Des changements immédiats pour éviter le pire, selon le GIEC
La Presse Canadienne|Publié le 20 mars 2023«L’humanité marche sur une couche de glace très fine, et cette glace fond rapidement», a prévenu le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. (Photo: La Presse Canadienne)
Berlin — L’humanité a encore une chance d’éviter les pires dommages du changement climatique, a estimé lundi un important groupe de scientifiques des Nations unies. Cependant, il pourrait bien s’agir de sa dernière chance.
Pour y arriver, il faudra notamment réduire rapidement la pollution par le carbone, ainsi que l’utilisation des combustibles fossiles de près des deux tiers d’ici 2035, a noté le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans un nouveau rapport.
De son côté, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, n’est pas passé par quatre chemins: il a appelé à la fin de toute nouvelle exploration des combustibles fossiles et à l’abandon du charbon, du pétrole et du gaz par les pays riches d’ici 2040.
«L’humanité marche sur une couche de glace très fine, et cette glace fond rapidement», a prévenu M. Guterres.
«Notre monde a besoin d’une action climatique sur tous les fronts — tout, partout, tout à la fois», a−t−il ajouté en faisant référence au film de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, sorti grand gagnant de la dernière cérémonie des Oscars.
Intensifiant ses appels à l’action sur les combustibles fossiles, M. Guterres a non seulement appelé à cesser de créer de nouveaux projets au charbon dès maintenant, mais aussi à éliminer son utilisation dans les pays riches d’ici 2030 et les pays pauvres d’ici 2040.
Il aimerait voir uniquement de la production d’électricité verte dans les pays développés d’ici 2035, ce qui signifie également de mettre fin au recours aux centrales électriques au gaz.
Ces cibles sont essentielles, selon lui, puisque les pays devront bientôt se fixer des objectifs de réduction de la pollution d’ici 2035, en vertu de l’accord de Paris sur le climat.
Les ministres Guilbeault et Charette réagissent
Le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault, a brièvement réagi lundi matin au sixième rapport d’évaluation du GIEC.
Interrogé sur la demande du secrétaire général des Nations unies de cesser l’exploration de combustibles fossiles, le ministre n’a pas directement répondu, en indiquant que «très clairement, nous devons réduire notre dépendance aux combustibles fossiles, c’est pourquoi, au Canada, nous travaillons à mettre en place une série de mesures».
Il a donné l’exemple de l’électrification des transports et du plan pour mettre en place une norme sur l’électricité propre et «un réseau carboneutre d’ici 2035».
Questionné à savoir si un jour le Canada arrêtera d’autoriser des projets pétroliers, Steven Guilbeault a répondu «que la production de ressources naturelles est une juridiction provinciale et territoriale», tout en reconnaissant que le gouvernement fédéral a le pouvoir de refuser ou d’accepter de nouveaux projets gaziers, comme ce fut le cas récemment avec le mégaprojet pétrolier Bay du Nord de la pétrolière norvégienne Equinor, au large de Terre−Neuve.
Il a également fait valoir que la demande en pétrole, dans le monde, va continuer à augmenter et qu’il faut utiliser du pétrole «qui soit le moins émetteur possible».
Selon la banque ATB, la production de pétrole brut en Alberta a atteint un record historique en 2022, avec un peu moins de 1,4 milliard de barils. C’est presque le double de la quantité de pétrole produite en 2010.
Le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, a pour sa part confié lundi matin qu’il n’avait pas encore eu le temps de consulter le nouveau rapport du GIEC, tout en indiquant qu’il en prendra connaissance.
Il a ajouté que le Québec «s’est engagé dans la carboneutralité» et «qu’au cours des prochaines années, il y aura une nouvelle commission parlementaire sur l’établissement de cibles intérimaires, donc on est dans la foulée de ces rapports du GIEC qui nous incitent à toujours plus d’actions».
Réduire 60 % des GES
Après un débat controversé, le panel scientifique de l’ONU a calculé et signalé que pour rester sous la limite de réchauffement fixée à Paris, le monde devait réduire de 60 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035, par rapport à 2019.
«Les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des impacts pendant des milliers d’années», souligne le rapport du GIEC, qualifiant le changement climatique de «menace pour le bien−être humain et la santé planétaire».
«Nous ne sommes pas sur la bonne voie, mais il n’est pas trop tard», a analysé la co−autrice du rapport et spécialiste de l’eau Aditi Mukherji.
«Notre intention est vraiment d’envoyer un message d’espoir, et non celui de l’apocalypse.»
Alors que le monde n’est qu’à quelques dixièmes de degré de l’objectif mondialement accepté de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius par rapport l’époque préindustrielle, les scientifiques ont souligné un sentiment d’urgence.
L’objectif a été adopté dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat de 2015 et le monde s’est déjà réchauffé de 1,1 degré.
Pour Greenpeace Canada, avec ce rapport, le temps est venu de «tenir les compagnies pour responsables et à les faire payer pour les pertes et dommages qu’elles causent».
Dans un communiqué, le responsable de la campagne Climat−Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin, a déclaré que «nos gouvernements doivent cesser d’aider les entreprises d’énergies fossiles et les autres pollueurs, en cessant, entre autres, d’autoriser de nouveaux pipelines ou projets pétroliers et gaziers».