Greenpeace porte plainte contre six producteurs de pétrole
La Presse Canadienne|Publié le 16 mars 2023Greenpeace annonce avoir déposé une plainte au Bureau de la concurrence du Canada contre une alliance regroupant les six plus grands producteurs de sables bitumineux du pays. (Photo: La Presse Canadienne)
Greenpeace annonce avoir déposé une plainte au Bureau de la concurrence du Canada contre une alliance regroupant les six plus grands producteurs de sables bitumineux du pays. L’organisation environnementale allègue que l’Alliance nouvelles voies mène une campagne publicitaire trompeuse et mensongère sur l’impact des sables bitumineux sur l’environnement.
L’Alliance nouvelles voies, formée des producteurs de pétrole Canadian Natural Resources Limited, Cenovus Energy, ConocoPhillips Canada, Imperial, MEG Energy et Suncor Energy, avance dans une campagne publicitaire que «les plus grandes entreprises de sables bitumineux du Canada se sont alliées pour agir en faveur du climat» ou encore que celles-ci vont «aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques».
Ces producteurs affirment également qu’ils ont comme objectif de «réduire les émissions annuelles liées aux sables bitumineux pour atteindre la carboneutralité à l’horizon 2050».
Or, selon Greenpeace, il s’agit d’une tactique d’écoblanchiment et l’organisation demande au Bureau de la concurrence du Canada d’enquêter sur la campagne «Mettons ça au clair» de l’alliance.
Dans sa croisade contre ces producteurs de pétrole, Greenpeace s’est trouvé une alliée en la personne de l’ancienne ministre de l’Environnement du Canada Catherine Mckenna.
«L’Alliance nouvelles voies, qui regroupe les principales entreprises d’exploitation des sables bitumineux, inonde les ondes avec ses aspirations vers la carboneutralité, mais en réalité, ses émissions augmentent, elle n’investit qu’une fraction de ses bénéfices dans des solutions propres et fait du lobbying contre l’action en faveur du climat. Il est temps de tracer une ligne rouge autour de l’écoblanchiment», a indiqué Catherine Mckenna dans un communiqué.
L’ex-ministre a récemment été nommée par le secrétaire général des Nations unies en tant que présidente du Groupe d’experts sur les engagements net zéro de l’ONU.
La production de sable bitumineux atteint un record historique
Greenpeace fait valoir que les membres de l’Alliance ne peuvent pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en continuant d’accroître leur production de combustibles fossiles, le secteur qui représente la plus grande source de GES au pays.
Selon la banque ATB, la production de pétrole brut en Alberta a atteint un record historique en 2022, avec un peu moins de 1,4 milliard de barils. C’est presque le double de la quantité de pétrole produite en 2010.
Stockage du carbone
Les producteurs de l’Alliance nouvelles voies envisagent de dépenser 24 milliards $ d’ici 2030 pour réduire leurs émissions, et les deux tiers de ce montant visent des systèmes de capture et de stockage du carbone, comme la mise en place d’une ligne de transport qui capterait le dioxyde de carbone des installations de sables bitumineux et le transporterait vers une installation de stockage près de Cold Lake, en Alberta. Sur son site internet, l’alliance indique que les premiers essais sur le terrain «pour évaluer plus précisément la pertinence de la séquestration du carbone» sont prévus l’hiver prochain.
Dans sa plainte, Greenpeace affirme que l’alliance «mise sur des technologies de captage et de stockage du carbone qui se sont avérées inefficaces et coûteuses» et que le plan de carboneutralité «ne tient même pas compte de toutes les émissions».
Greenpeace fait ainsi référence aux émissions de GES produites en aval.
Les six plus grands producteurs de sables bitumineux du pays promettent de rendre leur installation de production carboneutre, mais la vaste majorité des émissions d’un baril de pétrole sont émises lors de sa combustion, par exemple au moment où ces émissions s’échappent du tuyau d’échappement d’un véhicule, donc en aval.
Selon Greenpeace, l’Alliance nouvelles voies «emploie cette campagne publicitaire» pour «influencer la réglementation fédérale et convaincre le public de soutenir l’exploitation continue des sables bitumineux».
En outre, l’organisation environnementale demande au Bureau de la concurrence d’obliger l’alliance à retirer de ses communications publiques toute mention de «net zero», de «durabilité» ou de termes apparentés en plus de publier une rétraction de ces affirmations.
Finalement, Greenpeace demande que l’alliance paie une «amende de 10 millions de dollars ou de 3% de ses recettes brutes mondiales» pour financer les efforts de remise en état et de dépollution des sites de sables bitumineux.
«Toute mesure corrective doit être à la hauteur de leurs tactiques d’écoblanchiment», a déclaré Priyanka Vittal, conseillère juridique de Greenpeace Canada.
Le Bureau de la concurrence est «un organisme d’application de la loi indépendant qui défend et protège les consommateurs canadiens».
Sur son site internet, le Bureau indique que «si votre entreprise fait une déclaration environnementale au sujet d’un produit ou d’un service, n’oubliez pas que les lois dont le Bureau assure le contrôle s’appliquent directement aux déclarations environnementales qui sont fausses, trompeuses ou non fondées sur des épreuves suffisantes et appropriées».
Des plans de carboneutralité peu crédibles
En 2020, un groupe de chercheurs de l’Université Oxford a publié une étude (Assessing the rapidly-emerging landscape of net zero targets) dans laquelle ils ont analysé les déclarations climatiques de 4000 pays, entreprises et gouvernements régionaux, qui, ensemble, émettent la majorité des GES à l’échelle de la planète.
L’équipe du chercheur Thomas Hale a constaté que sur les 769 entités qui ont des objectifs de carboneutralité, seulement 152 ont un plan crédible et «des critères robustes» pour atteindre leur cible.
Les chercheurs de l’Université Oxford indiquaient à l’époque que les objectifs de carboneutralité «couvrent les deux tiers de l’économie mondiale, mais des objectifs de carboneutralité solides ne couvrent qu’environ 5%».