Environ 4000 navires circulent dans la Voie maritime du Saint-Laurent chaque année, notamment des cargaisons de céréales, pour un total d'une valeur de 16,7 milliards de dollars en biens l'année dernière. Le conflit de travail empêchera toute navigation dans cet axe. (Photo: La Presse Canadienne)
Les entreprises canadiennes s’inquiètent déjà des répercussions que pourrait avoir une grève prolongée à la Voie maritime du Saint-Laurent et préviennent que ce deuxième conflit de travail majeur à toucher le secteur canadien du transport maritime cette année pourrait avoir des impacts sur la période des Fêtes.
Les quelque 360 syndiqués qui travaillent à la Voie maritime ont amorcé une grève à la première heure dimanche, après que des négociations de la dernière chance menées samedi n’ont pas permis au syndicat, Unifor, de s’entendre avec l’employeur, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Peu de temps après le déclenchement de ce moyen de pression, la Chambre de commerce du Canada et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) se sont dites «très préoccupées» par les impacts potentiels de la grève.
Selon le vice-président aux affaires nationales de la FCEI, Jasmin Guénette, de nombreuses entreprises commencent déjà à prévoir leurs inventaires pour l’importante période des Fêtes — qui s’amorce dans bien des cas en novembre avec le Vendredi fou — de sorte qu’un arrêt de service de plusieurs jours dans le couloir maritime reliant Montréal aux Grands Lacs causerait des maux de tête à bien des commerçants.
«Toutes sortes de secteurs sont touchés par un conflit de travail comme celui-là: le secteur manufacturier, le commerce de détail, le secteur agricole… donc il faut vraiment s’assurer que la grève ne dure pas plus que quelques jours», a-t-il martelé en entrevue avec La Presse Canadienne.
«La région des Grands Lacs en dépend. L’économie canadienne en dépend. L’économie américaine au complet dépend de cette route-là, et il faut qu’elle soit opérationnelle à 100 %. Autrement, il y a des impacts à court et moyen terme pour un très grand nombre de commerçants.»
L’intervention du fédéral réclamée
De nombreuses entreprises ont besoin du secteur maritime pour recevoir les produits qu’ils offriront ensuite à leurs clients, notamment ceux qui proviennent de l’Europe ou de l’Asie, a expliqué M. Guénette.
Ainsi, il se demande pourquoi le gouvernement fédéral n’est pas intervenu dans ce dossier aussi férocement qu’il l’avait fait cet été lorsque les ports de la Colombie-Britannique ont été paralysés pendant 13 jours par un conflit de travail impliquant leurs débardeurs.
«On parle de faire des choses, mais on ne fait rien concrètement pour que les travailleurs canadiens de la Voie maritime du Saint-Laurent ne soient pas en grève», a déploré M. Guénette, qui aurait aimé plus de «proactivité» de la part d’Ottawa.
«C’est un casse-tête qui s’ajoute à la grève en Colombie-Britannique, à deux ans de pandémie… c’est comme si on n’arrivait pas à se sortir la tête de l’eau complètement pour faire croître les entreprises.»
Dimanche, le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, a pressé les deux parties à «reprendre les discussions afin d’arriver à une entente et d’éviter la fermeture continue de la voie maritime».
«La Voie maritime du Saint-Laurent, et les travailleurs qui l’exploitent et l’entretiennent, sont un élément essentiel de notre chaîne d’approvisionnement. C’est un aspect important du système de transport qui soutient notre économie», a-t-il rappelé sur X, anciennement Twitter.
Tout comme la FCEI, la Chambre de commerce du Canada réclame aussi une intervention de la part d’Ottawa.
«Le gouvernement fédéral doit agir immédiatement pour mettre fin à cette nouvelle perturbation tout en continuant à travailler en étroite collaboration avec toutes les parties sur un accord à long terme», a indiqué l’organisation dans un communiqué.
Les discussions au point mort
Environ 4000 navires circulent dans la Voie maritime du Saint-Laurent chaque année, notamment des cargaisons de céréales, pour un total d’une valeur de 16,7 milliards de dollars en biens l’année dernière. Le conflit de travail empêchera toute navigation dans cet axe.
Le salaire est le principal point en litige. De l’avis du syndicat, les deux parties sont toujours à «1000 milles nautiques» l’une de l’autre en ce qui concerne cet enjeu.
Dimanche, les négociations étaient interrompues entre les deux camps. Unifor a accusé la partie patronale de s’être retirée de la table peu avant minuit, tandis que l’employeur a répliqué que c’est plutôt le syndicat qui avait quitté la table avant l’heure prévue du déclenchement de la grève.
Dans tous les cas, le syndicat a assuré être prêt à reprendre les discussions, mais a souligné dans un courriel que «la balle est dans le camp de l’employeur à ce point-ci».
La Corporation de gestion de la Voie maritime souhaite maintenant qu’une décision soit rendue en vertu du Code canadien du travail pour que le syndicat fournisse des employés pendant la grève afin de s’assurer que les navires participant au transport des céréales puissent continuer de transiter par le système.
Quant à lui, le Port de Montréal demeure «pleinement opérationnel».
«À l’exception des navires prévus dans la Voie maritime et qui devaient faire escale dans nos installations, nos activités se poursuivent normalement», a souligné l’Administration portuaire de Montréal, qui espère tout de même voir un dénouement rapide.
«Tout interruption ou bris de service dans les chaînes d’approvisionnent nuit à la résilience de l’économie, tant au niveau régional que canadien. Nous invitons l’ensemble des parties à trouver rapidement une solution afin de limiter les impacts négatifs tant sur les entreprises qui comptent sur ces marchandises que sur la réputation du Canada comme partenaire commercial.»
Par Mathieu Paquette