Des besoins qui diffèrent pour les personnes sans enfants
La Presse Canadienne|Publié le 27 Décembre 2023Selon Statistique Canada, la génération Z et les millénariaux poursuivent la tendance à la baisse du nombre d’enfants par femme au pays. (Photo: La Presse Canadienne)
Alors que le mode de vie sans enfants gagne en popularité parmi les jeunes générations, nombreux sont ceux qui s’imaginent que cela signifie avoir beaucoup plus d’argent à dépenser, mais ce n’est pas toujours le cas.
En fait, certains experts affirment que cette clientèle n’est pas prioritaire dans le monde de la planification financière et qu’elle a des besoins qui lui sont propres.
Selon Statistique Canada, la génération Z et les millénariaux poursuivent la tendance à la baisse du nombre d’enfants par femme au pays. Environ un tiers des personnes âgées de 15 à 49 ans n’ont pas l’intention d’avoir d’enfants.
En matière de planification financière, il s’agit en fait d’un «groupe mal desservi», affirme Barbara Knoblach.
Planificatrice financière établie à Edmonton et travaillant avec Money Coaches Canada, Mme Knoblach affirme que de nombreuses sociétés de conseil aiment recruter plusieurs membres d’une même famille, toutes générations confondues, ce qui est la principale raison pour laquelle cette clientèle n’est pas considérée comme prioritaire.
«La planification financière traditionnelle est axée sur le concept de constitution d’un patrimoine générationnel, explique-t-elle. Cependant, cela n’a que peu d’importance pour les clients qui n’ont pas d’enfants.»
Parmi sa clientèle sans enfants, Mme Knoblach constate que l’accent est mis sur l’épargne et l’investissement, et que la valeur nette moyenne est plus élevée.
Assurances invalidité et vie
Pour une personne seule, l’assurance invalidité est importante pour se protéger d’une maladie prolongée ou d’une blessure grave et d’une longue absence du travail qui s’ensuivrait, car elle ne peut pas compter sur un conjoint ou des enfants adultes pour s’occuper d’elle ou la soutenir, souligne-t-elle.
Cette importance accrue accordée à l’assurance invalidité se traduit toutefois par une diminution de l’importance accordée à l’assurance vie.
«Inversement, les personnes qui n’ont pas d’enfants n’ont généralement pas besoin de souscrire une assurance vie importante, ajoute Mme Knoblach, car elles n’ont pas de personnes à charge.»
De même, à la retraite, les personnes sans enfant ont besoin d’un coussin financier plus important sur lequel s’appuyer — elles doivent financer leurs propres soins à mesure qu’elles vieillissent, explique-t-elle, puisqu’il n’est pas possible d’emménager avec un enfant.
Elles doivent également désigner un mandataire ou un exécuteur testamentaire, un détail particulièrement important en l’absence de conjoint et si d’autres membres de la famille vivent loin.
Toutefois, les personnes sans enfants disposent d’une plus grande souplesse dans leurs objectifs financiers et leurs plans de retraite, car elles n’ont pas à assumer les dépenses liées à l’éducation des enfants, évoque Ian Black, conseiller financier indépendant chez Macdonald Shymko & Company, à Vancouver.
«Qu’il s’agisse d’une augmentation de l’épargne ou de la consommation [le fait de ne pas avoir d’enfant] permet une plus grande souplesse, à condition de tenir compte de l’objectif de retraite, indique M. Black. Certains veulent prendre leur retraite à 52 ans. D’autres n’arrivent pas à imaginer ce qu’ils feraient une fois à la retraite.»
«Cercle familial»
Pour ce qui est de laisser un héritage, M. Black constate que les clients qui n’ont pas d’enfants font souvent don de leur patrimoine à des œuvres caritatives après leur décès, et laissent parfois un peu d’argent à d’autres membres de la famille, tels que les nièces et les neveux.
Les familles modernes, et les transferts de patrimoine en leur sein ne sont plus tout à fait «linéaires», affirme Julie Petrera, stratège principale des besoins des clients au Canada chez Edward Jones.
Au lieu d’un arbre généalogique, les cabinets de planification financière voient plutôt un «cercle familial».
«La définition de la famille continue d’évoluer», fait valoir Mme Petrera.
Les couples qui n’ont pas d’enfants peuvent encore avoir des coûts associés aux enfants, souligne M. Petrera, puisque certaines personnes ne se sont pas dans cette situation par choix.
«Ils peuvent en fait dépenser beaucoup d’argent pour essayer d’avoir des enfants, dit−elle. Du point de vue de la planification financière, nous ne pouvons donc pas supposer que tous les couples sans enfant n’ont pas de dépenses liées aux enfants ou à la tentative d’avoir des enfants. Nous les aiderons donc à établir un budget et à planifier ces dépenses.»
Les personnes et les couples sans enfants peuvent également être confrontés à des attentes différentes à l’intérieur de leur famille élargie. On pourrait attendre d’eux qu’ils s’occupent de leurs parents vieillissants, davantage que de leurs frères et sœurs qui ont leurs propres enfants.
Mme Knoblach raconte qu’elle a vu des clients sans enfants devoir payer la facture pour des parents âgés.
«S’il est vrai que les clients sans enfants n’ont pas à soutenir les dépenses liées à l’éducation des enfants, ils devront faire face à d’autres dépenses, notamment pour leurs propres soins plus tard dans la vie», expose Mme Knoblach.
«Il n’est pas acquis qu’une personne sans enfant sera mieux lotie qu’une personne ayant élevé des enfants. Les personnes qui n’ont pas d’enfant doivent épargner de manière disproportionnée pour ne pas risquer d’épuiser leur argent», ajoute-t-elle.
Si le fait de ne pas avoir d’enfant tout au long de sa vie permet d’économiser sur les coûts élevés liés à l’éducation des enfants — Statistique Canada cite 366 000 $ pour élever un enfant jusqu’à l’âge de 17 ans —, il n’en demeure pas moins qu’il faut faire preuve de prudence et d’expertise en matière de planification à long terme.
«Comme de plus en plus de gens décident de ne pas avoir d’enfants, j’espère que les planificateurs financiers seront mieux équipés pour répondre aux besoins et aux défis uniques de ce groupe de clients», conclut Mme Knoblach.
Nina Dragicevic, La Presse Canadienne