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France: GE accusé de blanchiment de fraude fiscale

AFP|Publié le 31 mai 2022

France: GE accusé de blanchiment de fraude fiscale

Le géant industriel avait affirmé dimanche qu'il respectait «les règles fiscales des pays dans lesquels l'entreprise opère». (Photo: Getty Images)

Belfort — Une «décision historique»: le Comité social économique (CSE) et l’intersyndicale de General Electric à Belfort ont annoncé mardi avoir déposé une plainte devant le Parquet national financier (PNF) pour blanchiment de fraude fiscale notamment, pointant les manœuvres d’évasion fiscale du groupe américain.

Cette plainte contre X pour blanchiment de fraude fiscale, abus de confiance, faux et usage de faux, et recel aggravé en bande organisée «a été déposée au PNF» lundi, a précisé Eva Joly, avocate du CSE et des syndicats CFE-CGC et Sud, au cours d’une conférence de presse sur le site GE de Belfort. Celui-ci compte 4 000 salariés au total, dont 1 250 pour l’entité des turbines à gaz.

«C’est un moment exceptionnel, car les plaintes pour blanchiment de fraude fiscale contre les multinationales sont rares», a souligné Me Joly, du cabinet de droit des affaires Baro Alto. «Le blanchiment de fraude fiscale aggravé, c’est sept ans d’emprisonnement encourus et les dirigeants peuvent être responsables du montant de la fraude sur leur patrimoine».

Arborant fièrement un tee-shirt siglé du «Lion de Belfort» et de l’inscription «Belfort sort ses griffes», les délégués syndicaux Philippe Petitcolin (CFE-CGC) et Alexis Sesmat (Sud) ont dénoncé les pratiques fiscales du conglomérat américain. «Lutter contre l’évasion fiscale ce n’est pas une fatalité. On entre en résistance!», a tonné Alexis Sesmat.

 

«En réalité, Belfort est à l’équilibre»

Le géant industriel avait affirmé dimanche qu’il respectait «les règles fiscales des pays dans lesquels l’entreprise opère».

«Toutes les entreprises qui opèrent et fabriquent dans plusieurs pays ont une politique de prix de transferts pour s’assurer que toutes les transactions intersociétés se font à un prix de pleine concurrence (c’est-à-dire à des prix qui s’appliqueraient aux transactions entre parties non liées)», avait-il soutenu.

Or, selon les plaignants, depuis le rachat de l’usine de turbines de Belfort à Alstom en 2015, la multinationale américaine a fait échapper plus de 500 millions d’euros du site belfortain vers la Suisse et l’État américain du Delaware où la fiscalité est plus avantageuse.

«Nous avons démontré que sur la période 2016-2019, il y a eu une minoration artificielle (des bénéfices du site de Belfort) de 555 millions d’euros sur trois contrats où les règles sur les prix des transferts ne sont pas respectées» par GE, a souligné Eva Joly, ancienne députée européenne et ancienne juge d’instruction spécialisée dans la lutte contre la corruption.

Selon le site d’investigation Disclose, cette somme s’élèverait même à 800 millions d’euros.

«En réalité, si on ne truque pas les comptes, le site de Belfort est à l’équilibre». «GE a organisé l’appauvrissement du site de Belfort» et «prépare la fermeture de ce site», craint Me Joly.

Pour Philippe Petitcolin, délégué CFE-CGC et secrétaire du CSE, ce «déficit artificiel a permis à GE de justifier la modération salariale, la baisse des investissements et les délocalisations» à l’étranger.

 

«Rien ne change»

Le 30 décembre dernier, les syndicats avaient déjà saisi le tribunal judiciaire de Belfort pour «fraude au droit à la participation des salariés». Cette procédure est toujours en cours.

«Depuis 2018, on a fait beaucoup d’analyses, d’expertises et on relève un certain nombre de non-conformités», note M. Petitcolin. «Malgré les rapports, malgré les réunions, malgré les informations que nous avons transmises au fisc depuis quatre ans, rien ne change, et donc l’évasion fiscale de General Electric continue», poursuit-il, alors que «comme McKinsey, GE n’a pas payé d’impôt en France depuis plus de 10 ans».

L’administration fiscale française avait démenti lundi auprès de l’AFP avoir validé un schéma d’optimisation fiscale pour General Electric (GE), lui permettant de transférer plusieurs centaines de millions d’euros de bénéfices à l’étranger.

«Il y a un manque de volonté politique pour lutter contre les paradis fiscaux», a estimé Quentin Parrinello, d’Oxfam, également présent mardi avec l’association Attac pour soutenir la démarche de l’intersyndicale.

Le maire de Belfort Damien Meslot (LR) a de son côté annoncé s’être adressé au ministre de l’Économie Bruno Le Maire sur ce dossier: «Les recettes du fisc français et des collectivités locales sont également concernées. L’impact financier pour le Grand Belfort est considérable. Nous estimons au minimum à 10 millions d’euros la perte de recettes entre 2017 et 2022», souligne-t-il.

D’après l’intersyndicale, GE aurait par ailleurs accepté un redressement fiscal sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

EDF a annoncé en février dernier le rachat des activités nucléaires de GE pour 1,2 milliard de dollars américains.