Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Finances publiques: un climat d’«incertitude très élevée»

La Presse Canadienne|Publié le 15 août 2022

Finances publiques: un climat d’«incertitude très élevée»

La vérificatrice générale Guylaine Leclerc (Photo: La Presse Canadienne)

Les finances publiques du Québec sont en ordre, en cette fin de mandat, le retour à l’équilibre budgétaire étant pratiquement chose faite, mais rien n’est acquis pour autant, en raison de l’incertitude économique ambiante.

Tel est le portrait qui se dégage du rapport produit par la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, à la suite du document fourni par le ministre des Finances, Eric Girard, sur l’état anticipé des finances publiques pour la période allant de 2022-2023 à 2024-2025, à l’approche de la campagne électorale.

L’analyse détaillée de la vérificatrice générale, déposée lundi, indique que les prévisions budgétaires du ministre Girard sont «plausibles», tout en ajoutant que l’impact du «climat d’incertitude» économique sur la bonne santé des finances publiques du Québec demeurait «inhabituellement élevé», selon elle.

Les prévisions et hypothèses formulées par M. Girard, en termes de revenus anticipés, de dépenses et de l’état de la dette sont donc jugées «cohérentes», tenant compte des différents paramètres comptables reconnus (prévisions économiques, mesures budgétaires, statistiques fiscales récentes, lois en vigueur, etc.), conclut la vérificatrice.

La loi prévoit qu’en fin de mandat le ministre des Finances doit produire un état de situation sur les finances publiques. L’exercice vise notamment à permettre à tous les partis politiques de se placer sur la ligne de départ avec les mêmes chiffres en main.

Si l’on fait fi des différentes méthodes de calcul, on peut estimer que le Québec, au sens comptable, a pratiquement atteint le déficit zéro. Depuis le dépôt du budget 2022-2023, le déficit a presque complètement fondu en seulement cinq mois, soit de mars à août, en passant de 6,4 milliards $ à 729 millions $.

Évidemment, le ministre des Finances n’a pas caché sa satisfaction. «L’équilibre budgétaire est atteint sur l’ensemble du cadre financier, après contribution au Fonds des générations», a-t-il dit, en point de presse, rappelant que le Québec avait adopté une définition plus stricte qu’ailleurs au Canada de l’équilibre budgétaire.

Le gouvernement peut dire merci à la hausse importante du taux d’inflation, pour avoir réussi ce tour de force. Pendant que les consommateurs pestent contre l’inflation, l’État engrange les revenus et voit ses coffres se remplir.

Il est prévu que les revenus provenant de l’impôt des particuliers, soit la plus importante source de revenus de l’État, feront un bond de 5,2%, de 2021-2022 à 2022-2023. Les revenus provenant de la taxe à la consommation totaliseront 27,3 milliards de dollars en 2022-2023, en hausse de 10,8% par rapport à 2021-2022.

«Le Québec poursuit sa croissance», a ajouté le ministre, qui prévoit une croissance économique de 3,4% en 2022 et 1,7% en 2023.

Malgré quelques étoiles collées sur son bulletin, la vérificatrice générale invite le ministre des Finances à faire preuve de prudence.

La flambée de l’inflation, voire une récession mondiale, la guerre en Ukraine et une éventuelle nouvelle vague de pandémie de COVID-19 pourraient brouiller les cartes et avoir un effet négatif sur l’état des finances publiques dans les années à venir, rappelle la vérificatrice dans son rapport de 83 pages. La rareté de la main-d’œuvre pourrait également freiner les projets de dépenses et d’investissement du gouvernement, notamment dans le réseau de la santé et des services sociaux où l’embauche est difficile.

Mais M. Girard a écarté le scénario d’une récession à court terme. «Nous ne prévoyons pas de récession. Ce n’est pas le scénario le plus probable», a-t-il répliqué.

La vérificatrice aurait tout de même souhaité que Québec prépare «un scénario alternatif» à ses prévisions. Cela «aurait été utile» au prochain gouvernement, si jamais les prévisions établies ne s’avéraient pas, voire en cas de récession mondiale, a-t-elle précisé en conférence de presse.

Mais la loi n’exigeait pas de produire de «scénario alternatif», alors il n’en a pas produit, a dit M. Girard.

Le ministre des Finances a inscrit des marges de prudence de 2,4 G$ pour 2022-2023 et de 2,25 G$ l’année suivante, un coussin d’une hauteur «pertinente», a jugé Mme Leclerc, sans pouvoir dire si cela était vraiment suffisant, compte tenu du climat d’incertitude ambiant. Québec a mis de côté 2 G$ pour contrer la COVID-19 en 2022-2023.

«Le cadre financier présenté dans ce rapport constitue une base transparente et vérifiée sur laquelle tous les partis pourront bâtir leurs programmes électoraux», a-t-il estimé, en point de presse, vantant «la saine gestion» des finances publiques.

Avec une conjoncture aussi favorable, le ministre Girard a aussi réaffirmé l’intention de son gouvernement de diminuer le fardeau fiscal des contribuables québécois, s’il est reporté au pouvoir le 3 octobre. Mais il s’est refusé à fournir plus de détails sur ses intentions.

 

Réactions de l’opposition 

L’ex-ministre des Finances et porte-parole libéral, Carlos Leitao, a reconnu qu’il n’y avait «plus de déficit structurel» au Québec, grâce à une forte augmentation des revenus dans les coffres de l’État.

Mais il reproche au gouvernement Legault de ne pas avoir profité de cette manne pour aider davantage les contribuables à affronter la hausse du coût de la vie. «Il avait les moyens d’agir» et il ne l’a pas fait, selon lui.

«Si les finances publiques vont bien, c’est parce que la vie coûte plus cher aux contribuables. Je ne me péterais pas les bretelles, si j’étais à la place de François Legault», a commenté de son côté la députée solidaire Ruba Ghazal.

«Les familles souffrent de l’inflation et la CAQ n’a rien fait pour les aider, à part leur envoyer un chèque qui était déjà dépensé à la fin du mois tant les besoins sont grands», a-t-elle ajouté.