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Distilleries sous pression

Émilie Parent-Bouchard|Édition de la mi‑juin 2022

Distilleries sous pression

Le seul et unique distributeur des distilleries la Société des alcools du Québec. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE DES ALCOOLS DU QUÉBEC. Les deux tiers des distilleries du Québec sont présentement déficitaires : c’est ce que révèlent les résultats préliminaires d’une étude commandée par l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD). Pour l’organisme, il y a urgence d’agir pour simplifier le cadre règlementaire et encourager la vente sur place, qui pourrait être un véritable levier de développement pour ces PME.

«La difficulté qu’on a pour les spiritueux, c’est qu’on n’est pas considérés au même titre règlementaire que la bière, le vin et le cidre, explique Geneviève Laforest, agente de développement à l’UQMD, qui représente 85 % des microdistilleries de la province. Notre seul et unique distributeur est la Société des alcools du Québec (SAQ).»

Lorsque les distillateurs vendent sur leurs lieux de production, les mêmes règles s’appliquent. C’est-à-dire qu’ils doivent verser à la SAQ l’équivalent d’un peu plus de 50 % du prix de vente d’une bouteille à 40 $, soit 20,30 $. Un «service non rendu» que l’UQMD revendique d’abolir depuis quatre ans.

«Ce qu’on dénonce, c’est de payer pour les frais opérationnels des succursales. La SAQ ne touche pas au produit !» s’exclame Geneviève Laforest, qui qualifie la situation actuelle de si critique qu’elle pourrait mener à des faillites.

 

Quelles conséquences pour les distillateurs ?

«C’est décourageant, quand tu compares avec d’autres provinces, c’est illogique. Il n’y a aucune dépense faite par la SAQ, donc pourquoi reçoivent-ils un morceau de la vente?» s’indigne Michael Briand, copropriétaire de la distillerie O’Dwyer, en Gaspésie. Il est tout de même persuadé que la situation va changer à l’issue de ce «long» combat que mène l’UQMD.

D’ici là, les entrepreneurs doivent s’armer de patience… et surtout de créativité. Lancer un appel à la solidarité pour les corvées d’embouteillage, par exemple. Ou carrément repousser certains investissements. Le copropriétaire de la distillerie Shefford, Hugo Bourrassa, parle d’un «frein immense», dont le manque à gagner équivaut selon lui à plus qu’un salaire à temps plein.

«C’est le plus gros défi qu’on a, note-t-il. On souhaite développer l’agrotourisme, mais présentement, on n’est pas ouvert la semaine parce ça ne justifie pas de payer un employé. La journée où on n’aura pas à payer la majoration, on va passer d’une distillerie qui fait ses frais, qui vivote, à une entreprise rentable qui va pouvoir se développer.» Il ajoute qu’il s’agit aussi d’une question d’équité avec les autres producteurs d’alcools.

«Les clés sont dans les mains des gouvernements pour la question de la rentabilité. La règlementation n’a pas encore évolué pour suivre le mouvement des microdistilleries. Pourtant, ça a changé pour les vins et les vignobles, les cidreries, les microbrasseries… En plus, cet argent-là resterait dans l’économie régionale et aiderait à l’emploi, au développement, à l’achat d’équipements, etc. », résume Daniel Corriveau, cofondateur de Spiritueux Alpha Tango, à Val-d’Or.

Le PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Charles Milliard, a joint sa voix à celle des distillateurs début mai, dans le quotidien « Le Nouvelliste ». L’UQMD en a remis avec une sortie publique début juin.

Le cabinet du ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, aussi responsable du Développement économique régional, a précisé par courriel que les distilleries ont accès au Programme d’appui au positionnement des alcools québécois. Sur les 7,5 millions de dollars (M$) injectés, 3,8 M$ ont été accordés en 2020-2021.

Un comité regroupant le ministère des Finances, la SAQ et la Régie des alcools, des courses et des jeux doit se pencher sur d’autres allègements. Ainsi, un «projet de loi devrait être déposé dans les prochaines semaines».