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Faillites: des Canadiens dans leur dernier retranchement

La Presse Canadienne|Publié le 26 septembre 2023

Faillites: des Canadiens dans leur dernier retranchement

Au deuxième trimestre de 2023, les soldes totaux des cartes de crédit ont atteint un sommet sans précédent de 107,4 milliards de dollars (G$), selon Equifax Canada. La dette totale des consommateurs a atteint 2400 G$. (Photo: La Presse Canadienne)

Malgré un contexte où la dette des Canadiens augmente en raison de la hausse des prix et des taux d’intérêt, des experts remarquent que de nombreuses personnes ignorent le processus d’insolvabilité, même s’il pourrait aider ceux qui sont dans une situation désespérée à repartir à zéro. 

La pression croissante se reflète dans les chiffres de l’insolvabilité des consommateurs, qui ont augmenté de manière significative au deuxième trimestre, selon le Bureau du surintendant des faillites. Pendant ce temps, l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR) a indiqué en août qu’elle s’attendait à ce que les insolvabilités des consommateurs dépassent les moyennes d’avant la pandémie plus tard cette année.

«C’est une tempête absolument parfaite», observe Scott Terrio, directeur de l’insolvabilité des consommateurs au sein du cabinet de syndic autorisé en insolvabilité Hoyes, Michalos & Associates.

Il craint que davantage de Canadiens se retrouvent au bord du gouffre et ne sachent vers qui se tourner.

Au deuxième trimestre de 2023, les soldes totaux des cartes de crédit ont atteint un sommet sans précédent de 107,4 milliards de dollars (G$), selon Equifax Canada. La dette totale des consommateurs a atteint 2400 G$.

Alors que de plus en plus de Canadiens ont probablement besoin d’aide pour régler leurs dettes, M. Terrio et d’autres experts affirment qu’il existe des malentendus au sujet du processus de faillite.

 

Faillite ou proposition? 

En cas de faillite, une personne est libérée de toutes ses dettes, ou d’une partie de ses dettes, dans le cadre d’un règlement juridique, explique Sandra Fry, conseillère en crédit à la Credit Counselling Society. Si son revenu mensuel est inférieur à un certain seuil, la faillite est un processus de neuf mois et les seuls frais sont les frais juridiques, explique-t-elle.

Le seuil est fixé chaque année par le Bureau du surintendant des faillites. Pour 2023, il varie entre 2543 dollars ($) et 6729 $ selon la taille de la famille.

Si les revenus du débiteur dépassent ce seuil, ou le dépassent au cours du processus de faillite, il doit rembourser une partie de sa dette sur 21 mois, précise Mme Fry.

Que le processus s’étende sur 9 ou 21 mois, une fois qu’il est terminé, le débiteur est libéré de ses dettes. La faillite apparaîtra sur leur historique de crédit pendant six ou sept ans après leur libération, selon la province qu’il habite, explique l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. S’il ne s’agit pas d’une première faillite, cela restera sur l’historique de crédit pendant 14 ans.

Une faillite aura également un impact sur la cote de crédit d’un individu et apparaîtra au registre de la Cour du Banc du Roi, ce qui peut avoir un effet négatif sur certaines professions et dans des domaines comme le parrainage de l’immigration, ajoute Mme Fry.

Mais la faillite n’est pas la seule option, rappelle M. Terrio.

«En fait, nous ne faisons pas beaucoup de faillites. Quatre−vingt−dix pour cent de nos dossiers sont des propositions de consommateur, ce qui constitue une alternative légale à la faillite», explique-t-il.

Dans le cadre d’une proposition de consommateur, une plus grande partie de la dette est remboursée que dans le cas d’une faillite, précise Mme Fry, généralement sur cinq ans.

Selon l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, une proposition de consommateur figure sur un historique de crédit trois ans après le remboursement des dettes, ou six ans après la signature de la proposition, selon la première éventualité.

Cela a également un impact négatif sur une cote de crédit, mais moins qu’une faillite, précise Mme Fry.

Dans une proposition de consommateur, on doit offrir aux créanciers davantage que ce qu’ils auraient reçu si une faillite avait eu lieu, indique M. Terrio — habituellement entre 20% et 30% de la dette.

«(Les créanciers) attendent plus longtemps, mais c’est aussi une bonne affaire pour eux. Parce que s’ils refusent la proposition et qu’on fait faillite, ils reçoivent moins.»

 

Les actifs pas toujours en jeu 

L’une des principales différences entre une faillite et une proposition de consommateur est que cette dernière ne touche pas les actifs, souligne pour sa part André Bolduc, président de l’ACPIR et syndic autorisé en insolvabilité.

Mais plusieurs croient à tort que s’ils choisissent la faillite, ils perdront tous leurs actifs, ce qui est faux, ajoute-t-il.

Pour ce qui est d’une maison, par exemple, cela dépend de la valeur nette qui y est immobilisée. S’il n’y en a pas, ou si la valeur nette est inférieure à un certain seuil d’exonération qui varie selon les provinces, il est possible de faire faillite tout en gardant sa maison et en continuant de payer l’hypothèque, explique M. Bolduc. Si ce n’est pas le cas, il est probablement préférable d’opter pour une proposition, ajoute-t-il.

Il existe également des exemptions pour d’autres actifs, comme les véhicules et les régimes enregistrés d’épargne, précise M. Bolduc. Ces exemptions varient également selon les provinces.

Plusieurs personnes ne réalisent peut−être pas qu’elles sont au bord du précipice, car elles paient le minimum sur une dette importante et maintiennent une bonne cote de crédit, indique M. Terrio. Mais il suffit d’un changement majeur, comme une mise à pied, pour que le château de cartes s’effondre. C’est pourquoi il est important de déterminer à quoi ressemble son «pire scénario», estime-t-il.

«Vous seriez surpris de ce que les gens réalisent lorsqu’ils mettent cela sur papier.»

Lorsqu’il est temps d’évaluer ses options, seuls les syndics autorisés en insolvabilité peuvent accompagner quelqu’un dans une procédure de faillite ou de proposition de consommateur, explique M. Bolduc. Ils peuvent également recourir à d’autres options en dehors du processus d’insolvabilité et orienter quelqu’un vers un organisme de conseil en crédit, ajoute-t-il.

Cependant, il est également possible de commencer par une organisation de conseil en crédit à but non lucratif pour évaluer ses options, mentionne Mme Fry. Si une faillite ou une proposition est la meilleure solution, ils peuvent alors recommander un syndic autorisé en insolvabilité, précise-t-elle.

Les conseillers en crédit peuvent également aider à négocier avec des créanciers individuels pour tenter de réduire les taux d’intérêt, explique Mme Fry.

Cela ne sera pas juridiquement contraignant et aura un impact sur le pointage de crédit et la capacité à obtenir un nouveau crédit. Mais cela ne sera pas rendu public et l’organisation exigera également que le débiteur participe à un cours d’éducation financière, poursuit−elle.

L’un des plus grands pièges que voit M. Bolduc est que les gens ne consultent pas assez tôt au sujet de leur dette, souvent parce qu’ils ont honte. Son message à ces gens est qu’ils n’ont pas échoué, et qu’ils ne sont pas seuls.

«Le commentaire que je reçois le plus des gens que je rencontre est (…) “j’aurais dû venir vous voir plus tôt, et ce n’était pas aussi grave que je le croyais.”»

Rosa Saba, La Presse Canadienne