Éolien: l’accès au capital sera primordial pour les Autochtones
François Normand|Mis à jour le 18 juin 2024En entrevue à Les Affaires, le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, souligne que les Premières Nations au Québec ne disposent que de quelques fonds d’investissement qui permettent d’investir dans des entreprises ou de grands projets. (Photo: Martin Flamand)
Même si la nouvelle stratégie de développement éolien d’Hydro-Québec (HQ) accorde une place importante aux Premières Nations, l’accès au capital de risque pour prendre des participations importantes dans les projets futurs représentera tout un défi, affirme Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL).
Le 30 mai, le PDG d’HQ, Michael Sabia, a créé toute une surprise en présentant la nouvelle stratégie de développement éolien d’HQ. La société d’État réalisera désormais des projets de 1000 mégawatts (MW) avec les Premières Nations et les municipalités, alors que l’ancien modèle reposait sur de petits projets privés fonctionnant par appels d’offres.
«Les intentions d’Hydro-Québec de travailler en véritable partenariat avec les Premières Nations dès les premières étapes des grands projets éoliens représentent certainement un pas dans la bonne direction», a souligné Ghislain Picard, dans un communiqué publié le lendemain de l’annonce.
En entrevue à Les Affaires, le chef de l’APNQL souligne que les Premières Nations ne disposent que de quelques fonds d’investissement qui permettent d’investir dans des entreprises ou de grands projets.
On parle ici principalement du Régime des bénéfices autochtones (RBA), de la Société de crédit commercial autochtone (SOCCA) et d’Investissement Premières Nations du Québec (IPNQ).
Ressemblant en partie à Investissement Québec, la société IPNQ a été fondée en 2001 par cinq partenaires, soit le Mouvement Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ, la SOCCA, le RBA et la Corporation de développement économique montagnaise (CDEM).
Manque d’une masse critique de capitaux
Si ces fonds contribuent au dynamisme de l’entrepreneuriat autochtone depuis des années, ils n’ont pas en revanche suffisamment de capitaux pour prendre des participations importantes dans les futurs grands parcs éoliens de 1000 (MW), estime Ghislain Picard, en donnant l’exemple d’IPNQ.
«Dans un contexte de projets majeurs dans l’éolien, des prises de participation nécessitent plusieurs millions de dollars. Ce n’est pas la capacité que gère IPNQ à ce moment-ci», fait-il remarquer.
Ce dernier souligne que les fonds autochtones comme IPNQ essaient constamment d’accroître leur capital de risque afin d’appuyer davantage de projets ou d’investir dans de plus gros projets.
Cela dit, aux yeux de Ghislain Picard, il faudra nécessairement une plus grande implication des principaux capitaux risqueurs au Québec – la Caisse de dépôt et placement du Québec, Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ ou Fondaction CSN – pour rendre possible la réalisation de projets éoliens de 1000 MW avec les Premières Nations.
Il y a une quinzaine d’années, des capitaux-risqueurs autochtones et des capitaux-risqueurs allochtones ont bien tenté d’accroître le niveau de financement des fonds des Premières Nations, mais sans succès, déplore Ghislain Picard.
«Il y avait une sympathie, je dirais, mais une sympathie qui ne s’est pas traduite pas des engagements clairs et concrets de la part de ces fonds», dit-il.
Cela dit, il demeure optimisme pour la suite des choses au chapitre de la bonification du capital de risque autochtone.
Vers plus de capitaux-risqueurs québécois?
Ghislain Picard dit sentir une volonté réelle d’Hydro-Québec d’inclure les Premières Nations dans ses futurs projets éoliens, sans parler d’une plus grande ouverture du côté des capitaux-risqueurs québécois à l’endroit de l’entrepreneuriat autochtone.
«On est train de refaire d’exercice aujourd’hui, dans un contexte qui est propre aux annonces récentes et au plan d’action 2035 d’Hydro-Québec. Est-ce qu’il y a une possibilité maintenant d’actualiser les discussions d’il y a une quinzaine d’années? C’est à espérer», affirme le chef Picard.
Chose certaine, selon lui, la participation des communautés et d’entreprises autochtones dans la propriété et l’exploitation de lignes de transport d’électricité est le reflet d’une nouvelle étape dans le développement de l’écosystème d’affaires des Premières Nations.
Le 18 avril, le Conseil mohawk de Kahnawà:ke et Hydro-Québec ont signé une entente par laquelle la communauté devient un actionnaire minoritaire de la ligne Hertel-New York, qui alimentera la Ville de New York en électricité.
Le 31 mai, on a appris que l’alimentation électrique de la future mine d’or Windfall, en Abitibi-Témiscamingue, propriété d’Osisko, sera assurée par une ligne de transport privée de 87 kilomètres (mise en service en janvier) qui appartient à Miyuukaa Corporation, une PME appartenant à des Cris de Waswanipi.
«Je pense que ce sont des modèles qui sont très certainement transposables ailleurs», affirme Ghislain Picard.