Nathaly Riverin, fondatrice et présidente du Think Tank en entrepreneuriat, vient de lancer Persévérance entrepreneuriale. (Photo: courtoisie)
« Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », dit le dicton d’origine africaine. Nathaly Riverin, fondatrice et présidente du Think Tank en entrepreneuriat, constate un peu le même phénomène dans le monde des affaires. « Quand une entreprise ferme, quand un entrepreneur quitte l’entrepreneuriat pour de bon, il y a une riche expérience acquise qui est perdue », déplore celle qui vient de lancer Persévérance entrepreneuriale, un programme personnalisé de formation et d’accompagnement s’adressant aux gens d’affaires qui se sentent au bout du rouleau.
Au Québec, des milliers de PME disparaissent chaque année. La moitié ne passent pas le cap des cinq ans d’existence dans la province. Ces fermetures constituent autant d’occasions manquées. Quel soutien les entrepreneurs reçoivent-ils lorsque leur entreprise périclite? Qui les appuie lorsque le poids de leurs déboires se fait trop lourd?
Il n’y a pas grand-chose, selon Nathaly Riverin. « J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de souffrance, dit en entrevue téléphonique celle qui dirige aussi la firme Rouge Canari, qui accompagne des entrepreneurs. Il y a vraiment un vide dans l’écosystème lorsque l’entrepreneur vit des difficultés financières ou des problèmes de santé liés à son travail. »
Celle qui baigne dans ce milieu depuis une vingtaine d’années sait de quoi elle parle, puisqu’elle a notamment cofondé et mené l’École d’entrepreneurship de Beauce avant de prendre les rênes de Femmessor. Imaginé et géré par son entreprise, Persévérance entrepreneuriale est financé par le gouvernement du Québec par son Plan québécois en entrepreneuriat.
Chasser les idées noires
Des entrepreneurs comme Dominic Gagnon ont salué la mise sur pied d’une telle initiative qui ne vise pas à financer une PME en crise, mais à l’aider à négocier avec ses créanciers ainsi qu’à offrir du soutien en matière de santé mentale. Dans un récent billet de blogue sur lesaffaires.com, le président et cofondateur de Connect&GO a confié avoir eu l’impression d’être un « échec sur deux pattes » et d’avoir l’« étiquette de perdant dans le front » lors d’un premier cafouillage entrepreneurial. « J’ai maintes fois, durant cette période, aussi eu des années noires, tsé, celle où tu te dis que la pression serait moins forte si le lendemain matin tu n’ouvrais pas les yeux », écrit-il.
Dominic Gagnon estime qu’il aurait alors eu besoin d’aide et c’est pour cette raison qu’il a accepté de devenir mentor dans le cadre de ce programme.
La fondatrice d’ORÄ Partenaires, Nadia Bourgeois, fait également partie de l’équipe de mentorat, car elle a vécu la fin de l’entreprise familiale Fabritec, à Bromont, en 2019. « Passer à travers une faillite, c’est douloureux, mentionne-t-elle en entrevue téléphonique. C’est comme si on m’avait forcée à mettre un de mes deux enfants en adoption. Ta vie, c’est ton entreprise. »
Elle croit fermement qu’un accompagnement débouche sur de meilleures décisions. « Plus vite la personne demande de l’aide, mieux on pourra l’orienter vers les bonnes stratégies en plus de la renseigner sur la tempête qu’elle s’apprête à traverser. Cela permet de te relever et de regagner ta confiance en soi.»
« Au bout du tunnel, il y a de la lumière… », poursuit-elle.
Prise deux
Le copropriétaire de l’auberge Saint-Antoine, à Québec, et président du CA d’IOU Financial, Evan Price, a également accepté de donner de son temps et de son savoir. « Quand on est dans une situation difficile, on a tendance à ne voir qu’une porte, on tend à rétrécir le nombre d’options ouvertes. Les solutions sont là, mais on ne les aperçoit pas », juge celui qui a perdu CO2 Solutions après s’être protégé de ses créanciers.
Heureusement, la réincarnation est possible en affaires en cas d’échec. Ce programme vise justement à encourager un deuxième essai entrepreneurial en rendant la faillite moins traumatisante. Cela est particulièrement important chez les jeunes de 18-34 ans, chez qui la proportion d’échecs est beaucoup plus élevée, selon l’Indice entrepreneurial québécois 2021. Le taux de fermeture est de 84 % après cinq ans d’activités pour cette tranche d’âge, ce qui est considéré comme « inquiétant » par les auteurs.
Or, il est essentiel économiquement que ce groupe n’abandonne pas l’entrepreneuriat. Par ailleurs, l’Indice note que quatre propriétaires masculins d’entreprise sur dix ont déjà créé ou repris une autre entreprise dans leur vie contre seulement deux sur dix chez les propriétaires féminins. Par conséquent, ce programme de persévérance pourrait inciter davantage de femmes à se relancer en affaires.
Avec la hausse des taux d’intérêt, combinés à la rareté de main-d’œuvre, à l’inflation et à un ralentissement économique, les PME vivront peut-être une « tempête parfaite » en 2023, selon Nathaly Riverin. « L’entreprise ne mérite peut-être pas de survivre, mais l’entrepreneur.se oui, affirme-t-elle pour souligner la pertinence de son initiative. Il ou elle aura sûrement plus de chance de succès lors de la deuxième occasion. »