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Énergie 4.0: des centaines de milliards d’investissements

François Normand|Publié le 15 octobre 2019

L'industrie modernisera le réseau électrique en Amérique du Nord. Il y aura des gains, mais aussi des risques.

Énergie 4.0. Retenez bien cette expression, car il s’agit de la modernisation du réseau électrique en Amérique du Nord, qui nécessitera des investissements de centaines de milliards de dollars américains dans la prochaine décennie.

«On va graduellement passer d’un réseau analogique à un réseau numérique», explique à Les Affaires Alain Brière, vice-président directeur général Réseaux intelligents et cybersécurité chez SNC-Lavalin.

Il s’agit d’une petite révolution qui permettra d’améliorer à terme l’efficacité et la fiabilité du réseau électrique nord-américain, notamment grâce à l’intelligence artificielle, selon Bloomberg New Energy Finance.

La numérisation contribuera par exemple à réduire les coûts des consommateurs en améliorant l’efficacité des maisons et des entreprises.

Pour les producteurs d’électricité, la numérisation améliorera la gestion prédictive de l’entretien et la pérennité de leurs réseaux, ce qui leur permettra d’utiliser leurs équipements à plus long terme.

La numérisation du réseau électrique sera l’un des plus importants chantiers d’infrastructures en Amérique du Nord. «On parle d’investissements qui pourraient atteindre de 600 à 1 000 milliards de dollars américains sur une période de 5 à 10 ans», souligne M. Brière.

Pour mettre ces chiffres en perspective, ils représentent de 36% à 60% de la valeur du PIB canadien qui totalisait 1 653 G$US en 2017, selon la Banque Mondiale.

Cette semaine (du 16 au 18 octobre) se tient d’ailleurs à Montréal un forum à ce sujet (Power Grid 4.0 Digitalization Forum), organisé par l’Utilities Technology Council (une association américaine spécialisée dans l’implantation d’infrastructures de télécommunications dans les services publics), en collaboration avec Hydro-Québec et SNC-Lavalin.

Plusieurs acteurs de l’écosystème énergétique nord-américain participeront à ce forum tels que Southern California Edison, la New York Power Authority ou l’Association canadienne de l’électricité.

La modernisation du réseau électrique est cruciale, selon M. Brière.

Les sociétés d’État et les entreprises privées de l’industrie nord-américaine ont construit la majorité de leurs infrastructures de services publics d’électricité dans les années 1960. Aussi, elles approchent de la fin de leur vie utile.

Les défis de l’industrie pour numériser ses activités

Le passage de l’analogique au numérique n’est pas une mince affaire.

Selon M. Brière, les entreprises d’électricité doivent remplacer leurs équipements tout en tenant compte des nombreux changements (assimilation de nouvelles technologies, nouvelles façons de faire, etc.) auxquels l’industrie fait actuellement face.

De plus, les entreprises peuvent se transformer de deux manières, précise M. Brière. Il donne l’analogie d’une personne qui veut moderniser sa voiture, soit en retapant sa vieille Chevrolet 1978 ou en achetant une Tesla.

Un producteur d’électricité peut faire une transition, en numérisant graduellement ses équipements et en augmentant ses dépenses en capital à long terme. La voiture est toujours vieille, mais elle est dotée de plus en plus de composants modernes sous le capot et de nouvelles technologies dans l’habitacle.

L’autre option est de changer de véhicule du jour au lendemain en achetant une Tesla. L’investissement en capital est important pour un producteur d’électricité, mais les gains d’efficacité et le bond technologique sont immédiats.

Une infrastructure plus vulnérable aux cyberattaques

Si la numérisation du réseau représente des gains d’efficacité pour les producteurs et les consommateurs, elle représente aussi un risque, car une infrastructure numérique est plus vulnérable aux cyberattaques.

«La cybersécurité sera très importante», insiste M. Brière, en précisant que des agences gouvernementales canadiennes et américains mettent déjà en garde les producteurs, les transporteurs et les distributeurs d’électricité à propos des menaces potentielles.

La menace est réelle. En 2009, des cyberespions avaient pénétré dans le réseau électrique américain. Ils y avaient laissé des logiciels d’infiltration qui pouvaient être utilisés pour le perturber, avait révélé le Wall Street Journal.

À l’époque, les services secrets américains ont indiqué que ces espions travaillaient pour la Chine, la Russie et d’autres pays non identifiés. Les intrus n’ont pas perturbé le réseau, mais les autorités craignaient qu’ils le fassent en cas de crise ou de guerre entre les États-Unis et ces pays.