Fonderie Horne: contamination au-delà de la zone d’expropriation?
La Presse Canadienne|Publié le 09 février 2024Les polluants contenus dans la neige accumulée révéleraient la présence d’arsenic, de cadmium, de nickel et de plomb dans différents secteurs de la ville selon l’analyse de la firme Véritas. (Photo: La Presse Canadienne)
La contamination de polluants émis par la Fonderie Horne atteindrait des zones plus grandes que le périmètre des expropriations, selon le groupe Mères au front, qui a présenté les résultats d’une nouvelle étude vendredi à Montréal.
Une trentaine de citoyens ont collecté, à Rouyn−Noranda, de la neige accumulée entre novembre 2022 et mars 2023 dans les quartiers alentour de la Fonderie Horne, en Abitibi.
Ils ont ensuite fait analyser la neige par la firme Véritas, un laboratoire certifié, pour le compte de Mères au front.
Selon l’interprétation des résultats qu’en fait Daniel Green, consultant en environnement qui a participé à la conférence de presse organisée par Mères au front vendredi matin, «la zone de retombée des polluants est plus grande que la zone juste au sud de la fonderie qui délimite la zone tampon d’expropriation», annoncée par le gouvernement du Québec en mars 2023.
Il a expliqué que les polluants contenus dans la neige accumulée révélaient «des teneurs élevées» d’arsenic, de cadmium, de nickel et de plomb dans quatre secteurs de la ville.
«Quand on parle d’une concentration autour de 20 à 35 milligrammes par mètre carré, c’est là où la probabilité de dépassement de la norme au sol est rencontrée», a dit M. Green.
On ne peut pas affirmer que les quantités de polluants trouvés dans la neige dépassent les normes, car il n’existe pas de seuil pour les concentrations de métaux dans la neige.
«Alors il faut faire des modélisations», a expliqué le consultant en environnement qui réclame une «norme neige» comme il existe des normes pour le sol et l’air pour les contaminants comme l’arsenic, le cadmium ou le plomb.
La neige conserve «l’historique de la contamination»
Toujours selon Daniel Green, «les polluants émis par la fonderie en hiver tombent et s’accumulent sur les surfaces enneigées, contrairement aux autres saisons, où les pluies et le vent peuvent lessiver et soulever les sols et les particules polluantes».
Alors, selon lui, «une norme neige serait plus représentative des retombées de la fonderie» que des échantillonnages de sol ou d’air.
«Les échantillons d’air sont ponctuels», alors que les échantillons prélevés au sol «sont moins représentatifs», car les polluants peuvent être balayés par le vent.
La neige, selon le biologiste de formation, «conserve les polluants» et «même l’historique de la contamination», grâce aux «différentes strates», ou couches de neige.
Le ministre ne ferme pas la porte à une norme pour la neige
Questionné en marge d’un événement à Montréal, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, qui n’avait pas pris connaissance personnellement de l’analyse réalisée pour Mères au front, a expliqué que son ministère «regarde avec sérieux les différentes analyses qui sont présentées» et «qu’à partir du moment où ce sera évalué, s’il y a un ajustement à faire avec les affaires municipales, ce sera fait».
Il faut savoir qu’à Québec, c’est le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation qui est responsable de la «zone tampon» alentour de la fonderie.
Le ministre de l’Environnement est pour sa part responsable de l’autorisation ministérielle accordée à la Fonderie Horne et lors de l’entrevue, il a répété qu’il était satisfait des normes et exigences que Glencore doit respecter: «On est sur des bases solides qui avaient été proposées et par l’INSPQ et par la santé publique».
Quant à la possibilité de créer «une norme neige» pour les polluants, le ministre n’a pas fermé pas la porte.
«Le ministère propose continuellement des avancées pour moderniser notre réglementation, donc c’est quelque chose qui est certainement étudié. Est−ce qu’il y a une réglementation qui est à venir dans un avenir que je pourrais confirmer? Non à ce moment−ci, mais c’est une réglementation qui est en constante évolution. Donc éventuellement, c’est peut−être une orientation qui pourrait être retenue», a indiqué le ministre Charette.
L’entreprise réagit
Appelé à réagir à la sortie de Mères au front et Daniel Green, la responsable des communications de la fonderie, Cindy Caouette, a transmis cette déclaration à La Presse Canadienne: «Ne connaissant pas la méthodologie et les résultats détaillés de cette étude, nous n’émettrons pas de commentaires à ce sujet. Nous tenons cependant à rappeler que nous sommes sensibles aux préoccupations des membres de la communauté, alors que nous vivons et travaillons nous−mêmes à Rouyn−Noranda. Nous voulons nous assurer que la communauté locale ait confiance et soit fière de la performance de nos opérations».
Le communiqué fait également état de différents engagements que l’entreprise a pris dans les dernières années et qui, selon elle, ont permis notamment «de réduire de plus de 70% les émissions annuelles moyennes d’arsenic dans l’air ambiant entre 2005 et 2023».
Des polluants liés au risque de cancer
Lors de sa présentation vendredi à Montréal, le groupe Mères au front a rappelé quelques conclusions tirées d’une étude de biosurveillance effectuée par la Santé publique en 2019 à Rouyn−Noranda.
Ces données montrent que le taux de plomb moyen présent dans le corps des enfants du quartier Notre−Dame, où est située la fonderie, se situe au−dessus de la moyenne canadienne. Également, les concentrations d’arsenic dans les ongles des citoyens de ce quartier sont en moyenne 3,7 fois plus élevées que celles observées auprès de la population d’Amos, une ville de la région. Elles ont également souligné qu’une concentration élevée d’arsenic peut entraîner une augmentation du risque cancérigène.
À l’été 2022, un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) révélait que, sur une période de 70 ans, un nombre excédent de citoyens de Rouyn−Noranda, entre un et 14, développeraient un cancer si l’entreprise Glencore ne diminuait pas la concentration d’arsenic dans l’air produit par la fonderie.
En mars 2023, le gouvernement a exigé que la Fonderie Horne mette en place un plan qui lui permette de respecter la cible de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) d’arsenic à partir de 2027, ce qui serait, si la fonderie respecte la cible, cinq fois plus élevé que la norme environnementale, qui est de 3 ng/m3.
Au printemps dernier, le gouvernement a également imposé à l’entreprise qu’elle présente un plan d’action d’ici 2027, pour éventuellement atteindre la norme 3 ng/m3.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne