi concerné par une plainte en Allemagne de son compatriote CureVac, à laquelle BioNTech et Pfizer ont répondu par une autre procédure aux États-Unis.
«Nous lançons ces poursuites pour protéger la plateforme technologique innovante d’ARN messager que nous avons lancée, pour laquelle nous avons investi des milliards de dollars et que nous avons brevetée au cours de la décennie précédant la pandémie de COVID-19», a commenté le patron de Moderna, Stéphane Bancel, dans le communiqué.
Moderna souligne s’être engagé, dès octobre 2020, à ne pas lancer de poursuite liées à la propriété intellectuelle tant que la pandémie sévissait, mais estime qu’elle est désormais passée à un nouveau stade.
L’entreprise ne demande pas à ce que Pfizer/BioNTech retire son vaccin du marché. Mais elle demande des compensations financières, et uniquement pour les vaccins vendus depuis mars.
Pfizer prévoit de vendre pour 32 milliards de dollars de son vaccin contre la COVID-19 sur l’ensemble de l’année 2022.
Moderna précise aussi que les brevets pour lesquels il poursuit Pfizer et BioNTech n’ont pas été développés au moment où l’entreprise collaborait avec l’agence publique américaine de recherche pour accélérer les travaux dans la lutte contre la COVID-19.