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Des experts croient que l’OMS a envoyé un message dangereux

La Presse Canadienne|Publié le 16 septembre 2022

Des experts croient que l’OMS a envoyé un message dangereux

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé mercredi que les décès dus à la COVID-19 dans le monde avaient chuté de 22% dans la dernière semaine, avec un peu plus de 11 000 morts signalés. (Photo: La Presse Canadienne)

Toronto — Alors que le grand patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait mercredi que la fin de la pandémie de COVID-19 est «à portée de main», certains experts canadiens estiment qu’il serait prématuré de déclarer la fin de cette crise sanitaire mondiale.

L’OMS a déclaré mercredi que le nombre de décès dans le monde attribués à la COVID-19 au cours de la dernière semaine avait atteint son seuil le plus bas depuis le début de la pandémie, déclarée en mars 2020. L’OMS a du même souffle exhorté les gouvernements, à ce moment charnière de la pandémie, à demeurer vigilants pour éviter un retour en arrière.

«Psychologiquement, de nombreuses personnes dans la population et au sein du gouvernement ont senti qu’elles voulaient maintenant passer à autre chose», a déclaré le docteur Fahad Razak, qui dirigeait le groupe de conseillers scientifiques auprès du gouvernement de l’Ontario sur la COVID-19. Ce groupe a d’ailleurs été récemment dissous. 

«La question est maintenant: sommes-nous déjà arrivés là? Or, de nombreux intervenants dans le système estiment qu’il est prématuré d’envoyer ce message.» 

Les variants du coronavirus apparaissent habituellement pendant l’automne et l’hiver, ce qui entraîne une augmentation des cas et des décès, a rappelé le docteur Razak. Et il n’y a aucune raison pour que ça ne se reproduise pas encore cette année.

Par contre, si on n’assistait pas à une nouvelle vague pendant cette «saison de pointe» habituelle, les experts pourraient être plus enclins à déclarer la fin de la pandémie au printemps prochain, dit-il.

«J’aimerais nous voir traverser l’automne et l’hiver avec une certaine stabilité dans le système» de soins de santé, a déclaré le professeur Razak. «Et ça veut dire, notamment, de contrôler le virus (…) pour donner à notre système de santé une chance de fonctionner pleinement pendant l’automne et l’hiver.»

 

Un marathonien en fin de course

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé mercredi que les décès dus à la COVID-19 dans le monde avaient chuté de 22% dans la dernière semaine, avec un peu plus de 11 000 morts signalés. On recensait 3,1 millions de nouveaux cas, soit une baisse de 28%, poursuivant une tendance à la baisse de la maladie depuis des semaines dans toutes les régions du monde.

«Nous n’en sommes pas encore là, mais la fin est à portée de main», a-t-il déclaré, en donnant l’image d’un marathonien qui s’approche du fil d’arrivée. «C’est le pire moment pour arrêter de courir. Il s’agit plutôt de courir plus fort et de s’assurer de franchir le fil d’arrivée, et de récolter tous les fruits de notre travail acharné.»

La docteure Anna Banerji, spécialiste des maladies infectieuses et professeure agrégée à l’École Dalla-Lana de santé publique à l’Université de Toronto, recommande elle aussi la vigilance. «De nombreuses personnes, moi y compris, pensent qu’il va y avoir une autre vague au Canada, avec les enfants qui retournent à l’école sans masque — et les enfants peuvent retourner à l’école avec la COVID», a-t-elle souligné.

La docteure Banerji croit que l’OMS ne devrait pas précipiter les choses. «Si (la pandémie) n’est pas tout à fait terminée, l’annoncer un peu prématurément signifierait que les gens ne reçoivent pas leurs vaccins, leurs doses de rappel», a-t-elle déclaré.

Et Colin Furness, qui enseigne également à l’école Dalla-Lana, rappelle qu’avec le manque de données probantes sur la COVID-19 au Canada, il est difficile de démontrer que les choses s’améliorent vraiment. «Lorsque nous avons arrêté de dépister la COVID, nous avons rendu beaucoup plus difficiles le diagnostic des personnes atteintes (…) et le bilan réel des morts dus à la COVID», selon lui.

Le professeur Furness croit lui aussi que ce manque de données devrait pousser l’OMS à tempérer ses ardeurs et à surveiller son langage. «Je pense qu’il est dangereux pour l’OMS de faire de grandes déclarations globales, alors que ce phénomène mondial ne se déroule tout simplement pas de la même manière au même moment partout», estime-t-il.

Neil Seeman, communicateur en santé et chargé de cours à l’Institut de politique, de gestion et d’évaluation de la santé à l’Université de Toronto, rappelle quant à lui qu’il est tout aussi important de prêter attention à la deuxième partie de la déclaration de l’OMS mercredi: que nous ne devons pas baisser la garde maintenant. 

L’OMS, selon lui, a voulu en fait galvaniser les troupes, et non pas laisser entendre que la page était maintenant tournée sur cette pandémie.