Même s'il est très loin de son objectif, le producteur et distributeur d'énergie Énergir souhaite un jour vendre ...
Même s’il est très loin de son objectif, le producteur et distributeur d’énergie Énergir souhaite un jour vendre uniquement du gaz naturel renouvelable (GNR) à sa clientèle résidentielle, commerciale et industrielle au Québec.
«Nous avons la vision d’avoir 100 % de gaz naturel renouvelable un jour», affirme Mathieu Johnson, directeur du développement du GNR chez Énergir, en entretien avec Les Affaires, en précisant toutefois que ce ne sera pas avant quelques décennies.
Actuellement, moins de 1 % du gaz naturel distribué au Québec par Énergir est d’origine renouvelable. Le reste du gaz (de source fossile) distribué dans la province est acheté dans l’Ouest canadien et aux États-Unis.
Le GNR est produit notamment à partir de résidus organiques comme des restes de table.
Il permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en empêchant que des déchets soient enfouis et qu’ils produisent à terme du méthane – un GES plus néfaste que le CO2 pour le climat – si les émanations ne sont pas captées.
Fait intéressant pour les entreprises, le GNR peut se substituer au gaz d’origine fossile sans qu’il soit nécessaire de changer ou de modifier ses équipements fonctionnant au gaz, précise M. Johnson.
Par contre, il coûte plus cher que le gaz classique, car les producteurs de cette énergie verte (par exemple, les propriétaires d’usine de biométhanisation) doivent investir des sommes importantes pour construire des usines et acheter des équipements.
Actuellement, la quantité de GNR qu’Énergir distribue au Québec provient d’ailleurs de l’usine de biométhanisation de la ville de Saint-Hyacinthe, qui traite des matières organiques pour le transformer en gaz naturel vert.
Inaugurée en janvier 2018, cette usine traite des déchets produits par les entreprises agroalimentaires de la région ainsi que par les résidus de table de 25 municipalités.
Un potentiel de 66 % de GNR en 2030
Contrairement à l’Europe, la filière du gaz naturel renouvelable en est à ses premiers pas au Québec. Par contre, il y a beaucoup de potentiel, selon M. Johnson. En novembre, Énergir a d’ailleurs publié une étude à ce sujet, commandée à Deloitte et WSP.
En ce moment, le potentiel technico- économique – soit la proportion des matières organiques pouvant être transformées en GNR de manière rentable dans les conditions actuelles du marché – représente 12 % des volumes de gaz naturel distribué par Énergir.
À 1 % du marché, cette filière est donc sous-développée, selon cette étude.
Le potentiel est encore plus grand si l’on tient compte des technologies qui seront développées dans les 12 prochaines années. On parle d’un potentiel qui représente les deux tiers du volume distribué au Québec en 2030 par Énergir.
Actuellement, les technologies permettent de produire du GNR à partir de la biomasse agricole végétale, de la biomasse résiduelle ainsi que de l’émanation des sites d’enfouissement.
En 2030, les technologies permettront d’en produire notamment à partir de résidus de coupe ou du bois «mal-aimé», c’est-à-dire les arbres ou les parties d’arbres volontairement oubliés par les forestières que l’on trouve en très grande quantité.
Toutes les régions du Québec ont le potentiel de produire du GNR dans les prochaines années. Certaines régions ont toutefois un plus grand potentiel que d’autres, à commencer par le Saguenay-Lac-Saint-Jean en raison de la présence de biomasse forestière à grande échelle.
Cela dit, le plein potentiel de la filière du gaz vert au Québec ne peut être atteint par les strictes lois du marché, selon M. Johnson. Il lui faut un coup de pouce du gouvernement pour prendre son envol comme Québec l’a fait pour le multimédia et la filière éolienne.
Le 6 février, Énergir a publié une étude réalisée par Aviseo Conseil évaluant les retombées économiques de la filière du gaz naturel renouvelable sur l’économie québécoise.
Ainsi, la phase de contruction des centres de production de GNR induirait des investissements de près de 20 milliards de dollars.
Cette phase contribuerait pour quelque 8 G $ au PIB du Québec, soutiendrait la création de plus de 88 000 emplois (15 000 directs et indirects durant la phase de production), sans parler de recettes fiscales annuelles de 1,3 G $ pour les gouvernements du Québec et du Canada (256 millions durant la phase de production).
Les régions en profiteraient davantage, car la plupart des centres de production de GNR y seraient installés.
Des retombées économiques locales
L’entreprise fait valoir que le jeu en vaut largement la chandelle en matière de politique publique, car des volumes de gaz naturel issu aux deux tiers de sources renouvelables en 2030 auraient un impact structurant sur la société québécoise – Énergir quantifiera aussi cet impact dans les prochains mois.
D’une part, parce que l’utilisation de ces volumes de GNR dans le réseau d’Énergir permettrait d’éliminer 7,2 millions de tonnes de GES par année (les émissions de la décomposition des matières organiques), soit l’équivalent du retrait des routes de 1,5 million de voitures.
D’autre part, parce que la production de gaz naturel renouvelable aurait des retombées économiques régionales.
Par exemple, cette activité procurerait des revenus supplémentaires à des entreprises agricoles et forestières, sans parler des municipalités. Elle créerait aussi des emplois locaux qui ne peuvent pas être délocalisés.
Enfin, cela améliorerait la balance commerciale énergétique du Québec, car 99 % du gaz naturel consommé actuellement au Québec est «importé» du Canada et des États-Unis.
Dans ce contexte, l’objectif d’Énergir de vendre 100 % de GNR pourrait survenir au plus tôt dans les années 2030 ou 2040. Du reste, son objectif n’apparaît pas irréaliste, aux yeux de ce qui se fait ailleurs. Le Danemark et la France se sont respectivement fixé de consommer 100 % de gaz vert en 2035 et en 2050.