La «démondialisation» est revenue en force face à la profonde désorganisation des chaînes de production liée à la guerre en Ukraine et aux confinements en Chine. (Photo: 123RF)
Davos — La COVID et la guerre en Ukraine ont-ils signé la mort de la mondialisation ou sa transformation? Au forum de Davos, la remise en question est profonde au moment même où l’économie mondiale ralentit.
Historiquement prônée par les mouvements altermondialistes, loin des salons feutrés du Forum, la «démondialisation» est revenue en force face à la profonde désorganisation des chaînes de production liée à la guerre en Ukraine et aux confinements en Chine.
«Le prix à payer ou le temps à attendre n’est plus compatible avec notre industrie», a jugé lundi Loic Tassel, le président pour l’Europe du groupe américain de biens de consommation courante Procter & Gamble, au cours d’une conférence, citant l’exemple des perturbations dans le port de Shanghai.
«Nous introduisons désormais dans l’équation les coûts et la résilience des chaînes de production. C’était loin de notre esprit il y a encore trois ans» a-t-il poursuivi, estimant que «la mondialisation fait une pause».
La ville de Shanghai est le symbole de l’extrême tension sur des chaînes d’approvisionnement qui doivent composer depuis des semaines avec la fermeture d’usines et la saturation de son port. La stratégie chinoise de zéro COVID allonge fortement les délais de livraison pour les entreprises.
À cela s’ajoutent la guerre en Ukraine et les sévères perturbations sur les prix et l’approvisionnement en énergie ainsi qu’en matières premières agricoles, risquant d’entraîner des famines dans certains pays fragiles.
Plutôt que de «démondialisation», Pamela Coke-Hamilton, la directrice de l’International Trade Center, une agence internationale ayant son siège à Genève, explique à l’AFP préférer parler de diversification et de relocalisation vers des zones plus proches et moins conflictuelles.
Le moins cher
La «remondialisation» se heurte toutefois à la façon même dont la mondialisation s’est façonnée progressivement sur la planète: la plupart du temps vers le moins cher, au prix de dépendances massives envers certaines régions.
«On n’a jamais autant importé de Chine que depuis que l’on a dit qu’il fallait moins en dépendre», ironise Gilles Moec, l’économiste en chef du groupe Axa, dans les travées de Davos. «D’ailleurs, l’une des raisons de la nervosité des gens en ce moment est que si la Chine était dans l’incapacité de répondre à la demande mondiale à cause de la pandémie, alors ce serait une catastrophe.»
En ce qui concerne le panorama économique mondial, «l’horizon s’est obscurci», a constaté lundi la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Kristalina Georgieva à Davos, et si la croissance mondiale de 3,6% prévue pour cette année exclut une récession mondiale, «cela ne signifie pas qu’il n’en est pas question» parmi les pays développés ou pour les pays très vulnérables.
Les nuages s’amoncellent déjà dans les zones développées d’après l’OCDE: la croissance n’a été que de 0,1% au premier trimestre en glissement trimestriel, a déclaré lundi cette organisation internationale et un recul de 0,1% a même été enregistré pour les pays du G7.
Le deuxième trimestre s’annonce poussif, d’autant qu’il a vu la guerre en Ukraine s’enraciner et les confinements chinois se multiplier.
Après avoir dépensé sans compter pendant la pandémie, «la recette à mettre en place n’est pas évidente et cela inquiète un peu tout le monde», remarque Gilles Moec.
Ce, d’autant que les banques centrales, à l’instar de celle des États-Unis, augmentent fortement leurs taux d’intérêt afin de lutter contre une forte inflation, à rebours des potions choisies pendant la crise du COVID.
La Banque centrale européenne s’apprête elle aussi à sortir des taux négatifs malgré une nette révision à la baisse la semaine dernière des prévisions de croissance de la Commission pour l’année dans la zone euro, de 4% à 2,7%.
Moteur de l’économie mondiale, la Chine n’est pas en reste, dévoilant ces derniers jours ses pires performances économiques en deux ans, avec des ventes au détail et une production industrielle en berne en avril, ainsi qu’un chômage proche de son record.