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Évaluer la vulnérabilité des sociétés endettées

Simon Lord|Édition de la mi‑Décembre 2023

Évaluer la vulnérabilité des sociétés endettées

Le ratio peut être calculé de façons légèrement différentes pour avoir une vision plus complète de la situation de l’entreprise. (Photo: 123RF)

Les entreprises sont endettées, les taux d’intérêt augmentent et l’économie subit des turbulences. Dans un tel contexte, le ratio de couverture des intérêts trouve toute sa pertinence. Mesurant la capacité d’une entreprise à rembourser ses dettes, celui-ci continuera d’être indispensable. Voici comment l’utiliser. 

Le ratio de couverture des intérêts est simple à calculer. On l’obtient en divisant le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) d’une période donnée par les intérêts débiteurs pour la période correspondante. « Dans le meilleur des mondes, une entreprise aurait un ratio supérieur à 3 », dit Vincent Boucher, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine. 

Un ratio de 1 signifie que la totalité du BAIIA, soit des flux de trésorerie libres, est utilisée pour rembourser les frais d’intérêt sur sa dette, laissant ainsi l’entreprise dans l’impossibilité, par exemple, de payer ses impôts, de verser des dividendes ou encore de réinvestir. 

Lorsqu’il est inférieur à 1, l’entreprise ne génère pas suffisamment de bénéfices pour payer ses intérêts débiteurs et pourrait donc avoir de la difficulté à rembourser sa dette, laissant à terme planer un risque de défaut. 

Dans certains cas, si l’entreprise déclare une perte, le ratio sera négatif, ce qui pourrait également la placer à risque. Si, au contraire, le dénominateur — la charge d’intérêts — est nul, alors l’entreprise est en bonne position.

 

L’indicateur du moment

Actuellement, le ratio de couverture des intérêts est « extrêmement pertinent », juge Vincent Boucher. « Pour une rare fois depuis plus d’une décennie, nous voyons une pression autant sur les charges d’intérêts que sur les bénéfices. » 

D’abord, les profits sont plombés par un ralentissement économique qui a déjà engendré des licenciements massifs, notamment dans la Silicon Valley, dans des entreprises soucieuses de protéger leurs marges bénéficiaires. Ensuite, la hausse des taux d’intérêt, une des plus agressives en 40 ans, impliquera potentiellement une hausse des frais d’intérêts. 

« Les entreprises vont avoir besoin de renouveler leurs emprunts, et ça va commencer à les affecter, dit le gestionnaire. Si la détérioration du bilan des entreprises entraîne une baisse de leur cote de crédit, cela pourrait faire augmenter leurs frais d’intérêts, et même donc créer une sorte de cercle vicieux. »

 

Des variantes

Le ratio peut être calculé de façons légèrement différentes pour avoir une vision plus complète de la situation de l’entreprise.

Une première variante consiste à additionner le montant de remboursement du capital à la charge d’intérêts, dans le dénominateur. On obtient ainsi le ratio de couverture du service de la dette.

La seconde variante ajoute aussi les charges liées aux locations et aux acquisitions et permet d’obtenir le ratio de couverture des charges fixes.

Naturellement, tous ces ratios signifient peu lorsqu’ils sont interprétés isolément. Pour faire une bonne analyse, un investisseur doit comparer le ratio d’une entreprise et le comparer avec ceux obtenus au cours des années précédentes, ou avec ceux de ses concurrentes.

« On peut faire beaucoup d’argent en misant sur des sociétés dont le ratio est inférieur à 1, mais qui font un virage vers la rentabilité, dit Vincent Boucher. Par exemple, en vendant des actifs pour payer leur dette, ou en la renégociant pour avoir moins d’intérêts à payer. »

 

Plus petit, plus pertinent 

Le ratio de couverture des intérêts est souvent plus pertinent pour les petites sociétés, note Fred Demers, directeur général des solutions d’investissement multiactif à BMO Gestion mondiale d’actifs.

« Beaucoup de grandes sociétés, comme Apple (AAPL, 191,45 $ US) et Microsoft (377,44 $ US), ont peu de dettes et font beaucoup de profits, dit-il. Les entreprises plus vulnérables, sur le plan de l’endettement, sont souvent parmi les plus petites capitalisations. »

Le directeur donne en exemple les sociétés du Russell 2000, un indice américain regroupant environ 2000 sociétés de petite capitalisation, où l’on compte environ 30 % d’entreprises « zombies », qu’il définit comme des entreprises qui génèrent juste assez de flux de trésorerie au cours d’une période de plusieurs trimestres pour continuer d’opérer et de payer leurs dettes.

« Ces entreprises ne peuvent pas se permettre de subir un gros choc de taux d’intérêt », dit Fred Demers. Une bonne manière de mieux comprendre le ratio d’une entreprise donnée, suggère-t-il, est de creuser à même le nominateur et le dénominateur pour identifier la source du problème. 

« Est-ce qu’un ratio faible est dû à une charge d’intérêts élevée ? Si oui, on peut espérer que les taux rebaisseront, mais si ce sont plutôt les bénéfices de l’entreprise qui sont en baisse depuis des années, on peut en conclure que l’entreprise est fragile, en déclin. » 

Dans un contexte où de nombreuses sociétés ont obtenu des refinancements durant la pandémie, quand les taux d’intérêt étaient au plancher, beaucoup d’entre elles deviendront vulnérables lorsque ces emprunts arriveront à échéance.