Il s’est aussi rebaptisé «Chef Twit» sur son profil. (Photo: 123RF)
San Francisco — Elon Musk pourrait devenir propriétaire de Twitter vendredi après des mois d’une saga hollywoodienne, à moins d’un nouveau rebondissement qui déboucherait sur un procès entre l’homme le plus riche du monde et l’emblématique réseau social.
«Tout suggère que les avocats coopèrent et avancent. Je pense que vendredi, nous apprendrons qu’Elon Musk a racheté Twitter», résume Adam Badawi, professeur de droit de l’université de Berkeley.
Fin avril, le patron de Tesla avait fait une offre d’acquisition à 44 milliards de dollars US, acceptée à contrecœur par Twitter, avant de chercher à s’en extraire unilatéralement début juillet, accusant l’entreprise de lui avoir menti.
Le conseil d’administration de la société avait porté plainte, et semblait bien parti pour forcer le fantasque dirigeant à tenir parole.
Mais début octobre, à dix jours de l’ouverture du procès, nouvelle volte-face: Elon Musk propose de conclure la transaction au prix initialement convenu.
La juge chargée du contentieux ajourne alors la procédure et donne aux deux parties jusqu’au 28 octobre pour se mettre d’accord, faute de quoi le procès aura lieu en novembre.
«Si Elon Musk essayait à nouveau de se retirer, on peut s’attendre aux foudres de la juge», commente Adam Badawi.
D’après l’agence de presse Bloomberg, le multimilliardaire s’est engagé lundi à conclure l’acquisition auprès des banquiers qui l’aident à financer l’opération.
Et mercredi, Elon Musk s’est rendu au siège de Twitter, avec un lavabo dans les bras, pour ensuite publier une vidéo avec un jeu de mots sur le mot anglais «sink», qui peut signifier à la fois «lavabo» et «absorber l’information».
Il s’est aussi rebaptisé «Chef Twit» sur son profil — «twit» voulant dire «crétin».
«Départs volontaires»
Si le fantasque dirigeant et le réseau social signent la vente, «c’est comme pour une maison: on vous donne les clefs», note Adam Badawi.
Elon Musk pourra alors immédiatement remplacer les membres du conseil d’administration et de la direction du groupe. Étant donné le ton de ses échanges par textos en avril avec Parag Agrawal, l’actuel patron risque de ne pas rester longtemps à son poste.
Et il ne sera sans doute pas le seul à partir. Elon Musk aurait indiqué à des investisseurs qu’il comptait, à terme, licencier quasiment 75% des 7 500 employés de Twitter, selon des informations publiées la semaine dernière par le Washington Post.
«Cela a foutu un coup à pas mal de gens», note un employé de Twitter, qui a parlé à l’AFP sous couvert d’anonymat.
Il a calculé, d’après les chiffres en interne, que plus de 700 salariés ont quitté le groupe depuis juin. «Ce sont plutôt des départs volontaires, soit pour des raisons éthiques, soit pour des raisons bassement financières, parce qu’une entreprise non cotée, c’est moins intéressant», estime-t-il.
Lui-même préfère laisser le «bénéfice du doute» à l’homme d’affaires, mais il partira si la plateforme virait à l’extrême droite.
Car Elon Musk entend assouplir la modération des contenus, qu’il juge trop stricte, comme le réclame la droite américaine.
Il a aussi affirmé que la rentabilité n’était pas sa priorité, qu’il lutterait mieux contre les pourriels et fait des allusions cryptiques à «X», sa vision d’une application à tout faire (messagerie, réseau social, services financiers…), comme WeChat en Chine.
«Fardeau»
«Nous allons évidemment payer beaucoup trop cher, mais le potentiel (de la plateforme) est largement supérieur à sa valeur actuelle», a-t-il déclaré récemment à des analystes lors de la conférence sur les résultats de Tesla.
La fortune personnelle d’Elon Musk est estimée à quelque 224 milliards de dollars par le magazine Forbes. Mais une grande partie de cette richesse consiste en ses actions Tesla et SpaceX.
Pour boucler son financement, il a contracté 13 milliards de dollars de prêts bancaires adossés à Twitter et fait appel à des fonds d’investissement.
«C’est une situation brutale pour les actionnaires de Tesla qui doivent supporter ce fardeau, car Musk pourrait avoir besoin de vendre 5 à 10 milliards de dollars supplémentaires d’actions», estime Dan Ives, un analyste de Wedbush Securities.
Le dirigeant a assuré qu’il sortirait Twitter de la Bourse. L’entreprise échapperait alors plus facilement à tout contrôle extérieur.
Le 4 octobre, lors d’une conférence sur les innovations chez Tesla, il avait pourtant déclaré qu’il était «essentiel» que son fleuron soit coté à Wall Street, «parce que si le public n’aime pas ce que fait Tesla, le public peut acheter des actions et voter différemment».
«C’est très important que je ne puisse pas juste faire ce que je veux», avait-il ajouté, hilare.