Mardi, les prix du pétrole hésitaient, entre craintes d'une escalade et efforts diplomatiques, aucune perturbation de l'approvisionnement n'ayant par ailleurs eu lieu à ce stade. (Photo: 123RF)
La guerre entre Israël et le Hamas pourrait porter un coup sévère à l’économie mondiale, alertent des représentants de la finance internationale participant à un important forum d’investissement en Arabie saoudite.
Le pessimisme affiché mardi par certains intervenants est également venu rappeler les risques d’une éventuelle escalade de la violence au Moyen-Orient sur les projets de diversification de la monarchie saoudienne, premier exportateur mondial de brut.
La guerre, déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël, risque d’avoir «un grave impact sur le développement économique», a prévenu le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, à l’ouverture de la conférence Future Investment Initiative (FFI) à Ryad.
«Je pense que nous nous trouvons à un moment très dangereux», a-t-il ajouté.
Plus de 1400 personnes ont été tuées sur le territoire palestinien par les hommes du Hamas, en majorité le jour de l’attaque, selon Israël, et plus de 5000 Palestiniens dans les bombardements menés en représailles sur la bande de Gaza par l’armée israélienne, selon le dernier bilan du Hamas.
La communauté internationale craint l’ouverture d’autres fronts, notamment avec le Hezbollah libanais, qui comme le Hamas est soutenu par l’Iran.
«Si ces problèmes ne sont pas résolus, cela signifiera probablement plus de terrorisme mondial, plus d’insécurité, plus de peur et moins d’espoir», a déclaré Larry Fink, PDG du géant de la gestion d’actifs BlackRock. «Et quand il y a moins d’espoir, nous voyons des contractions dans nos économies».
«Pessimiste»
Plus de 6000 personnes participent à ce forum de trois jours, surnommé le «Davos du désert», parmi lesquelles des financiers, dirigeants d’entreprises et les présidents de la Corée du Sud, du Kenya et du Rwanda, selon les organisateurs.
L’innovation et la transformation économique, thèmes de cette 7e édition, ont été éclipsés par la guerre.
«Nous sommes assis ici avec en toile de fond, et je pense que nous le reconnaissons tous, les conséquences de l’attaque terroriste en Israël et les événements qui se déroulent depuis, et c’est désespérément triste. Il est donc difficile de ne pas être un peu pessimiste», a souligné Jane Fraser, PDG de Citi.
La violence qui menace de se propager au Moyen-Orient est aux antipodes de la politique d’apaisement régional prônée par l’Arabie saoudite, qui s’est rapprochée ces derniers mois de son principal rival, l’Iran.
Ryad avait également engagé des discussions sur une possible normalisation avec Israël, mais les pourparlers ont été suspendus après le début de la guerre.
Le royaume est à mi-chemin d’un ambitieux programme de réformes, intitulé Vision 2030, porté par son prince héritier Mohammed ben Salmane, pour réduire sa dépendance au pétrole.
«L’Arabie saoudite est entièrement tournée vers sa transformation interne, qui nécessite un voisinage stable», a souligné Kristin Diwan, de l’Institut des États arabes du Golfe à Washington.
«Il est plus difficile d’inciter les gens à investir, à jouer au golf à Ryad ou à bronzer sur la côte de la mer Rouge lorsque la région est associée à la guerre et au terrorisme», selon elle.
Retour de la stabilité
Les autorités saoudiennes, qui ont condamné les violences contre les civils à Gaza et affirmé leur soutien à la cause palestinienne, semblent toutefois déterminées à aller de l’avant.
Outre le forum d’investisseurs, Ryad accueille sa première semaine de la mode et un match de boxe entre Tyson Fury et Francis Ngannou.
La cérémonie d’ouverture du forum a été marquée par une performance vocale de Malakai Bayoh, candidat de Britain’s Got Talent, tandis qu’une colombe géante s’affichait sur un écran derrière lui.
Certains participants ont affiché malgré tout un certain optimisme.
La guerre «est dans tous les esprits», a déclaré à l’AFP Laurent Germain, PDG de l’entreprise d’ingénierie française Egis Group. «Mais je pense que dans le monde économique, nous sommes des gens optimistes. Nous espérons un retour à la stabilité aussi vite que possible».
Pour Atul Arya, responsable de la stratégie énergétique chez S&P Global Commodity Insights, la situation géopolitique actuelle est «difficile», mais «le développement économique ne s’arrête jamais».
Crainte d’un choc pétrolier
Un nouveau choc pétrolier pourrait se produire en cas de dégradation de la situation au Proche-Orient, d’où proviennent un tiers des exportations mondiales d’or noir, a souligné mardi le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.
«Bien sûr nous ne savons pas comment la situation politique va évoluer. Mais les tensions sont très fortes, et environ un tiers des exportations de pétrole viennent de cette région. Non seulement les producteurs sont là, mais aussi des routes commerciales essentielles», a-t-il rappelé, interrogé par la presse sur l’impact de la guerre entre Israël et le Hamas.
«Une crise géopolitique majeure là-bas pourrait conduire de nouveau à un choc pétrolier, 50 ans après» le choc de 1973, a-t-il souligné, en marge de la présentation du rapport annuel de l’agence sur les perspectives énergétiques mondiales d’ici à 2030.
«Nous espérons fortement que nous n’en arriverons pas là, que des solutions pacifiques seront trouvées entre les parties», a-t-il poursuivi, estimant qu’une «volatilité sur le marché» serait «une mauvaise nouvelle pour tous et en particulier pour les pays en développement».
Mardi, les prix du pétrole hésitaient, entre craintes d’une escalade et efforts diplomatiques, aucune perturbation de l’approvisionnement n’ayant par ailleurs eu lieu à ce stade.