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Employeurs, corrigez le tir, vite!

L'économie en version corsée|Publié le 13 août 2019

Employeurs, corrigez le tir, vite!

Votre solitude est de votre faute... (Photo: Joshua Ness/Unsplash)

«La pénurie de main-d’œuvre est infernale, je dois laisser tomber des contrats mirobolants, faute d’employés»… «Les employés d’aujourd’hui sont tous infidèles, dès qu’ils le peuvent, ils te laissent tomber»… «Les jeunes? Ils ne se présentent même plus aux entretiens d’embauche, il n’y a rien à faire pour les intéresser à travailler»…

Ces rengaines, on les entend tous les jours dans la bouche des employeurs québécois. Mois après mois. Semaine après semaine. Jour après jour. C’est bien simple, si leur entreprise ne roule pas sur l’or et ne connaît plus la croissance d’antan, c’est à cause des employés, trop rares, trop exigeants, trop déroutants. Surtout les jeunes, les fameux «milléniaux», carrément incompréhensibles, d’après les employeurs issus de la génération des baby-boomers.

Est-ce que j’exagère? Vous savez bien que non…

Bon, il est indéniable qu’il y a un problème qui perdure, mais est-il pour autant attribuable aux seuls employés? Et si, par hasard, le problème ne venait pas plutôt des employeurs eux-mêmes…

Pour commencer, quelques chiffres – des données provenant d’un récent sondage mené au Canada par le cabinet-conseil en ressources humaines Robert Half –, histoire de bien cerner le problème:

– 80% des employeurs canadiens se disent «préoccupés» par la fidélisation des nouvelles recrues;

– 25% des employeurs canadiens s’en disent même «très préoccupés»;

– 33% des employés canadiens – à n’en pas douter les plus talentueux – entendent trouver un nouvel emploi d’ici les 12 prochains mois.

Autrement dit, la quasi-totalité des employeurs se font du mouron quant à l’avenir de leur main-d’œuvre, avec raison puisque 1 employé sur 3 a la ferme intention de vite se trouver un nouvel employeur.

Conscients du problème, les employeurs tiennent bien entendu à lui trouver une solution aussi efficace que durable. D’après le même sondage, voici leurs principales stratégies en ce sens:

1. Améliorer la communication (ex. : séances de discussions ouvertes, sondages internes sur l’engagement des employés,…) – 42%

2. Améliorer les programmes de reconnaissance – 40%

3. Offrir des occasions de perfectionnement professionnel – 40%

4. Apprécier la rémunération et les avantages sociaux – 36%

5. Rembourser les frais liés à la formation continue – 29%

6. Recruter du personnel intérimaire pour prévenir le surmenage – 25%

7. Mettre en place un programme de mentorat – 24%

Le hic? C’est que les mesures adoptées ou sur le point d’être adoptées… ne correspondent en rien aux attentes des employés. En particulier de celles des plus talentueux.

En vérité, voici les gestes espérés par ceux qui envisagent d’aller voir ailleurs, ce qui les ferait douter au point de songer à demeurer en poste:

1. Plus d’argent – 51%

2. Une promotion – 18%

3. Plus de congés et d’avantages sociaux – 16%

4. Un nouveau manager – 7%

À noter un chiffre crucial : seulement 8% des employés en question ont indiqué que rien ne les empêcherait de se trouver un autre employeur. Ce qui signifie que la grande majorité des employés sur le départ seraient prêts à continuer de travailler pour leur employeur actuel… si seulement celui-ci était capable de comprendre, et mieux, de combler leurs désirs.

Que ressort-il de toutes ces données? C’est assez simple, me semble-t-il :

– Une catastrophique incompréhension. Les employeurs canadiens ne comprennent rien aux attentes de leurs employés. Et l’incompréhension est telle que ça pousse littéralement les employés les plus talentueux à aller voir ailleurs.

– Une solution pourtant évidente. Rien n’est plus simple que de répondre avec efficience aux attentes des employés les plus talentueux. Il suffit en effet de booster leur rémunération, tout en leur procurant les ressources nécessaires pour s’épanouir au quotidien dans leur travail. Un exemple évident : un employeur pourrait très bien dire «oui» à ce contrat mirobolant auquel il dit «non» depuis un moment, puis en confier la responsabilité à ses employés les plus talentueux, après les avoir intéressés aux gains qui en découleront; car cela permettra, d’un coup d’un seul, de répondre adéquatement au «plus d’argent» (ou, au choix, «plus de congés»), à «une promotion» et à «un nouveau manager».

« Le taux de roulement peut s’avérer incroyablement coûteux pour les entreprises, non seulement au niveau de la perte de temps ou d’argent, mais aussi en raison de son incidence sur le moral des employés. C’est pour ça que les employeurs doivent arrêter de réagir à la dernière minute pour empêcher les travailleurs de grande qualité de quitter l’entreprise et, à la place, agir de manière préventive, en adoptant par exemple une grille de rémunérations véritablement concurrentielle», dit David King, directeur, Canada & Amérique du Sud, de Robert Half.

Et de souligner : «C’est bien simple, les plus talentueux ne s’éloignent jamais des entreprises qui déploient des efforts sincères pour encourager la croissance professionnelle, pour souligner les contributions individuelles comme collectives et pour soutenir le bien-être. »

Voilà. Chers employeurs, vous savez maintenant quelles sont les attentes inexprimées de vos employés, ceux d’aujourd’hui et de demain. À vous de corriger le tir au plus vite, et de mettre ainsi un terme définitif à vos sempiternelles jérémiades concernant la fameuse «pénurie de main-d’œuvre», laquelle n’est – ça saute aux yeux – qu’une «pénurie de bons employeurs».

En passant, le chanteur belge Jacques Brel aimait à dire : «Le talent, ça n’existe pas. Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose».

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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