La présidente de la BCE Christine Lagarde devrait s'exprimer sur toutes ces questions lors de la conférence de presse prévue à partir de 14h30 (8h30, heure du Québec) (Photo: Getty Images)
Amsterdam — La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi d’arrêter ses mesures de soutien monétaire en mettant fin à des années de rachats d’actifs et annoncé qu’elle relèvera en juillet ses taux directeurs pour lutter contre l’inflation, une première depuis plus de dix ans.
Annoncées à l’issue d’une réunion du conseil des gouverneurs, délocalisée à Amsterdam, ces décisions, largement attendues, marquent un tournant historique après des années de politique d’argent pas cher et abondant.
Alors que les autres grandes banques centrales ont déjà amorcé le resserrement de leur politique monétaire, les gardiens de l’euro «ont l’intention de relever les taux directeurs de 25 points de base lors de la réunion en juillet», avant «une autre hausse en septembre», selon le communiqué de l’institution.
Il s’agira de la première hausse de taux depuis mai 2011.
Depuis décembre, la BCE a été surprise par la dynamique de l’inflation, qui s’est encore accélérée avec la guerre en Ukraine. Elle a atteint 8,1% sur un an en mai, avec quatorze pays sur dix-neuf de la zone euro se situant au-dessus de cette moyenne.
Du jamais vu depuis l’instauration de la monnaie unique et un niveau quatre fois supérieur à l’objectif de la BCE fixé à 2%.
Inflation durable
Le reflux espéré des prix se faire attendre: la BCE a nettement relevé jeudi ses prévisions d’inflation jusqu’en 2024.
L’institution s’attend désormais à une inflation de 6,8% en 2022, qui devrait ensuite ralentir à 3,5% en 2023, mais restant avec 2,1% au-dessus de l’objectif des 2% même en 2024.
Or «si les perspectives d’inflation à moyen terme persistent ou se détériorent», une augmentation plus importante des taux, supérieure à 25 points, «sera appropriée lors de la réunion de septembre», prévient la BCE.
Depuis plusieurs semaines déjà, les «faucons» de l’institution, partisans d’une plus grande rigueur monétaire, plaident pour des hausses de 50 points de base.
D’autres banques centrales confrontées à une forte inflation, comme la Fed américaine et la Banque d’Angleterre, ont déjà engagé un cycle de relèvement des taux.
La BCE s’est enfermée dans un calendrier de resserrement monétaire très progressif et y déroger maintenant mettrait à mal sa crédibilité.
Ainsi, l’institution a confirmé jeudi qu’elle allait mettre fin «le 1er juillet» à ses rachats nets d’actifs, un préalable avant de commencer à relever ses taux.
Fer de lance, avec les taux directeurs négatifs, de son action contre la déflation, ces programmes ont permis à la BCE d’acheter à tour de bras des obligations sur le marché pour faire baisser les coûts de financement et faire repartir l’économie.
Le montant colossal de quelque 5 000 milliards d’euros d’obligations a été racheté par la BCE depuis 2015.
Face à une inflation galopante, ce soutien n’est plus nécessaire.
Taux d’emprunt sous surveillance
La sortie de la politique des taux négatifs entamée en 2014, qui a suscité des flots de critiques en Allemagne notamment, est délicate. Cette politique fait que les banques sont taxées — de -0,5% à ce jour — sur leurs dépôts confiés aux banques centrales faute de les distribuer via des crédits.
La BCE doit veiller à ne pas casser une croissance européenne déjà sérieusement ébranlée par les conséquences de la guerre en Ukraine.
L’institution a ainsi abaissé jeudi ses prévisions de croissance annuelle: la hausse du PIB devrait se limiter à 2,8% en 2022 dans la zone euro, avant 2,1% en 2023, contre respectivement 3,7% et 2,8% lors des dernières prévisions de mars.
La BCE doit aussi être attentive à ce qu’un relèvement de taux ne débouche pas sur une fragmentation sur le marché de la dette souveraine en zone euro, autrement dit à ce que les États européens n’empruntent pas à des niveaux trop différents.
La présidente de la BCE Christine Lagarde devrait s’exprimer sur toutes ces questions lors de la conférence de presse prévue à partir de 14h30 (8h30, heure du Québec)
Le risque est de voir en chemin les pays les plus endettés souffrir de la remontée de leurs coûts d’emprunt. Face à cela, «nous pouvons concevoir et déployer si nécessaire de nouveaux instruments», avait assuré récemment Mme Lagarde.