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Faut-il avoir peur de l’inflation?

AFP|Publié le 25 novembre 2021

Faut-il avoir peur de l’inflation?

Traditionnellement les banques centrales peuvent relever leur taux d'intérêt pour contrer la hausse des prix, mais cela peut aussi ralentir la croissance économique. (Photo: 123RF)

Paris — Factures de chauffage qui explosent, pleins d’essence et courses alimentaires qui pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages… Le retour de l’inflation complique l’équation de sortie de crise.


Que disent les chiffres?

Ils s’affolent depuis plusieurs mois. Aux États-Unis, les prix à la consommation ont augmenté de 5% sur un an en octobre, un plus haut depuis 1990, selon l’indice PCE publié mercredi. 

La zone euro a affiché une hausse de 4,1%, un plus haut en treize ans, pendant que le Royaume-Uni a vu ses prix monter de 4,2%. Dans les trois cas, l’inflation dépasse largement les limites tolérées par les banques centrales, à savoir plus ou moins 2%.

À (re)lire: L’inflation en Allemagne pourrait grimper à 6%

Ailleurs, l’Afrique du Sud a affiché un bond de 5% en octobre, le Brésil de 10,67%, et la Russie de 8,1%, un record en cinq ans pour Moscou. 

Derrière les chiffres il y a les réalités: envolée du plein d’essence ou de la facture de chauffage, hausse du prix de la viande ou des denrées alimentaires de base…

Aux États-Unis, le secteur agroalimentaire s’est mis à réduire la taille des articles vendus en supermarché pour masquer les hausses de prix. Et des restaurateurs ont raconté à un journaliste de l’AFP avoir retiré de leur carte certains produits tels que l’eau gazeuse ou les boulettes de crabes, dont le prix est devenu prohibitif.

 

Pourquoi cette hausse?

Après une année 2020 de glaciation économique en raison de la COVID-19, le rebond de la consommation des ménages et la reconstitution des marchandises des entreprises ont fait exploser la demande, et l’offre a du mal à suivre.

Cela a dopé les cours de nombreuses matières premières, le pétrole en tête, mais aussi le cuivre, le bois et plusieurs autres.

Le secteur tech subit parallèlement une pénurie de certaines puces devenues essentielles dans les secteurs de la téléphonie ou de l’automobile.

La congestion des routes du commerce mondial pèse aussi, avec des blocages dans de nombreux ports manquant de main-d’œuvre pour charger et décharger les navires, et l’explosion du coût du fret maritime surtout en partance d’Asie où se trouvent les principaux ateliers du monde.

 

«Transitoire», vraiment?

Les mois passent et les banquiers centraux s’accrochent à l’argument qu’il s’agit de facteurs conjoncturels, et qu’ils devraient s’estomper une fois passés les effets mécaniques de comparaison avec 2020 et les problèmes d’approvisionnements. 

«Il est désormais évident que ce processus va prendre plus de temps qu’anticipé et que le dépassement d’inflation va probablement s’aggraver avant de s’améliorer», préviennent les analystes de Goldman Sachs dans une note. Ils parient sur un début de normalisation seulement en milieu d’année prochaine.

Signe de l’installation du problème dans le paysage, les requêtes sur Google avec le mot «inflation» culminent depuis des semaines à de plus hauts niveaux depuis plusieurs années en Europe et aux États-Unis, selon Google Trends. 

Or là est la principale crainte: que le sentiment d’inflation persistante se traduise par des demandes généralisées de hausses salariales, et que les entreprises aient à les répercuter sur leurs prix, enclenchant alors une spirale difficilement maîtrisable.

Aux États-Unis, «on peut s’attendre à ce que les entreprises fassent monter les salaires offerts à la main-d’œuvre recherchée dans un avenir proche», souligne auprès de l’AFP Jacob Kirkegaard, chercheur au Peterson Institute (PIIE) à Washington.

La fragilité du marché du travail, liée aux départs en retraite et aux postes non pourvus, et les bénéfices élevés des entreprises devraient selon lui amplifier ce mouvement.

 

Pourquoi est-ce un terrain miné?

Traditionnellement les banques centrales peuvent relever leur taux d’intérêt pour contrer la hausse des prix, mais cela peut aussi ralentir la croissance économique.

Un an après une crise mondiale historique, il est difficile pour elles de prendre le risque de casser la fragile reprise entamée cette année, d’autant qu’elle montre déjà des signes d’essoufflement.

Plusieurs banques centrales de pays émergents ont cependant déjà sauté le pas et relevé leurs taux sous la pression inflationniste, par exemple au Mexique, au Brésil et en Russie.

Sous pression d’un président américain soucieux de préserver le pouvoir d’achat des ménages, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) Jerome Powell a indiqué pour sa part, lors de son discours de reconduction à la tête de l’institution lundi, que celle-ci agirait pour que l’inflation ne «s’enracine pas».